Portrait de Louis XIV en costume de sacre par Rigaud

Portrait de Louis XIV en costume de sacre

Hyacinthe RIGAUD

[pic 1]

Thématique : Art, État & Pouvoir

Problématique : Comment le pouvoir utilise t-il l'art pour faire son éloge ?

Œuvre étudiée : Portrait de Louis XIV en costume de sacre, par Hyacinthe RIGAUD, 277 x 194 cm, 1701/1702, Musée du Louvre Paris

I-Présentation de l’œuvre :

Arts du visuel                                                                                                XVIII et XIXèmes siècles

[pic 2]

Biographie de l'artiste :                    Hyacinthe RIGAUD

Peintre français né à Perpignan en 1659, il s'installe à Paris en 1681. Sur le conseil de LE BRUN, il se consacre au portrait. Portraitiste attitré de Louis XIV, il le représenta plusieurs fois, la plus célèbre restant le Portrait en costume de sacre, datant de 1702. L'aristocratie et les cours européennes se le disputaient. Plusieurs aides collaboraient à ses tableaux. Il mourut en 1743 à Paris.

Contexte historique :

[pic 3]Figure 2: Charles II d'Espagne

Le roi d'Espagne Charles II mourut en 1700 sans héritier. Son testament désignait comme successeur son petit neveu Philippe d'Anjou, petit fils de Louis XIV. Ce dernier monta alors sur le trône, mais demande à son grand-père un de ses portraits avant de partir pour Madrid. Ce dernier demanda alors au peintre Hyacinthe RIGAUD de le peindre dans toute sa magnificence pour montrer sa grandeur à la cour d'Espagne. Mais le portrait plut tellement au Roi-Soleil qu'il décida de le garder et de confier la tâche au peintre de peindre une copie pour Philippe V. Cette copie est aujourd'hui conservée au musée du Prado à Madrid, une autre au château de Versailles, l'original étant au Louvre, même s'il existe une multitude d'autres copies envoyées à l'époque dans toutes les cours européennes.

[pic 4]Figure 3: Philippe V d'Espagne

II-Étude de l’œuvre :

Analyse de l’œuvre :

La toile fut exposée dans la salle du trône du palais de Versailles, c’est à dire au centre de l’édifice, lui-même symbole de la France. Louis XIV avait ainsi l’assurance que chacun pourrait admirer sa personne et, surtout, se rappeler l’étendue de la puissance royale. C'est donc bien ici d’un outil de gouvernement ancré au cœur du système absolutiste français. La nature de l’œuvre (une commande) et son emplacement indiquent ainsi dès que le monarque entendait mettre en scène son pouvoir. Dans le but de célébrer au grand jour l’absolutisme royal, Rigaud et le monarque recoururent à des effets que l’on pourrait qualifier de théâtraux.

• Le dais ou rideau : il sert de cadre et met en valeur. On aperçoit derrière le trône parsemé de fleurs de lys, symbole de la monarchie.
• La colonne : Elle est un élément de l’architecture du palais ; elle est solide comme la puissance du roi.
• L'estrade permet de rehausser le trône. Le roi se trouve ainsi au dessus de ses visiteurs, même lorsqu'il est assis.
• Le roi est au centre du tableau, il occupe presque tout l’espace. La lumière est dirigée sur lui. Il a ressorti ses habits de sacre, symbole de son pouvoir absolu. Il porte la fourrure blanche tachetée de noir de l’hermine, une perruque et des talons. Le monarque lance les modes : le Roi-Soleil inaugura celle des hauts talons (venant compenser sa petite taille).
• La couronne est l’incarnation de la supériorité du roi en son royaume. Il tient son pouvoir de Dieu et personne, qu'il soit le pape, l'empereur ou un de ses sujets n'a autorité sur lui.

• Le pas de danse. Le roi-soleil fut un excellent danseur. Rigaud composa néanmoins son tableau en 1701 alors que Louis XIV avait 63 ans. De fait, le visage du roi est celui d’un vieil homme mais il a les jambes fermes d’un jeune danseur. Il convient ici de distinguer les deux corps du roi : le roi physique (vieux comme le montre son visage) et le roi symbolique, immortel.
• Couleurs symboliques. Les fleurs de lys sur fond bleu et le blanc sont le symbole de la monarchie. L'or est le symbole de richesse et le pourpre est le symbole de pouvoir depuis l’Antiquité.
• Les regalia (insignes du pouvoir), donnés au roi le jour de son sacre, symbolisent chacun un pouvoir du roi.                                                                                                                   -Le sceptre était le symbole du pouvoir de vie et de mort du roi. Il représente le pouvoir exécutif.                                                                                                                           -L’épée rappelait le statut de chef des armées du roi, combattant pour la gloire de Dieu. Elle doit protéger les fidèles en garantissant la justice. Le monarque décidait de la paix et de la guerre. Elle représente le pouvoir exécutif.                                                                           -Le costume. L’hermine est un symbole de noblesse, de pouvoir, de sagesse et de richesse : en un mot de supériorité. L’emploi de l’or et du pourpre dans les vêtements renvoie à un privilège rare qui réglementait de façon fort sévère les tenues vestimentaires à la cour de Versailles. La débauche d’or sur le costume de sacre rappelait ainsi à tous que le roi agissait "selon son bon plaisir" et qu’il était au-dessus des lois. Le monarque, source de tout privilège, était naturellement source de toute loi ("c’est légal parce que je le veux"). Le costume représente donc le pouvoir législatif.                                                                                             -La main de justice se compose d’un bâton en or avec au sommet une main d’ivoire. Elle représente le pouvoir judiciaire. Toute justice en France était rendue au nom du roi. Le bas-relief à droite de la couronne laisse deviner un corps féminin. Il s’agit de la déesse Thémis est l’allégorie de la Justice (elle tient la balance dans sa main), elle incarnait aussi l’ordre établi (elle tient l’épée dans l’autre main).
• Roi et Dieu : Rigaud eut soin de peindre de détails rappelant l’origine du pouvoir absolu : Dieu.
  -Le sceptre : Depuis l’ancien Testament, celui qui le porte est désigné par Dieu pour guider les autres. Le roi guide donc l’ensemble de ses sujets.
  -Le collier de plaques d’or supporte la grande croix de l’ordre du Saint Esprit. Le Saint Esprit garantissait au roi le suivi d’une politique sage et réfléchie. Au centre de la croix, se trouve une colombe qui, symboliquement descend du ciel lors de la cérémonie du sacre.
  -L’épée. Posée sur l’autel lors de la cérémonie du sacre, elle était prise par le roi, considéré ainsi comme recevant son pouvoir de Dieu. L’Église sut attribuer à l’épée une dimension symbolique forte : sa forme (une croix) devait rappeler ses devoirs de chrétien à son porteur et sa longueur l’obliger à se tenir à distance du mal...
  -Les fleurs de lys, avant d’entrer dans les armoiries de la monarchie française sous Louis VII, symbolisaient la Sainte Vierge. Ces trois pétales sont reliés à la trinité : Le Père / le Fils et le Saint Esprit.
  -La main de justice (posée derrière la couronne) : chacun des doigts est à lui seul un symbole : le pouce : Dieu, l’index : la Raison, le majeur : la Charité, les deux autres sont repliés et représentent la Foi et la Pénitence.

Message de l’œuvre :

Louis XIV veut montrer qu'il est un roi absolu, qu'il concentre tous les pouvoirs entre ses mains :

• le pouvoir législatif, c'est à dire qu'il choisit seul les lois et n'a pas à rendre compte de ses actes (symbolisé par la couronne et le costume).
• le pouvoir exécutif, c'est à dire qu'il fait exécuter les lois (symbolisé par le sceptre, l'épée et la couronne).
• le pouvoir judiciaire, tout jugement est rendu en son nom (représenté par la main de justice et le bas-relief de la déesse grecque Thémis).
• le pouvoir religieux : le catholicisme est la religion du roi et donc celle de tous ses sujets (symbolisé par le sceptre, la grand croix de l'ordre du Saint-Esprit, l'épée, les fleurs de lys et la main de justice).

C'est pour cela que l'on parle de monarchie absolue de droit divin.

III-Mise en perspective :

Comment l’œuvre permet de répondre à la problématique ?

Comment le pouvoir utilise-t-il l'art pour faire son éloge ?

Louis XIV fait exposer la toile dans la salle du trône au palais de Versailles, au centre de l'édifice, lui-même symbole et centre de la France. Il a ainsi l'assurance que chacun pourrait admirer sa personne et surtout se rappeler l'étendue de la puissance royale (rappelée par les différents regalia). Il envoie ce portrait dans toutes les cours d'Europe pour montrer sa puissance et son autorité. Ce tableau restera le symbole du système absolutiste et servira de modèle pour les portraits d'autres monarques. La mise en scène est spectaculaire car, comme le dit le Roi-Soleil « les peuples […] se plaisent au spectacle. Par là nous tenons leurs esprits et leurs cœurs ». Ce tableau est donc une arme politique, donnant au monarque du pouvoir sur les esprits. Il est théâtralisé comme l'est la vie du roi, qui organise des cérémonies pour son lever, son coucher, ses repas chaque jour. La noblesse se bat pour y assister et pour décrocher une place à la cour auprès du roi, lui laissant ainsi le pouvoir. Le roi gouverne seul, comme il le dit lui même : « L’État, c'est moi ». Ce tableau le montre vieillissant (63 ans) mais au sommet de sa gloire.

...