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Mondrian

Étude de cas : Mondrian. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Mai 2017  •  Étude de cas  •  1 846 Mots (8 Pages)  •  719 Vues

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Quand je voyais un tableau de Mondrian, je m'en écartais vite fait. La rigueur, l'austérité des lignes droites, non merci. Je sentais l'homme ordonné, méticuleux, dépourvu de toute sensibilité, intransigeant, la caricature du calviniste glacial de service. Je me souvenais qu'il s'était fâché définitivement avec un copain pour une histoire de diagonale. Vive la diagonale du fou. Les traits bien droits tirés à la règle, les équerres, la géométrie, je vois pas ce que ça vient faire dans un tableau. Vive Miro moi j'ai le sang chaud !

Je me suis dit qu'il fallait que je fasse un effort. Le clavier bien tempéré aussi c'est minutieux, et répétitif, au premier abord. Genre partie d'échec, cérébral et matheux. Et pourtant j'adore. Alors. Et un tableau de Mondrian c'est un logo planétaire, une évidence immédiate. Voilà un homme qui voulait inventer un langage pictural universel pour les temps modernes, on peut dire qu'il a réussi. L'Oréal ou les maillots des coureurs du tour de France, les robes de Yves Saint Laurent, tout le monde connait. Mais pourquoi ça ?

J'ai lu un de ses livres qui s'appelle Réalité naturelle et Réalité abstraite. Il y explique comment il veut représenter le monde dans sa dimension spirituelle. Pas mal comme programme. Ça ne me parlait pas. Trop austère ? Soulages aussi c'est austère, mais Soulages, c'est fastoche. Les couleurs primaires en aplat ? Ça m'agace, et pourtant Calder, c'est top !

Mais là ? C'est quoi ces lignes noires en tension? En général il y en a une ou deux qui vont d'un bord à l'autre du tableau et les autres sont en équilibre, et tout ça tient parfaitement debout. «Le repos devient plastiquement visible par l'harmonie des rapports. Le plus parfait des rapports est l'angle droit qui exprime la relation de deux extrêmes»dit-il. Et aussi : «dans cette variété de relations une seule est inchangeable : c'est la position de l'angle droit et c'est en elle que, plastiquement, nous avons notre ferme appui». Ça me fait penser à Platon, pour qui la géométrie est l'interface entre le monde matériel et ce qu'il appelle les Idées. La règle et le compas, engendrent pour lui beauté et symétrie des formes, ce qui lui permet d'expliquer l'harmonie du monde. Moi je trouve pas l'univers spécialement harmonieux mais ça m'intrigue de comprendre comment il se débrouille avec ça.

Ces nappes de couleurs en aplats ? Couleurs primaires, couleur pures, limpides. Tantôt au centre où elles pèsent de tout leur poids, tantôt elles s'en écartent comme pour sortir du cadre. «Tout se compose par relation et réciprocité. La couleur n’existe que par l’autre couleur, la dimension par l’autre dimension, il n’y a de position que par opposition à une autre position » dit-il. On est bien dans une histoire d'harmonie.

Harmonie dans l'espace. Entre l'horizontale et la verticale. En sortant de l'expo je regardais les angles droits partout. Si on tient debout, c'est qu'on est perpendiculaire au sol. Si on est couché, soit on dort, soit on rêve soit on est mort. Ma propre ligne de tension est très exactement située entre la marche en avant et le rêve. Le levant, le couchant. Il est minuit vénérable maître.

Harmonie dans l'essence, entre les trois couleurs primaires de la peinture, et ce qu'il appelle les trois non couleurs ( noir gris et blanc). La richesse combinatoire des formes et des couleurs semble illimitée. Mosaïque. Une couleur, une non couleur. Jamais deux couleurs qui se touchent. Mondrian joue à la marelle, sautant à cloche pied d'une case à l'autre. Le ciel, la terre, le bien , le mal, le yin, le yang, on connait ça. Je ne crois pas que chacune des couleurs avaient une symbolique particulière pour Mondrian. Il parle du « principe général de l'équivalence plastique », dont le but est de dissoudre toute particularité, tout centre, toute hiérarchie. En tous cas il détestait le vert, qui est une couleur primaire en synthèse additive. La synthèse additive c'est quand on mélange des sources de lumière colorée, des projecteurs sur une scène par exemple. Ou sur les écrans de télé ou d'ordinateurs. Les trois couleurs primaires sont rouge vert bleu. Dans ce système une lumière rouge mélangée à une lumière verte donne une lumière jaune. Il détestait le vert, donc. Probablement parce que c'est une couleur qu'on trouve beaucoup dans la nature en Europe et « Pour approcher le spirituel en art, on fera usage aussi peu que possible de la réalité, parce que la réalité est opposée au spirituel » disait il. Il a choisi les couleurs primaires qui sont le référentiel de la peinture qu'on mélange sur une palette. C'était pour lui quelque chose d'absolu. Mais il n'existe pas de couleurs primaires universelles, seulement des couleurs primaires plus pratiques que d'autres qu'on choisit conventionnellement dans le rayonnement multicolore de la lumière

Harmonie dans le rythme, avec sa découverte du jazz américain. Les lignes se dédoublent et parfois envahissent le tableau ; petit chemin, grande route, fa dièse, une échelle dressée vers le ciel, le swing, tension-détente, ça balance pas mal, je commence à m'y faire à la peinture de Mondrian. Probable qu'il se retourne dans sa tombe en m'entendant visualiser du concret devant des toiles éperdument abstraites. Barre de mesure. Divisions constantes du temps. Temps fort, temps faible. De la récréation au travail et du travail à la récréation. A la fin de sa vie, les lignes sont devenues colorées, évoquant le croisement des rues de

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