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Place de l'art dans la société - Pièce de théâtre Warwick

Commentaire d'oeuvre : Place de l'art dans la société - Pièce de théâtre Warwick. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Mai 2019  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 579 Mots (7 Pages)  •  720 Vues

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Durant la semaine des arts, j’ai choisi d’aller voir la pièce de théâtre Warwick comme activité au choix. Laissez-moi vous dire que je n’ai pas été déçue.

Warwick est une pièce éloquente, actuelle et émouvante. À la base, l’auteur, Jean-Philippe Baril-Guérard a pondu ce texte pour les finissants de 2012 du programme d’interprétation du Cégep de St-Hyacinthe, tirant le squelette de son texte de l’histoire du militaire de 21 ans Frédéric Couture, qui, en 2006 en Afghanistan, a marché sur une mine antipersonnel alors qu’il n’était même pas en mission de combat, perdant un pied dans l’accident. Il se suicidera peu après son retour au Québec en 2007. Ce sera seulement après une commission d’enquête qu’il sera révélé que Couture avait essayé de mettre fin à ses jours sur le coup, préférant mourir que de vivre handicapé, mais que ses collègues l’en avaient empêché. C’est d’abord son histoire, relatée à l’émission québécoise Enquêtes, qui inspira Baril-Guérard à composer cette pièce qui s’est avérée être un franc succès et sera reprise dans différents théâtres aux quatre coins du Québec. Sans être pour autant l’histoire même de ce jeune Frédéric Couture, on assiste à ce qu’on appelle du théâtre documenté :

« La pièce est une histoire 100% fictive. Je me suis documenté sur le retour des soldats blessés, j’ai récolté quelques informations factuelles, j’ai rencontré des militaires, deux officiers d’affaires publiques et quelques familles, mais ça reste une fiction. Je pars d’une nouvelle et je creuse le filon pour créer mes pièces », dit l’auteur[1].

Le texte de Jean-Philippe Baril-Guérard abordera avec sa pièce la question de la vie et des conditions mêmes de cette vie. Il racontera l’histoire d’un jeune militaire du nom de Hubert Fontaine, revenu de l’Afghanistan depuis peu et retrouvant ses amis proches, après qu’un camion des Forces armées canadiennes roule sur une bombe artisanale. L’accident aura coûté la vie à un de ses frères d’armes et l’aura lui-même laissé paraplégique, vivant à la charge de ses « vieux chums ». Ces amis semblent presqu’aussi pris dans leur petite vie et leur petite ville de Warwick où rien ne change, qu’Hubert se sentira pris dans son corps handicapé. Il s’enlèvera la vie peu après son retour au pays. Tout au long de la pièce, on remarquera les mensonges subtils et le détournement des informations faites par les officiers de l’armée face aux médias.

« Comme l’itinérance ou le choc post-traumatique, le suicide est une réalité qui n’est pas tout à fait admise par la sphère militaire, quand elle n’est pas carrément occultée. En 2012, dans l’armée américaine, il y a eu plus de suicides que de morts au combat » évoque Baril Guérard[2].

La pièce Warwick porte le fardeau de transmettre la critique de l’engagement militaire d’une jeunesse vulnérable, peu éduquée et souvent issue de régions où le chômage est considéré comme une norme sociale, qui part à la guerre pour fuir un quotidien difficile sans issue. La pièce expose également une réflexion difficile sur la santé mentale des soldats et le soutien psychologique par l’armée canadienne lors de leur retour de mission, qu’ils aient été blessés ou non. L’auteur dira ceci :

« Faire du théâtre juste parce que c’est l’fun, ça ne s’inscrit pas dans ce que j’ai le goût de faire. J’ai besoin d’apporter quelque chose d’utile à mes pièces. Quand je fais du théâtre, j’ai envie que mon travail s’inscrive dans une démarche intellectuelle avec une certaine portée sociale. »[3]

En assistant à la pièce Warwick, l’auditoire peut revenir au constat établi par Albert Camus dans Lettres à un ami allemand « L'héroïsme est peu de chose, le bonheur est plus difficile[4] »

John Cassavetes, dramaturge, cinéaste, et metteur en scène de théâtre et de films entre les années 1950, fut un artiste très reconnu sur la scène mondiale. À ses débuts, il décida de s’inscrire à l’école de théâtre de New York. En allant voir son père, un immigrant grec de la classe ouvrière et devenu commerçant, pour lui demander de l’argent pour son inscription, le jeune Cassavetes, appréhendant la réaction de son paternel face à une discipline, et un travail, assez méprisé à l’époque, sera bien surpris de sa réponse. Celui-ci le regardera dans les yeux et lui dira : « Tu seras un artiste, alors ? C’est un métier très noble. Tu sais le genre de responsabilités que cela entraîne ? Tu représenteras la vie des êtres humains ! Et tu parleras pour tous ceux qui n’ont pas de voix[5]».

Depuis les dernières 50 millions d’années, on peut supposer que l’art a bien évolué, mais l’essence même derrière cette discipline précieuse est plus ou moins restée similaire. L’art est libre de contraintes imposées par les sphères politiques, économiques et souvent sociales, ce qui lui permet de briser les plafonds de verre et de poser des questions pertinentes, pointues, et même parfois épineuses auxquelles ces dernières sont parfois contraintes. Je crois que l’art a la capacité de faire ce que peu d’autres disciplines ont l’occasion de faire. C’est un médium puissant qui invite et ouvre la discussion sur plusieurs aspects de la société, parfois même sans le réaliser. C’est accessible à tous, lorsque l’on regarde par exemple les graffitis, et c’est même une discipline dans laquelle il est possible de se développer, comme le théâtre. Si auparavant l’art représentait exclusivement «le beau» de nos jours, je crois que l’art plus «social» sert beaucoup plus à pointer «le laid» de la société, à enclencher une discussion, une réflexion, et à provoquer des sentiments qui exposent parfois des situations sur lesquelles il est plus facile de se fermer les yeux. L’art est subjectif, ce qui le rend aussi précieux. Chaque individu contemplant une œuvre aura sa propre réaction, ses propres sentiments émergeront en fonction de son bagage culturel, social ou éducatif, et cela permet d’élargir ses propres horizons en remettant en question notre compréhension ainsi que notre vision de la réalité. « L’art occupe les lieux, les lieux occupent les arts de multiples façons. […] Occuper les lieux, pour l’art, c’est investir ce monde que nous avons en partage, c’est ajouter du sens, infléchir le sens de ce qui peut sembler trop familier ». Comme François Rioux l’exprime dans cette citation, dans un monde profondément matérialiste qu’est notre monde moderne, l’art permet d’aborder une perspective différente des autres disciplines, nous permet de réfléchir sur ce que nous sommes moins portés à connaître où à aborder en discussion. On peut faire de l’art partout, avec tout, sans même avoir de l’expérience ou du talent. Personnellement, je crois que les arts habitent autant les lieux que les gens, et alors que d’autres médiums de discussion sont plus rigides, l’art permet une nouvelle vision propre à chacun, et ces différentes visions permettent à chacun de trouver sa place et de se sentir concernés dans la discussion d’enjeux importants. Pour ma part, j’ai trouvé que la pièce Warwick est une œuvre qui ouvre les yeux, par son intensité, et aborde un sujet qui est dans l’ombre de ce qui est visé usuellement dans les médias ou même les cours d’école. Le fait en plus que celle-ci ait été traduite par une histoire dans laquelle on vient à s’attacher et comprendre le désarroi et le désespoir de Hubert m’a frappé par sa justesse et sa clarté. C’est une réalité peu abordée par les médias et les autres formes plus «classiques» de transfert d’information, puisqu’elle est difficile. Mais parfois, je crois que ce qu’il faut pour comprendre ce qui est difficile, c’est d’avoir à «entrer» dans cette même réalité. L’art est, de ce que je connais, la seule discipline nous permettant de faire cela, et c’est ce qui, à mes yeux, la rend aussi importante.

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