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Sommes-nous conscients ou avons-nous à nous rendre conscients ?

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Par   •  3 Mars 2022  •  Dissertation  •  2 023 Mots (9 Pages)  •  2 074 Vues

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Sommes-nous conscients ou avons-nous à nous rendre conscients ?

CORRIGÉ DISSERTATION

Les êtres humains sont, parmi tous les êtres vivants, les seuls à avoir conscience de soi, du fait qu’ils soient au monde. Non seulement nous avons une conscience immédiate du monde, mais nous avons aussi « conscience d’avoir conscience », c’est-à-dire que non seulement nous percevons les choses, mais que nous savons que nous les percevons ; non seulement nous agissons dans le monde, mais nous savons que nous agissons et pourquoi. L’homme est le seul à avoir cette capacité de faire un retour critique sur soi-même, d’analyser et juger ses pensées, ses actions et ses expériences. Si nous considérons la conscience comme cette capacité, il semblerait donc évident que nous sommes conscients. Notre conscience est innée, elle fait partie de notre essence d’être humain et par conséquent nous n’avons pas à nous rendre conscients.

Et pourtant, la conscience a aussi une autre définition, qui est celle qu’on utilise quand on parle de « prendre conscience » : elle est la connaissance claire de quelque chose, qu’on peut maîtriser. L’expression même, avec ce verbe « prendre » implique le fait que ce type de conscience n’est pas immédiate, mais s’acquiert petit à petit. Même si nous sommes capables d’avoir un retour critique sur nous-mêmes, cela ne signifie pas que nous sommes automatiquement capables de nous comprendre, d’avoir pleine conscience des raisons qui nous ont poussé à faire un certain choix plutôt qu’un autre. Nous confronter et discuter avec autrui nous permet souvent de mieux nous comprendre, de prendre les distances d’une certaine situation ou d’un de nos problèmes pour mieux les analyser, d’être plus conscients de ce qui se passe dans notre intériorité, de nos sensations et émotions. La prise de conscience de notre intériorité se fait donc par acquisition : nous nous rendons conscients au fur et à mesure, au fil du temps.  

Par conséquent nous pouvons nous demander : dans quelle mesure la conscience est quelque chose qu’on construit et dont on doit s’approprier ? Peut-on faire ce travail d’appropriation tous seuls, ou nous nécessitons de la présence d’autrui dans cette prise de conscience progressive de nous-mêmes ?

Pour répondre à ces questions nous allons voir d’abord que la conscience de soi est quelque chose de propre à l’homme. Dans un deuxième temps nous verrons que la conscience de soi n’est pas innée mais se fait par apprentissage, grâce à la présence d’autrui. Pour finir, nous allons nous demander si nous n’avons pas le devoir de nous rendre conscients.

La conscience est une qualité présente chez tous les êtres humains. Elle se manifeste d’abord sous la forme de perception du monde qui nous entoure, à travers nos sens. Cette conscience immédiate, est celle que nous avons en commun avec les animaux en tant qu’êtres vivants faisant partie de la nature. Mais les hommes ont aussi un autre type de conscience, la conscience dite « réfléchie » : ils sont capables de prendre du recul vis-à-vis de cette nature dont ils font partie et de sortir de l'immédiateté de leur relation avec le monde, pour pouvoir l'observer et l’analyser, en même temps qu’ils s’observent et s’analysent eux-mêmes.

L'homme est le seul animal qui possède la capacité de dire « Je », de se retourner sur soi-même pour se constituer comme une conscience de soi ou un sujet. Le mot même de « conscience » vient du latin « cum-scientia », qui signifie « accompagné de savoir » : être conscient, c’est agir, sentir, ou penser, et savoir qu’on agit, sent, ou pense. La conscience humaine, donc, se retourne sur elle-même, en prenant ses pensées et ses états de conscience comme des objets de connaissance. Cela fait partie de notre essence et, par conséquent, pourrait être considéré comme quelque chose d’inné, d’acquis dès notre naissance.

Le premier philosophe à avoir produit une définition claire de la conscience de soi est René Descartes au XVIIème siècle. Dans son ouvrage Discours de la méthode, il met en évidence l’importance de la conscience (le cogito) pour l’homme, sa valeur de pilier de toute connaissance. Il cherche en effet parmi nos connaissances une certitude première, sur laquelle l’homme puisse compter pour construire un système de croyances stable et fiable. Il décide ainsi de mettre en doute tout ce qui existe (le monde, notre corps, les connaissances rationnelles) afin de vérifier s’il y a quelque chose qui résiste à ce doute hyperbolique, quelque chose qui soit certaine et indubitable. Arrivé au point d’avoir douté de sa propre existence, Descartes réalise une chose : qu’il sait qu’il est en train de douter, et donc de penser. Et cette pensée est la preuve qu’il existe : cogito, ergo sum, je pense, donc je suis. La conscience de soi est donc la certitude première de notre existence, quelque chose d’indubitable à partir de laquelle construire et fonder le reste nos connaissances.

Cela permet à Descartes de définir la nature ou l’essence de l’homme, qui est un être pensant : la pensée constitue donc la forme particulière de l’existence humaine. Ce savoir immédiat et évident que l’homme possède sur lui-même, est ce que Descartes appelle la conscience. Par conséquent, l’homme ne doit pas se rendre conscient : il est conscience et pensée, transparent à lui-même.

Mais déjà concernant ce premier sens du mot « conscience », on peut se demander : est-elle vraiment quelque chose d’innée, qu’on possède indépendamment du monde et des autres hommes ? Le psychiatre Jacques Lacan a étudié au début du XXème siècle le comportement des petits enfants. Il s’est rendu compte que la conscience ne surgit que lorsque l’enfant dit « je » pour la première fois. En ce moment, il se sépare de sa mère et commence à se comprendre comme une entité séparée dans le corps, mais aussi dans l’esprit. Lacan appelle ce moment le « stade du miroir » puisque pour la première fois l’enfant se regardant dans le miroir peut se voir et se comprendre en tant que sujet séparé du monde et des autres. « Auparavant il se sentait simplement ; maintenant il se pense » écrit Kant dans Anthropologie d’un point de vue pragmatique.  L’affirmation du « je » est donc l’événement essentiel de son humanité, puisqu’il est la condition nécessaire de sa conscience de soi, de sa pensée réflexive.

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