La critique de Rhinocéros d'Eugène Ionesco

Un bluffant rhinocéros

Ces temps-ci, il règne un doux parfum roumain saupoudré d’une touche animale féroce sur la Place des Martyrs. En effet, Rhinocéros d’Eugène Ionesco, l’auteur roumain, est actuellement joué au théâtre, dans une production de Christine Delmotte.

Premièrement, la trame nous livre une histoire paraissant loufoque et presque trop simple, mais qui est en réalité très réfléchie et pleine de sous-entendus. Dans celle-ci, on découvre Béranger, homme très banal et ayant un fort penchant pour l’alcool, qui va peu à peu voir chaque personne autour de lui « se changer » en rhinocéros, se joignant à une masse de plus en plus nombreuse… De son ami proche Martin à son amoureuse Daisy, en passant par Dudard, un logicien. Ils subissent donc tous cette transformation, rejoignant un mouvement de population auquel seul Béranger arrive à résister tant bien que mal… C’est en fait une métaphore de la montée en puissance des régimes totalitaires avant la Seconde Guerre mondiale, et Ionesco veut illustrer la résistance par rapport à cette altitude grégarienne à travers le personnage de Béranger.

Deuxièmement, il faut également souligner la production de la pièce en plusieurs aspects. Tout d’abord, il est intéressant de s’intéresser à l’évolution de l’endroit où l’action se déroule au fur et à mesure de la pièce. En effet, celle-ci commence dans un café, avant d’être dans un bureau, puis dans le chambre de Martin et enfin se terminer dans la chambre de Jean. On peut constater une accentuation du sentiment d’étouffement pour Béranger, puisqu’on passe d’un lieu public à un lieu intime. Ensuite, au niveau du décor, il est quasi inexistant( excepté des chaises descendant du plafond dans l’acte II) et ce sont les acteurs qui le déplacent eux même, notamment des projecteurs que Béranger déplace et qui délimitent les pièces, ce qui permet également de renforcer le sentiment de solitude. La musique, également, qui lorsque elle est jouée, donne place à une danse entre les acteurs changés en rhinocéros, ce qui est déroutant mais sympathique. Enfin, un petit mot sur les costumes qui sont très rustiques mais mention spéciale à la transformation en rhinocéros où les acteurs s’enduisent d’argile et restent en groupe au fond de la scène… Effet réussi.

En conclusion, cette pièce parvient à faire passer avec humour et légèreté un sujet assez sombre. Elle esr assez bien réalisée et les acteurs sont plus que convaincants. De plus, sa simplicité à bien des niveaux en fait une de ses grandes forces. Une pièce à ne pas rater, donc.

Robin Deramoudt

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