Slam
Fiche : Slam. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar brefouns • 21 Avril 2013 • Fiche • 3 627 Mots (15 Pages) • 921 Vues
Le slam naît d’une idée du poète Marc Kelly Smith en 1986. Écrivain issu de la working class de Chicago, Smith animait (outre des spectacles de théâtre et d’humour) des soirées de lecture de poèmes. Il jugeait celles-ci trop ennuyeuses et souhaitait les redynamiser, tout en nourrissant une vision non-élitiste de la poésie1. Invité à organiser des lectures au Green Mill Cocktail Lounge de Chicago (l’ancien repaire d’Al Capone1,2), il créa un spectacle intitulé « Uptown Poetry Slam ». Dans cet événement, la scène était ouverte à toute personne souhaitant lire un poème (appris par cœur ou non), et l’exercice était évalué par un jury de personnes choisies au hasard dans le public. Les textes devaient être dits sans décor ou costume ni musique de fond, et limités à trois minutes par intervenant. Le premier «Uptown Poetry Slam» eut lieu le 25 juillet 1986. Le terme de slam a été choisi par Smith parce qu’il signifie « tournoi »3,4 (Grand Slam ou Shelem), mais connote à la fois le sens de « claquer » ou « balancer »5. Les évènements du dimanche soir gagnèrent rapidement un public qu’il faut considérer comme inhabituel pour des lectures de poèmes : il est issu de la classe laborieuse ou habitué à fréquenter celle-ci, frustré du monopole académique à l’endroit de la poésie, et il alimente une atmosphère de contre-culture6.
Le slam apparaît ensuite à New York par le truchement du poète Bob Holman. En 1988, ce dernier publie un article sur le slam dans le New York Times. Au fameux Nuyorican Poets Cafe, il initie lui-même les slams hebdomadaires « Nuyorican Friday Night Poetry Slam ». Marc Smith voit cette initiative comme rivale : Aptowicz7 parle de « culture war » entre slam new-yorkais et chicagoan. Si le but de Smith est de permettre à une poésie de meilleure qualité d’émerger, Holman développe au contraire un style libre et dérégulé, sans limite de temps pour les slameurs, où l’intervention des jurés tient plus de la farce que de la critique7. On notera que Bob Holman est bien inséré dans les milieux littéraire-poétiques new-yorkais (mieux que Marc Smith à Chicago). Il dirige notamment la maison d’édition Nuyorican Café Press, et il publiera les textes des artistes de sa Poetry Slam : on mentionnera Big Bank take Little Bank (février 1991, Nuyorican Café Press) avec des textes de Paul Beatty, et l’anthologie Aloud : Voices frome the Nuyorican Poets Cafe (août 1995, Holt Paperbacks).
Les villes de San Francisco (par l’initiative de Gary Mex Glazner, dans divers lieux), puis Boston (par l’initiative de Michael Brown et Patricia Smith, au T.T. Bears), Ann Arbor, Detroit et même Fairbanks (en Alaska) verront s’organiser des soirées slam dans le genre de celles de Marc Smith. En 1990, Gary Mex Glazner, l’organisateur principal des soirées slam de San Francisco, suggère l’idée d’un tournoi de slam intervilles. Il organise le premier National Poetry Slam (NPS) la même année dans le cadre du National Poetry Festival de San Francisco. À l’époque, seules San Francisco, Chicago et New-York participent. La compétition compte neuf slameurs en lice. New York n’envoie qu’un seul slameur, Paul Beatty. Pour la deuxième édition du National Poetry Slam, la ville de Boston rejoint le concours. Le tournoi compte une catégorie individuelle et une catégorie par équipe. Le vainqueur par équipe remporte un prix de 2 000 dollars8.
La pratique du slam s’étend alors rapidement aux États-Unis. À New York en particulier, l’intérêt pour le slam – que l’on désigne à l’époque toujours par les termes « poetry slam » - grandit avec force. Bob Holman ayant permis à Paul Beatty de publier ses textes par l’ouvrage Big Bank take Little Bank (février 1991, Nuyorican Café Press), de nombreux auteurs gravitent autour du Nuyorican Poets Café dans l’espoir d’être remarqués par Holman9. Du fait de son succès, le Nuyorican Friday Night Poetry Slam se divise en deux soirées : une le mercredi (présélections), l’autre le vendredi (compétition). Deux autres rendez-vous de slam sont instiués à New York : « NYC-Urbana » dès 1997 et « louderARTS » dès 1998.
En août 1996, à Portland, les slameurs organisateurs du National Poetry Slam fondent l’association sans but lucratif Poetry Slam, Inc.. Elle propose des règlements de tournois et fédère les organisateurs ; sa Charte est adoptée en août 1997.
Lors de l’édition 1996 du National Poetry Slam, se déroulant à Portland, 26 villes américaines sont en compétition. Ce tournoi joue un rôle non négligeable dans l’histoire du slam puisque le réalisateur Paul Devlin entreprendra de le filmer pour en tirer un documentaire, intitulé Slam Nation. Diffusé en Amérique du Nord, ce film présente des interviews de Marc Smith, et met en valeur les slameurs Taylor Mali et Saul Williams, futurs stars de la discipline. Il contribuera à attirer l’attention sur le slam.
L’étape suivante de médiatisation du slam est le film Slam, sorti en 1998, écrit et réalisé par Marc Levin. Cette fiction raconte l’histoire de Ray Joshua, un jeune noir arrêté pour trafic de drogue qui développera son don pour la poésie orale durant son séjour en prison. Ray est interprété par Saul Williams (vedette émergente du slam, déjà la figure centrale du film Slam Nation), qui y récite ses propres textes. Le film remporte le Grand Prix du festival de Sundance ainsi que la Caméra d’or (meilleur premier film) de Cannes. Il jouera un rôle de taille dans la notoriété du slam en Europe.
Le slam fait son apparition à la télévision avec les séries Def Poetry (dès 2002) produite par HBO, ainsi que MTV Spoken Word Unplugged. Ces deux émissions diffusent l’équivalent de soirées slam non-compétitives, avec les « stars » du slam, mais aussi du rap.
On notera que ce que l’on peut nommer, de par la vitesse de sa propagation, le « mouvement slam » apparaît conjointement à une crise dans le monde de la poésie traditionnelle. En 1988, l’écrivain Joseph Epstein publia un éditorial dans la revue Commentary intitulé « Who Killed Poetry ? ». Il y déplore le fait que la poésie a déserté le grand public, en incriminant le système universitaire des études littéraires aux USA. Pareillement, en 1989, Donald Hall publia dans Harper’s « Death to the Death of Poetry », où il accuse les poètes de nombrilisme. La même année, 101 auteurs répondirent à Epstein dans un dossier du Writer’s Chronicle. La critique littéraire Diana Gioia publia sa réponse à Epstein, « Can Poetry Matter ? », dans la revue Atlantic d’avril 1991, où elle regrette le manque de public pour la poésie, les écrivains préférant les cursus universitaires élitaires à la vie de bohème.
En Europe[modifier]
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