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Le roman et l'Histoire

Fiche de lecture : Le roman et l'Histoire. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  27 Novembre 2019  •  Fiche de lecture  •  2 185 Mots (9 Pages)  •  588 Vues

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En 1855, Jules Michelet dit « le roman n’invente pas : l’Histoire l’a tué. Elle l’étouffe, l’écrase et l’empêche d’inventer. ». Jules Michelet, né en 1798 et décédé en 1874, est l’un des plus grands historiens du XIXème siècle. Il s’intéresse non seulement à l’Histoire de France mais également à son peuple. Il tente de le poser comme un véritable héros dans le cours de l’Histoire. Ses écrits figurent comme la représentation typique de l’historiographie romantique. Il est notamment l’auteur des premiers livres sur l’Histoire de de France et sur la Révolution française. Selon lui, l’Histoire est une « résurrection », elle est donc amenée à se répéter. L’Histoire est un ensemble de recherches, de connaissances, et d’évènements relatifs à une nation, une société et culture dignes de mémoire. Dans les années 1830, le roman est en plein essor, se démocratise, et parvient à atteindre le statut de genre littéraire légitime au même titre que le théâtre. Le roman est un long récit écrit d’abord en langue vulgaire, c’est-à-dire romane, ou en ancien français. Il est une œuvre littéraire en prose d’une certaine longueur, mêlant le réel à l’imaginaire, et cherchant à susciter l’intérêt ou le plaisir du lecteur, soit par l’analyse psychologique ou métaphysique, soit par la peinture des mœurs, ou soit par la singularité des aventures. L’Histoire dominerait donc le roman au point d’en faire un calque de la réalité et des faits historiques. Cependant, la domination de l’Histoire sur le roman l’empêche-t-elle de se développer ? Condamne-t-elle le roman à n’être qu’une pure représentation de la réalité ? Si le roman, dans un premier temps, tend à être le reflet et le témoin d’une époque, l’Histoire n’en demeure pas moins une base propice à la conception de récits imaginaires et critiques. En outre, le roman parvient à faire abstraction de l’Histoire en élaborant des univers nouveaux et des tableaux en décalage avec la réalité perçue.

La représentation de l’Histoire par le roman s’explique par une réelle détermination de laisser une trace écrite des évènements passés, et donc d’en témoigner.

En effet, dans le roman de chevalerie, nous retrouvons déjà cette volonté d’affirmer les exploits guerriers des héros. Contrairement au roman de Cervantès, Don Quichotte, l’objectif du roman de chevalerie, apparu au XIIème siècle, n’est pas de parodier ni les mœurs médiévales, ni l’idéal chevaleresque, ni les structures sociales de l’époque. La visée de ce genre de roman est de mettre à l’honneur les valeureux chevaliers revenus vainqueurs de combat, ou bien méritants lors de quête. Chrétien de Troyes apparaît, ici, comme l’auteur le plus représentatif de ce mouvement. Il tente, ainsi, de conter leurs exploits en suscitant l’admiration chez le lecteur. Les romans arthuriens en sont la preuve. En effet, à travers les récits de chevaliers tels que Perceval ou le Conte du Graal, ou Erec et Enide, l’Histoire est non seulement romancée, mais également accessible à la connaissance du lecteur. La quête du Graal,  c’est-à-dire la quête du récipient qui aurait contenu le sang du Christ, est la motivation première des missions des Chevaliers de la Table Ronde. Il offrirait la vie éternelle à celui qui en ferait l’acquisition. Ces récits ne sont, dans un premier temps, que des légendes, mais demeurent bel et bien les bases de la connaissance historique bretonne, et font partie intégrante des seuls savoirs que nous disposons sur la période arthurienne.

L’Histoire domine-t-elle ainsi d’autres formes de romans que celui de chevalerie. Effectivement, le mouvement réaliste met en évidence l’importance de la description du réel, de l’Histoire, et de la société sous tous ses angles, y compris ceux dont on a tendance à taire, soit, les classes populaires. Ici, le roman reflète la réalité dans toute sa complexité et sa laideur, au moyen de l’observation et de l’analyse. Stendhal qualifie le roman de « miroir que l’on promène le long du chemin », ce qui définit l’œuvre comme n’étant plus qu’un procès-verbal de la réalité. On examine, questionne et conceptualise l’enchaînement logique des faits, des actions, et des évènements historiques au cours d’une période que l’on retranscrit par la suite. C’est ainsi que le roman balzacien retrace l’  « histoire des mœurs », ou que le roman zolien se prête à une analyse presque chirurgicale de l’Histoire, et de la société. Par ailleurs, Emile Zola plante dès le départ le décor en présentant sa série de livre Les Rougon-Macquart tels que l’ « Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire ». De ce fait, l’Histoire pèse sur le roman et le conduit à n’être la représentation de phénomènes passés, en lien avec une Histoire plus générale des mœurs et de la société.

Si l’Histoire tue le roman par son omniprésence et son influence sur le déroulement du récit, ce dernier peut en faire une toile de fond, et s’en inspirer afin de constituer son propre univers.

Le roman dispose de nombreuses sources d’inspiration afin de constituer un monde nouveau, en adéquation ou non avec le réel.

En effet, le genre romanesque peut s’appuyer sur des éléments historiques afin de donner un cadre temporel au récit, tout en créant, en parallèle, une aventure purement fictive. Le roman de Madame de la Fayette s’articule de cette manière, c’est-à-dire qu’elle présente une trame historique pour construire son récit. La princesse de Montpensier en donne le ton dès le départ : « Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d’en causer beaucoup dans son empire. ». Ce contexte de guerre de religions est comparé au conflit qui oppose la morale et les passions de  la princesse. Par ailleurs, le déclanchement de la guerre civile, si l’on suit l’argumentation du roman, serait liée à l’immoralité de la Princesse de Montpensier. De cette manière, Madame de la Fayette joue sur la vraisemblance du récit, si bien que le fictif se confond au réel et à l’Histoire en elle-même. Cet imaginaire, basé sur un fait historique, a suscité de nombreuses questions sur la réalité des liens de causes à effets évoqués dans le roman. Ainsi, les appels au respect de la vertu, et de la morale parviennent à se faire entendre au moyen de la temporalité historique. Ici, le roman n’est pas un calque de l’Histoire. L’Histoire est davantage perçue comme un instrument, voire un médiateur, entre le récit romanesque et le message véhiculé.  

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