Critique cinématographique d'Illusion Perdus

Un film historique et contemporain : « Illusion Perdues »

Rarement une œuvre littéraire du XIXème siècle n'aura été aussi contemporaine. Adapté du roman d'Honoré de Balzac, « Illusions Perdues" raconte l'histoire de Lucien, un jeune poète inconnu dans la France du XIXe siècle. Il nourrit de grands espoirs et veut forger son destin. Il quitte l'imprimerie familiale de sa province natale pour tenter sa chance à Paris au bras de sa protectrice des arts. Rapidement livré à lui-même dans cette ville fabuleuse, le jeune homme va découvrir les coulisses de ce monde voué à la loi du profit et du faux-semblant. A travers la mise en scène du monde du journalisme et de celui de la bonne société, le film nous fait résonner sur la place que nous consacrons à nos rêves durant notre vie.

Tout d’abord, on peut affirmer que la réalisation est très bien travaillée. La musique astucieuse nous fait rentrer dans cette histoire de Balzac romanesque et tragique. Il y a également la caméra qui ne cesse d’être en mouvement en multipliant les angles de vue pour toute action, y compris celle de 10 secondes, comme une scène d’un envol de pigeons qui représente 4 à 6 plans. De plus le montage est très travaillé : le rythme s'accélère au fil du récit. Il est accompagné d’un casting énorme : chaque acteur est une évidence dans son rôle. Cela forme une histoire qui est parfaitement compréhensible et on rentre dedans avec facilité. De plus les costumes et décors (l’ambiance parisienne, les rues d’époque, le théâtre, l’Opéra) rayonnent par leur crédibilité. Le réalisme est accentué par les décors naturels : le palais royal à Paris entre autres. Les décors et la lumière sont luxueux et soulignés par les couleurs chaudes du journal et froides de la haute bourgeoisie, où les sentiments, les situations, sont complètement différentes. En revanche, la voix Off littéraire qui "habille" les images d’une manière ludique, est trop présente selon moi sur des enchaînements de séquences où l'image pouvait en dire tout autant, voire beaucoup plus. Concernant la mise en scène, elle est complètement moderne avec ses cadrages, son montage, son image, et la direction des acteurs qui représentent l'esthétisme du XIXème siècle. Alors, nous pouvons constater que c'est un film qui est tout le temps en mouvement avec une narration très fluide et riche. On suit ainsi l'histoire avec beaucoup d'aisance et de fluidité.

Ensuite, ce film est très enrichissant via ces thématiques variées. Il nous informe sur les débuts du journalisme Parisien du 19éme siècle au travers des péripéties de Lucien. On ressent vraiment la vie de Paris à la restauration avec le début de l'industrialisation. Par exemple, on y voit bien le sort réservé aux comédiennes. J’ai adoré également l’ambiance des premières salles de presse ou de rédaction qui sont représentées identique au XIXème siècle. Dans ce film, on peut apercevoir de nombreux ponts et parallèles entre cette époque et la nôtre. On peut y retrouver le danger des médias d'aujourd'hui et l’explication de ce qu’on nomme aujourd’hui des « fakes news ». L’intrigue est donc étonnamment actuelle. Par ailleurs, l'humour est aussi bien présent avec tous les stratagèmes hallucinants pour tromper le public. La question sur la durée du film n’est pas un problème grâce à son rythme soutenu qui enchaîne différentes intrigues avec de nombreux personnages. Cela sans que jamais on ne perd le fil de son récit et de sa cohérence. De surcroît, pour une fois le personnage principal n'est pas vertueux, ni plus intelligent ou plus malin, également son talent poétique n'est pas évident. Par contre les personnages restent très caricaturaux et presque clichés mais cela n’empêche pas de s’attacher à la personnalité et au parcours de Lucien, tout au long du film. Finalement, lors de la fin du film on reste un peu sur sa faim car il manque d’envolée. Les scènes finales du film sont étonnantes : Lucien doit renaître à lui-même en choisissant son avenir, s’en suit une citation extraite de la correspondance de Balzac.

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