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"beaucoup de bruit pour rien" / Etude dramaturgique

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Par   •  9 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  1 137 Mots (5 Pages)  •  886 Vues

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Anooé Bernays

L1

Commentaire dramaturgique

 Approche historique


Si la pièce de Martin Crimp, Le reste vous le connaissez par le cinéma, publiée en France en 2015 dans une traduction de Philippe Dijan, est une réécriture contemporaine des Phéniciennes d’Euripide, le dramaturge britannique ne s’interdit pas d’autres références aux tragédies de la lignée des Labdacide.  

Ici, on commentera la première scène de cette pièce, dans laquelle, par le choix de musique suggéré par l’auteur, mais aussi par le texte qui y fait directement référence, plane l’aura du film de Pasolini, Œdipe roi, sorti en 1967. Le titre de la pièce de Martin Crimp indique ainsi qu’il suffit de voir le film pour connaître le reste de l’histoire. Dans le film de Pasolini, comme dans la pièce de Sophocle, le héros tragique est le vecteur d’un questionnement sur la condition humaine, et sa portée universelle est signifiée dans le film par une forme de syncrétisme culturel visible dans le choix des décors, des costumes, mais aussi de la musique. La première scène de Le reste vous le connaissez par le cinéma reprend ce questionnement via le chœur, qui devient le personnage central de la pièce. Ainsi, comment mettre en scène un chœur contemporain ? Ce que suggère le texte de Crimp, c’est peut-être moins l’absurdité de ce questionnement que la détresse d’une jeunesse en proie aux angoisses contemporaines, qui assaillît le spectateur de toutes ses questions.

Des questionnements absurdes 

Syncrétisme entre le sphinx et les questions que la jeunesse doit affronter. 

Les jeunes filles reprennent ici directement la figure du sphinx et des questions sans réponse qu’il pose, en soumettant le spectateur à une suite de questions toutes plus absurdes les unes que les autres. Ces énoncés, très scolaires au début, (« si Caroline a 3 pommes et Louise 3 pommes combien d’oranges a Sabine ? ») finissent par prendre une tournure violente (« Si une pierre pesant 75 grammes voyageant à 200 kilomètres heures peut faire voler en éclat un bassin humain pourquoi sommes-nous toutes si belles ? »)   pour évoquer directement la tragédie des Labdacide. Ces questions, par leur forme, ont un aspect très scolaire, elles ressemblent à des interrogations adressées à une classe, la classe étant ici le public, qui est doublement incapable de répondre : d’abord parce qu’il n’y a pas de réponse, et surtout parce que, selon les traditions du théâtre contemporain, à moins que cela soit explicitement indiqué, on attend rarement d’un public qu’il réponde. Ces questions restent donc sans réponse et deviennent une sorte de litanie, la traduction d’une forme d’angoisse existentielle portée par des jeunes filles. 

Une jeunesse en proie à l’angoisse 

La représentation par un chœur de jeunes filles permet à Crimp de traduire l’angoisse à laquelle est en proie la jeunesse. Face à toutes ces questions sans réponses, comment ne pas se sentir démunies ? Dans chacune des deux mises en scènes de la pièce de Crimp, respectivement par Daniel Jeanneteau et Katie Mitchell, le chœur est incarné par de jeunes acteurs et actrices qui ne sont pas (encore) des professionnels : chez Katie Mitchell, il s’agit des élèves acteurs d’une école d’art dramatique à qui elle a confié ce rôle, et chez Daniel Jeanneteau, il s’agit d’un groupe de jeunes femmes originaires de Gennevilliers (dont il dirige le Centre Dramatique National) qui sont des amatrices. Ce choix fort de la part des deux metteurs en scène permet de souligner la portée universelle des questionnements du chœur de jeunes filles. Le choix de Jeanneteau est peut-être encore plus radical que celui de Mitchell, qui, en choisissant des jeunes filles originaire de la banlieue parisienne, issues pour la plupart de l’immigration, se rapproche un peu plus des Phéniciennes d’Euripide qui étaient étrangères à la cité, et pouvaient donc plus facilement en interroger les coutumes. De plus, le chœur ne se comporte pas du tout comme on pourrait l’attendre d’un chœur antique, prenant véritablement son importance, son indépendance, s’imposant comme le personnage central de la pièce et non plus comme simple commentateur. La question « pourquoi sommes-nous si belles ? », qui revient à plusieurs reprises, invite à faire du chœur un personnage séduisant et les questions deviennent de plus en plus crues : « Mais encore quelle est la valeur de X si je me tiens toute nue devant vous ? ». 

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