Que peuvent les arts?

Que peuvent les arts ?

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       En 2020, l’artiste contemporain Piotr Pavlenski diffusait des documents porno-politiques preuves de l’infidélité de Benjamin Griveaux, poussant celui-ci à retirer sa candidature à la mairie de Paris. L’artiste définit ses actions comme étant une recherche artistique mue par la vérité, la liberté d’expression. Il voit le devoir de l’artiste contemporain comme celui de se faire défenseur de l’honnêteté dans les sphères publiques et privées. Il inscrit d’ailleurs ses œuvres politiques dans l’artivisme, un mouvement artistique et politique visant à délivrer des messages en jouant avec les mœurs, en s’appropriant voire en kidnappant l’espace public. En parallèle, si le rôle de l’artiste est de créer une œuvre créative et originale pouvant susciter des émotions et des sensations, alors l’acte politique de Piotr Pavlenski semblerait bien être artistique. Ainsi, comment les arts peuvent améliorer la relation de l’homme avec le monde qui l’entoure ? Par ailleurs, si les arts, peuvent bouleverser le monde politique comme l’œuvre de Pavlenski, ils semblent donc posséder une grande puissance et un pouvoir influent. Ainsi, quels pouvoirs possèdent les arts ? Néanmoins, puisque ces pouvoirs peuvent effrayer l’homme, alors qu’est-ce que celui-ci autorise-t’il aux arts ?

       Tout d’abord, si l’on entend « peut » au sens de capacités, on questionne alors les facultés de l’art, ce que les arts ont les capacités de faire, on interroge alors les capacités de l’art à améliorer notre rapport au monde. Si nous prenons les arts au sens de représentation, alors il semblerait que ceux-ci peuvent créer de nouveaux mondes, et comme la nature, l’artiste deviendrait cette puissance d’engendrement qui donne naissance aux œuvres comme si à de réels êtres vivants. Cependant, cette conception de l’art ne risque-t’elle pas de limiter la créativité des artistes ? Ainsi, si l’on pense l’art comme moyen d’expression des sentiments et des idées de l’artiste, alors les arts peuvent projeter la beauté de la singularité de l’artiste sur le monde. Pour autant, voir l’art comme une recherche perpétuelle de l’originalité pourrait mener à tomber dans l’absurde. Néanmoins, comme dévoilement du rapport vécu au monde peut permettre de renouer avec le monde de la vie.

      Toutefois, si l’utilisation du verbe « pouvoir » est perçu comme synonyme de puissance, de force et d’influence, alors on peut se questionner sur la puissance des arts et l’influence qu’ils peuvent avoir. Nous pouvons alors nous demander quels sont les risques et les dangers des arts ? Ainsi, les arts ne trouveraient-ils pas toute leur puissance dans leur pouvoir de persuasion ? Il semblerait dans ce cas que l’enchantement qu’ils procurent s’apparente à un influent outil rhétorique. Par ailleurs, au-delà de la simple persuasion, les arts n’ont-ils pas le pouvoir de dévoiler la vérité ? En ce sens, si les arts sont des outils influents, alors n’y aurait-il pas une élite qui se servirait du pouvoir des arts ?

     Néanmoins, si le terme « pouvoir » est perçu comme le résultat d’un accord, d’une autorisation,  alors nous pouvons nous demander ce que l’on autorise aux arts ? Il y a t-il des limites morales, légales, éthiques à l’art ? Ainsi l’art peut-il exprimer des tabous et l’autorise-t’on à franchir les limites de la bienséance ? L’art peut-il s’affranchir des règles et des lois ? Dans une toute autre mesure, l’homme doit-il autoriser à l’art toute mercantilisation ?

     Il s’agira donc dans un premier temps d’observer ce que les arts permettent de faire intrinsèquement. Ensuite, nous étudierons les pouvoirs des arts et verrons de quelle manière peuvent-ils être influents. Enfin, nous analyserons la question des limites de l’art et de ce que l’homme autorise ou non à l’art.

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      Dans un premier temps, les arts de part leur capacité peuvent faciliter, aider à comprendre et améliorer la relation de l’homme avec le monde qui l’entoure. Ainsi, si l’art est envisagé comme la capacité de représenter, alors l’artiste peut créer de nouveaux mondes à l’image de la nature. Parallèlement, si les arts sont perçus comme une capacité d’expression, alors ils peuvent incarner la

subjectivité de l’artiste, cette intériorité qu’ils projettent sur le monde. Enfin, les arts comme dévoilement du rapport vécu au monde, ont la possibilité de nous faire renouer avec le monde de la vie.

     Tout d’abord, l’art comme capacité de représenter peut donner naissance à de nouveaux mondes en imitant la nature. En effet, on a longtemps vu les beaux arts comme ceux qui représentaient le plus fidèlement possible la nature. Ainsi, ce mimesis qui a pour objectif de décrire une réalité extérieure ou intérieure, induit que l’artiste masque ce qui vient de lui pour décrire quelque chose qui sera reconnu par tous (c’est par exemple le principe du cinéma, du jeu d’acteur). Ainsi, à l’aune de cette approche des arts comme imitation de la nature, il semblerait que les arts, à l’image de la nature engendrent des œuvres comparables à des êtres vivants. L’artiste et donc, les arts sont une force de la nature qui peuvent créer de nouveaux mondes. C’est également la thèse que défend Aristote dans son ouvrage La Poétique, dans lequel le philosophe compare l’art à la nature et les œuvres à des êtres vivants. Comme un animal, une œuvre doit être bien formée pour vivre et fonctionner. L’artiste doit masquer sa technique pour que son œuvre paraisse la plus naturelle possible. Ainsi, les arts peuvent être cette puissance d’engendrement qui donne naissance et créent de nouveaux mondes, fidèles à la nature. Cependant, cette conception de l’art comme imitation de la nature semble limiter la créativité de l’artiste, or le propre d’une œuvre n’est-il pas de rechercher l’originalité et la nouveauté ?

       Ensuite, les arts s’ils sont envisagés comme une capacité d’exprimer des émotions et des sentiments, alors ils peuvent projeter sur le monde la beauté de l’artiste et non plus le représenter. En effet, l’expression permet à l’artiste d’incarner sa subjectivité dans une matière sensible. En ce sens, l’artiste déforme la réalité pour faire porter l’attention sur son intériorité. Les arts peut être ce lien entre l’homme et le monde, entre l’intériorité et l’extériorité. Les arts rendent alors le monde plus humain. Oscar Wilde disait que « ce n’est pas l’art qui imite la nature mais la nature qui imite l’art ». Autrement dit, ce sont les arts qui nous apprennent à voir la beauté du monde. L’artiste exprime donc son intériorité, décrit et laisse parler ses émotions, ses idées. L’art devient alors abstrait et abandonne tout objectif de représentation. D’ailleurs, l’œuvre Tir (Tear) de Niki de Saint Phalle exécuté en 1961 pose la question de l’humanité que les arts peuvent rendre au monde. L’œuvre consiste en une série de tableaux-performance peint à la carabine sur des matériaux divers. L’artiste s’écriait lors de la réalisation : « Victime! Prêt! À vos marques! Feu! Rouge ! bleu ! jaune ! la peinture pleure, la peinture est morte. J'ai tué la peinture. Elle est ressuscitée. Guerre sans victime! » au sujet des guerres, des massacres et des bombardements qu’a connu le monde. Niki de Saint Phalle par son œuvre interroge ici la double vertu que peut avoir les arts : les arts comme thérapie de l’artiste qui s’exprime et fait ressortir les émotions les plus violentes en lui mais les arts peuvent aussi être cette conversation d’individu à individu sur le monde, le rendant plus vivable. Ainsi les arts comme expression peuvent être la manifestation sensible de l’esprit. Les arts cherchent la beauté de l’artiste et la projette sur le monde pour le rendre plus vivable. Pour autant, si les arts sont cette quête permanente de l’originalité, alors l’artiste n’aurait de cesse de chercher cette singularité, ses idées personnelles. Or le risque serait alors la difficulté de l’intelligibilité et de la compréhension de l’œuvre.

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