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Théorie et image du corps dans l'art contemporain de 1990-2017

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Par   •  20 Juin 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  5 687 Mots (23 Pages)  •  702 Vues

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Actualités culturelles et lecture de l’art

Théorie et images du corps

Donnez un aperçu de la problématique du corps à partir de 10 œuvres couvrant la période de 1990-2017. Choisissez un point de vue particulier et construisez un discours cohérent.

Commentez et contextualisez brièvement les œuvres, en utilisant les critères esthétiques du contemporain et la matière du cours.

À partir des années 90, l’art contemporain entre dans une période de contre-modernité qui va à contre-pied du romantisme. L’art bascule ainsi dans les catégories de l’émotion, du sens de la transcendance, de l’expressivité, de la relation à la nature, des références littéraires et théâtrales, … L’œuvre d’art cesse d’être autonome. La narrativité se rétablit et apparaît un lien entre création et questions de société. L’acte artistique se recharge ainsi d’une puissance pathétique et maintient son postulat conceptuel. L’art n’est plus une sphère séparée et se pense plus large en donnant une importance particulière au contexte.

Dans ce travail, nous aborderons la problématique du corps qui souffre, avec les définitions d’Olivier Neveux , dans dix œuvres d’artistes différents couvrant la période de 1990 à 2017.

BACON Francis, Triptych, 1991

Francis Bacon est un artiste irlandais né en 1909 à Dublin, peintre aux influences surréaliste, cubiste et expressionniste. Son œuvre Triptych, réalisée en 1991, est sa dernière création. Il meurt l’année suivante. On retrouve dans sa peinture intuitive l’expression de l’émotion et de la sensation, extrêmement pathétique et physique. Bacon est dans le domaine du pathos. Il s’inspire de Picasso et de Giacometti.

Ce triptyque de toiles fait référence à la peinture religieuse chrétienne qui utilise ce format où le panneau central est traditionnellement réservé à l’objet de dévotion. Ici il s’agit d’une masse de chair amorphe et difforme. Sur le panneau de gauche, un corps d’homme avec le visage du pilote automobile Ayrton Senna semble sortir d’un cadre noir qui se détache d’un fond beige. Sur le panneau de droite, Francis Bacon se peint lui-même comme un corps qui semble entrer dans un autre cadre noir. L’artiste joue sur une juxtaposition d’images séparées sur trois toiles différentes comme dans un film. Le processus d’élaboration de son œuvre est très spontané et intuitif car il travaille directement sur la toile. Le peintre nous présente un corps plutôt qu’il ne le représente. Cette masse centrale, qui semble être un corps humain qui souffre, est une métaphore. Ce corps souffrant est énigmatique et invite le spectateur à se poser la question de ce qui se révèle derrière ce corps. Francis Bacon cherche à agir sur le système nerveux du spectateur de la manière la plus poignante possible, en présentant un corps qui n’est ni victime, ni opprimé, mais peut-être en partie offensant car il va au-delà de toute représentation de violence, en ne présentant que des émotions transcrites physiquement.

EMIN Tracey, I will look for you in every sleeping hour, 2017

Tracey Emin est une artiste contemporaine britannique née en 1963 à Croydon. Peintre néo-expressionniste, elle s’inscrit dans la mouvance des Young British Artists après avoir été découverte par Charles Saatchi. Son œuvre, I will look for you in every sleeping hour, s’intègre dans le cadre de l’exposition The Memory of your Touch qui présente les derniers travaux de l’artiste.

Tracey Emin s’intéresse à la mémoire tactile du corps qui vit des émotions. Elle tente de retracer ce toucher en tant que geste dans la durée. L’axe Thanatos/Eros est omniprésent dans son travail et s’illustre par le biais d’une corporalité très expressive, parfois dans la passion, parfois amorphe, mais jamais monstrueuse. Le corps y est absolutisé et intensifié. On peut parler d’émotions corporelles, où les corps perdent leurs frontières dans la passion et ne font plus qu’un avec le paysage. L’artiste travaille par couches pour fixer sur les différents supports les affects du toucher du corps qui vit diverses émotions intenses. Ces couches successives représentent le corps touché dans la durée. Par un trait flou, elle esquisse les limites non fermées d’un corps presqu’en image subliminale, où l’on pourrait voir des jambes. Elle pose au pinceau, en rouge, d’un geste intuitif, les traces du toucher passionnel de son ancien amant sur son corps. En blanc, on devine les mouvements de ce corps dans la durée, qui viennent se superposer aux autres traits. Ce corps ne souffre pas. Il est dans la passion. C’est l’artiste qui souffre lorsqu’elle peint cette toile. Tracey Emin se livre et retranscrit des émotions de sa vie personnelle, elle crée ainsi une relation intime avec son spectateur qui est aussitôt mis en empathie, et qui, par conséquent, est réceptif à la douleur qui émane des œuvres-symptômes de l’artiste.

EMIN Tracey, The falling, 2016

Exposée dans le même contexte que l’œuvre précédente, The falling nous montre quant à elle un corps qui souffre. Ce tableau a été peint après la perte de son enfant. Tracey Emin utilise la même technique de travail par couches successives pour capter dans la durée les affects de toucher ou de sentiments sur son corps. Cependant, ce corps n’est plus dans la passion, il est dans la perte et le deuil. Au-dessus du trait flou qui esquissait vaguement un corps et un paysage, s’impose une masse bleu froid peinte par coups de pinceau brusques. Ce corps est dans un néant d’émotions intenses et tristes. C’est la chute. Le corps souffre et l’esprit aussi. Ils ne font plus qu’un. Tracey Emin est une artiste qui travaille cette dualité corps et émotion avec intensité. Elle s’auto-observe et tente de retranscrire ses émotions propres. Il s’agit d’un travail personnel avant tout, bien que l’artiste se livre. Le spectateur, confronté à ces corps emplis d’émotions intenses, est pris d’empathie forte lors qu’il comprend que les états ainsi représentés ne sont pas imaginés mais réels. C’est pour cette raison que l’on peut parler d’œuvre-symptôme. Ce corps souffre. D’un état émotionnel se manifeste un état physique. C’est un corps opprimé par des émotions personnelles.

FREUD Lucian, Sunny Morning-Eight Legs, 1997

Lucian Freud est un artiste né en 1922 à Berlin qui s’inscrit dans le mouvement du réalisme

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