Apprendre à Voir L'architecture

De grandes innovations mais l'architecture reste isolée, il y a un problème de représentation de l'espace. L’architecture est un art ignoré. Le public s'intéresse à la peinture et à la musique, à la sculpture et à la littérature, mais pas à l'architecture. Seulement personne ne peut fermer les yeux devant les édifices qui constituent le décor de notre vie. On n'organise pas une exposition de bâtiments comme on pourrait organiser une exposition de tableaux. On doit se déplacer, faire le choix de ses déplacements. Une personne qui visite une ville se laisse généralement conduire par tel ou tel guide touristique: aujourd'hui, une église baroque, une ruine romaine, une place moderne, une église paléochrétienne; demain, un temple romain, une place baroque, un cloître gothique, un baptistère byzantin, etc. Mais cette passion n'existe pas. Le grand public ne s'enthousiasme pas plus pour les travaux des architectes modernes que pour ceux des artistes peintres. Pourtant, après l'époque des manifestes, l'architecture moderne devrait s'insérer dans notre culture architectonique. Mais bien des architectes, qui ne vivent que pour l'amour de leur métier, manquent aujourd'hui de la culture qui leur donnerait le droit de participer à la réhabilitation de l'architecture.

Quant aux études sur l'architecture, dans les histoires de l'art traditionnelles, leur principal défaut est que les œuvres bâties y sont jugées comme si elles n'étaient que sculpture ou peinture, c'est-à-dire qu'elles sont étudiées d'une façon tout extérieure, superficielle, comme de purs phénomènes plastiques. On se demande comment passionner des lecteurs non spécialisés?

Si nous voulons faire "voir l'architecture" nous devons d'abord trouver une méthode claire qui définisse son essence. Ceux qui ont réfléchi au problème savent que le caractère qui distingue l'architecture est qu'elle existe dans un espace tridimensionnel qui inclut l'homme. La peinture existe sur deux dimensions, même si elle en suggère trois ou quatre. La sculpture vit selon trois dimensions, mais l'homme en reste extérieur à cette œuvre. L'architecture, au contraire, est comme une grande sculpture évidée, à l'intérieur de laquelle l'homme pénètre, marche, vit.

Quand vous voulez faire construire une maison, l'architecte vous en présente un croquis. Puis il vous soumet des plans, des façades, des coupes, c'est-à-dire qu'il représente le volume architectural selon une décomposition en plans qui le contiennent et le divisent. C'est cette méthode représentative qui est la cause principale de notre manque d'éducation spatiale, surtout pour les personnes qui ne connaissent pas ces modes de représentations. En effet, le plan d'un édifice n'est que la projection, sur un plan horizontal, de l'ensemble des murs, qui servent seulement pour les ouvriers qui exécutent le travail, de mesurer les divers éléments de la construction. Mais une construction n'est pas la somme des largeurs, des longueurs et des hauteurs de ses divers éléments; elle est l'ensemble des mesures du vide, de l'espace interne dans lequel les hommes marchent et vivent.

L'espace interne, cet espace qui, comme nous le verrons, ne peut être complètement représenté d'aucune manière, qui ne peut être appris ni vécu, sinon par l'expérience directe, lorsque l'on se rend directement sur le lieu.

Les quatre façades d'une maison, d'une église, d'un palais, pour belles qu'elles soient, ne constituent que le coffre dans lequel est enfermé le joyau architectural. Ce coffre peut être finement ouvragé, artistement sculpté, ajouré avec goût, il peut être un chef-d'œuvre, mais il n'est qu'un coffre. Il existe aujourd'hui une technique de l'emballage, mais jamais personne

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