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La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830

Commentaire d'oeuvre : La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Décembre 2020  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 964 Mots (12 Pages)  •  718 Vues

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BURBALOFF

Louis

Commentaire d’oeuvre

La  liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830

        La liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix, peinte à l’huile entre octobre et décembre 1830, sera l’objet de notre étude. Présentée au salon du Louvre en l’été 1831, elle sera achetée par le ministère de l’intérieur  pour le musée du Luxembourg puis en sera retirée et restituée au peintre en 1833 à cause de la polémique occasionnée par le tableau. Il sera par la suite réclamé en 1848 par le Louvre puis a nouveau retiré sous le Second Empire, avant d’être retouché par Delacroix pour l’exposition universelle de 1855. Finalement placée au Louvre en 1874 plus de dix ans après la mort de Delacroix, les allers-retours de la toile tiennent plus du réalisme antique des personnages populaires de Delacroix que du message véhiculé. Pour la critique académicienne de l’époque, la plèbe ne pouvait prendre les traits intrinsèques à l’art Grec, malgré l’alibi de la peinture d’Histoire. Car en effet, c’est bien dans l’Histoire Française que s’inscrit cette toile, rendant compte des évènements de juillet 1830. Le 25 juillet, Charles X, roi de France, promulgue cinq ordonnances pour s’accrocher au pouvoir, en limitant notamment la liberté d’expression de la presse. Le peuple s’insurge, monte des barricades dans les rues de Paris, qui seront prises d’assaut par l’armée le 28 juillet. Delacroix, tout comme d’autres peintres tel Ingres ou Devériat, participe alors à la protection du Louvre et assistera aux combats des « Trois Glorieuses », ces trois journées d’insurrection qui aboutirent à la déchéance de Charles X au profit de Louis Philippe, duc d’Orléans. Il en tirera une œuvre de 2,60 mètres de haut sur 3,25 mètres de large qui fera de lui le chef de file du romantisme. Pourtant Delacroix n’a rien d’un révolutionnaire, il dira lui-même « Si je n‘ai pas vaincu pour la patrie au moins peindrais-je pour elle ». Ainsi, si Delacroix décida ne pas se salir les mains dans la rue, il le fit devant un tableau, rendant compte d’une lutte acharnée en instaurant autant l’allégorie qu’un réalisme manichéen au premier plan.

Nous montrerons comment le peintre, à travers un sujet moderne, à savoir les barricades de Paris, apporte une nouvelle forme de Sacré en mêlant l’Histoire à la symbolique dans une perspective romantique tout en mettant la technique de la composition, des couleurs, et de la lumière au service de celle-ci.

Dans une première partie nous nous attarderons à décrire et décrypter chacun des éléments du tableau. Nous nous concentrerons ensuite sur l’analyse du sujet principal du tableau, la liberté. Finalement nous nous livrerons à une analyse figurale du tableau afin de cerner les moyens par lesquels le peintre place son tableau dans une dualité perpétuelle.

        

        Nous sommes le 29 juillet 1830, il fait plus de 35 degrés, l’air est empli de poussière et de poudre à canon. Le centre de la scène est occupé par une femme, accompagnée de cinq hommes armés, marchant sur une barricade, une foule grouillant derrière eux tandis que devant s’accumulent les cadavres. Trois d’entre eux sont visibles. En bas à droite, un voltigeur suisse de la garde royale reconnaissable avec sa capote gris bleu, son ornement écarlate au collet, ses guêtres blanches et ses chaussures basses. A coté de lui se trouve un cuirassé de la Garde Royale, en cuirasse à épaulettes blanches, ganté de cuir clair. Le combattant mort de gauche n’a lui pas de pantalon, qu’on lui a certainement volé ; ce personnage représente une figure type de la peinture d’atelier, dit « Hector », faisant référence à un épisode de l’Iliade au cours duquel Achille traîna fièrement derrière son char le corps de son ennemi : cette figure symbolise la violence des  combats, et le malheur des vaincus.

Les cadavres des trois combattants reposent sur la barricade, peu élevée, composée d’enchevêtrements de pavés et de poutres.

Du côté des vivants, deux personnages sont à distinguer du reste du groupe : un premier adolescent en bas à gauche, coiffé d’un bonnet de voltigeur de la garde nationale, armé d’un fleuret et d’un pavé, et un deuxième adolescent, probablement étudiant car affublé de la faluche, chapeau des étudiants du quartier natal, se tient lui du côté droit de la fameuse « Liberté ». Il tient dans chacune de ses mains des pistolets de la cavalerie royale de 1816, et sa giberne appartient à un officier de l’infanterie de la garde royale également. Les autres hommes discernables se trouvent dans la partie gauche de l’image. Le premier a gauche porte le tablier du manufacturier et une banderole porte-sabre prise a un fantassin, il brandit d’une main un sabre datant de 1816 qu’on surnomme « briquet ». Il possède également un pistolet accroché à sa ceinture et arbore une cocarde des partisans de Louis Philippe à son béret : il incarne la représentation de la monarchie libérale. Le second, à sa droite, est équipé d’un tromblon, fusil a double canon,et d’un haut de forme. Contrairement aux apparences, il n’est pas un bourgeois, car son pantalon large et sa ceinture rouge sont les attributs de l’artisan ou du chef d’atelier. Il est de ceux qui deviendront les futurs radicaux de 1848. Le troisième homme est blessé, au sol, son sang coule sur la pierre, son visage tourné vers la Liberté. Il porte des habits de paysan, probablement venu travailler à Paris, allégorie du campagnard devenu ouvrier urbain. On aperçoit à l’arrière plan une foule équipée d’armes diverses : parmi eux, un polytechnicien coiffé du bicorne, véritable symbole de la bourgeoisie.

La présence de tous ces acteurs différents offre un condensé allégorique de l’insurrection populaire, regroupant toute les tranches d’âges et toutes les classes sociales, allant jusqu’à la représentation de la femme au milieu des combats. Seule membre de la gente féminine dans la scène, c’est vers elle que sont indéniablement attiré tout les regards, par la composition en triangle que reprit Delacroix du « Radeau de la méduse » de Géricault tout comme il en reprit la violence macabre, ne se doutant pas qu’un jour dans la même pièce du Louvre les deux tableaux se livreraient à un dialogue éternel. L’échange qu’entretiennent les soldats de la garde royale, qu’on aperçoit à droite en train de faire feu, avec la foule grouillante, est lui d’une tout autre nature. Surplombés par une Notre-Dame de Paris coiffée du drapeau tricolore, ils semblent écrasés à la fois par la cathédrale et par la Liberté, qui elle prend toute la place. Si Delacroix choisit la cathédrale plutôt que l’hôtel de ville, c’est parce qu’elle est un symbole du peuple et de la révolte. Au même moment, Hugo écrivait Notre-dame de Paris, plus de dix ans avant Les Misérables et Gavroche, l’enfant émeutier, faisant lien de manière évidente avec le jeune garçon du tableau, à droite de la Liberté.

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