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Musset La Nuit D'octobre

Mémoires Gratuits : Musset La Nuit D'octobre. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  3 Mai 2015  •  2 086 Mots (9 Pages)  •  1 301 Vues

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LE POÈTE

Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve.

Je n'en puis comparer le lointain souvenir

Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève,

Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

LA MUSE

Qu'aviez-vous donc, ô mon poète !

Et quelle est la peine secrète

Qui de moi vous a séparé ?

Hélas ! je m'en ressens encore.

Quel est donc ce mal que j'ignore

Et dont j'ai si longtemps pleuré ?

LE POÈTE

C'était un mal vulgaire et bien connu des hommes ;

Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le coeur,

Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,

Que personne avant nous n'a senti la douleur.

LA MUSE

Il n'est de vulgaire chagrin

Que celui d'une âme vulgaire.

Ami, que ce triste mystère

S'échappe aujourd'hui de ton sein.

Crois-moi, parle avec confiance ;

Le sévère dieu du silence

Est un des frères de la Mort ;

En se plaignant on se console,

Et quelquefois une parole

Nous a délivrés d'un remord.

LE POÈTE

S'il fallait maintenant parler de ma souffrance,

Je ne sais trop quel nom elle devrait porter,

Si c'est amour, folie, orgueil, expérience,

Ni si personne au monde en pourrait profiter.

Je veux bien toutefois t'en raconter l'histoire,

Puisque nous voilà seuls, assis près du foyer.

Prends cette lyre, approche, et laisse ma mémoire

Au son de tes accords doucement s'éveiller.

LA MUSE

Avant de me dire ta peine,

Ô poète ! en es-tu guéri ?

Songe qu'il t'en faut aujourd'hui

Parler sans amour et sans haine.

S'il te souvient que j'ai reçu

Le doux nom de consolatrice,

Ne fais pas de moi la complice

Des passions qui t'ont perdu,

LE POÈTE

Je suis si bien guéri de cette maladie,

Que j'en doute parfois lorsque j'y veux songer ;

Et quand je pense aux lieux où j'ai risqué ma vie,

J'y crois voir à ma place un visage étranger.

Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui t'inspire

Nous pouvons sans péril tous deux nous confier.

Il est doux de pleurer, il est doux de sourire

Au souvenir des maux qu'on pourrait oublier.

LA MUSE

Comme une mère vigilante

Au berceau d'un fils bien-aimé,

Ainsi je me penche tremblante

Sur ce coeur qui m'était fermé.

Parle, ami, - ma lyre attentive

D'une note faible et plaintive

Suit déjà l'accent de ta voix,

Et dans un rayon de lumière,

Comme une vision légère,

Passent les ombres d'autrefois.

LE POÈTE

Jours de travail ! seuls jours où j'ai vécu !

Ô trois fois chère solitude !

Dieu soit loué, j'y suis donc revenu,

À ce vieux cabinet d'étude !

Pauvre réduit, murs tant de fois déserts,

Fauteuils poudreux, lampe fidèle,

Ô mon palais, mon petit univers,

Et toi, Muse, ô jeune immortelle,

Dieu soit loué, nous allons donc chanter !

Oui, je veux vous ouvrir mon âme,

Vous saurez tout, et je vais vous conter

Le mal que peut faire une femme ;

Car c'en est une, ô mes pauvres amis

(Hélas ! vous le saviez peut-être),

C'est une femme à qui je fus soumis,

Comme le serf l'est à son maître.

Joug détesté ! c'est par là que mon coeur

Perdit sa force et sa jeunesse ; -

Et cependant, auprès de ma maîtresse,

J'avais entrevu le bonheur.

Près du ruisseau, quand nous marchions ensemble,

Le soir, sur le sable argentin,

Quand devant nous le blanc spectre du tremble

De loin nous montrait le chemin

...

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