Voltaire
Fiche de lecture : Voltaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Fio100514 • 30 Mars 2015 • Fiche de lecture • 402 Mots (2 Pages) • 749 Vues
Enfin, le 1er juillet de cette année, se fit dans Abbeville cette exécution trop mémorable: cet enfant fut d’abord appliqué à la torture. Voici quel est ce genre de tourment.
Les jambes du patient sont serrées entre des ais; on enfonce des coins de fer ou de bois entre les ais et les genoux, les os en sont brisés. Le chevalier s’évanouit, mais il revint bientôt à lui, à l’aide de quelques liqueurs spiritueuses, et déclara, sans se plaindre, qu’il n’avait point de complice.
On lui donna pour confesseur et pour assistant un dominicain, ami de sa tante l’abbesse, avec lequel il avait souvent soupé dans le couvent. Ce bon homme pleurait, et le chevalier le consolait. On leur servit à dîner. Le dominicain ne pouvait manger. « Prenons un peu de nourriture, lui dit le chevalier; vous aurez besoin de force autant que moi pour soutenir le spectacle que je vais donner ».
Le spectacle en effet était terrible: on avait envoyé de Paris cinq bourreaux pour cette exécution. Je ne puis dire en effet si on lui coupa la langue et la main. Tout ce que je sais par les lettres d’Abbeville, c’est qu’il monta sur l’échafaud avec un courage tranquille, sans plainte, sans colère, et sans ostentation: tout ce qu’il dit au religieux qui l’assistait se réduit à ces paroles: « Je ne croyais pas qu’on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose.»
Il serait devenu très certainement un excellent officier : il étudiait la guerre par principes ; il avait fait des remarques sur quelques ouvrages du roi de Prusse et du maréchal de Saxe, les deux plus grands généraux de l’Europe.
Lorsque la nouvelle de sa mort fut reçue à Paris, le nonce dit publiquement qu’il n’aurait point été traité ainsi à Rome, et que s’il avait avoué ses fautes à l’Inquisition d’Espagne, ou du Portugal, il n’eût été condamné qu’à une pénitence de quelques années.
Je laisse, Monsieur, à votre humanité et à votre sagesse le soin de faire des réflexions sur un événement si affreux, si étrange, et devant lequel tout ce qu’on nous conte des prétendus supplices des premiers chrétiens doit disparaître. Dites-moi quel est le plus coupable, ou un enfant qui chante deux chansons réputées impies dans sa seule secte, et innocentes dans tout le reste de la terre, ou un juge qui ameute ses confrères pour faire périr cet enfant indiscret par une mort affreuse.
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