Qu'est-ce qu'avoir des valeurs ?
Dissertation : Qu'est-ce qu'avoir des valeurs ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Philippe Girard • 29 Avril 2020 • Dissertation • 1 906 Mots (8 Pages) • 751 Vues
Qu’est ce qu’avoir des valeurs ?
Le sujet, par sa formulation et l’utilisation du verbe « avoir », présuppose que des gens auraient des valeurs, tandis que d’autres n’en auraient pas. Dans le langage courant, avoir des valeurs possède une connotation positive, respectable, sans pour autant que ces valeurs soient définies. Avant toute chose donc, il sera indispensable de définir le terme de valeur qui, s’il est utilisé assez couramment, l’est souvent de manière assez floue. Nous nous demanderons alors si l’opposition avoir des valeurs et ne pas en avoir peut avoir un sens.
Dans un second temps, nous nous interrogerons sur l’origine de ces valeurs que l’on possède, car cela peut en changer le sens. Que signifie donc avoir des valeurs au juste ? Qu’on les a choisies, et qu’elles traduisent une réflexion personnelle, ou cela signifie-t-il qu’elles sont se sont imposées à nous, par notre environnement familial, religieux, ou culturel ? Nous nous interrogerons enfin sur la justification même de prétendre « avoir » des valeurs, quand les respecter semblerait être autrement plus important. Agir selon des valeurs, dans la lignée de Jean-Paul Sartre, n’irait-il pas bien au delà ?
On peut définir les valeurs comme une sorte de code moral selon lequel on agit. Elles sont, d’une certaine manière, comparables à des principes, mais exclusivement basées sur un socle moral. « Avoir des valeurs » signifierait donc, basiquement, respecter un code de conduite, sans que celui-ci ait besoin d’être précisé.
Ce qui est intéressant ici est que l’on semble naturellement associer les valeurs à des principes respectables, de justice, d’humanité, de générosité, etc.,. Quelqu’un qui déclare « moi, j’ai des valeurs » le dit rarement pour signifier qu’il obéit à des principes prônant l’injustice ou l’inégalité, mais bien plutôt à des valeurs saines. On respectera d’ailleurs à priori d’avantage un homme ou une femme « de valeurs ». Pourtant des valeurs comme le travail, la famille peuvent également nous venir à l’esprit si l’on cherche à les définir. Et il est dans ce cas beaucoup plus difficile d’expliquer en quoi la famille par exemple représente une valeur universellement positive. Quand Camus déclare « entre la justice et ma mère, je choisis ma mère », il oppose deux valeurs, et en choisissant la valeur familiale, se coupe de la première. Avoir des valeurs semble donc vouloir exprimer que l’on base ses actions sur un code de pensée qui nous semble juste, quelques soient finalement ces valeurs.
Que signifierait ne pas en avoir dans ce cas ? Qu’on ne respecterait aucun code moral. Que nos actes seraient commandés par notre seul intérêt, nos besoins ; la fin justifierait alors les moyens. Le nihilisme, par exemple, prétend qu’à cause d’absence de sens, de causalité de l’existence humaine, aucune valeur ne doit être respectée. Mais dans le cas d’un acte réfléchi, ne pas vouloir respecter de valeurs n’en devient-il pas une ?
Pourrait-on en déduire un lien entre le respect de valeurs à la croyance en une finalité humaine ? Je crois qu’on peut rapidement écarter cette possibilité : on peut tout à fait croire à un non sens, à un hasard de l’existence du monde et posséder des valeurs humaines fortes. L’exemple de la naissance d’un humanisme laïc, qui dut redéfinir les valeurs quand elles n’étaient plus imposées par la religion, nous le confirme.
Il est à mon sens plus intéressant de se demander d’ou nous viennent exactement ces valeurs qui structurent notre pensée. Nous sont-elles imposées de l’extérieur, par le biais de notre culture et de notre éducation, ou nous viennent-elles de l’intérieur, fruit de notre réflexion personnelle ? Car cela leur donne deux sens radicalement différents. L’un étant le reflet d’une sorte de prison intellectuelle, l’autre au contraire celui de la liberté de choix.
Dans le premier cas en effet, cela traduirait simplement notre appartenance, à une communauté culturelle (un pays par exemple), à un milieu social, une confession religieuse. Avoir des valeurs signifierait juste, ici, avoir intériorisé les valeurs qui nous ont été transmises par l’éducation ou l’habitude.
Pour fréquenter souvent la Norvège, j’ai remarqué que la discrétion et le respect de l’espace d’autrui sont une valeur très forte dans la mentalité scandinave. À un tel point que cela peut nous apparaître, à nous, héritiers de la culture française, parfois malpoli. Il arrive fréquemment par exemple que si, accompagné d’un ami, vous croisez une connaissance de cet ami, celui-ci ne vous saluera pas naturellement, ni ne vous adressera la parole durant la rencontre. Alors qu’en France il nous semble naturel et incontournable de montrer un certain intérêt à la connaissance de votre ami. Non pas que ce norvégien veuille heurter vos valeurs : mais tout au contraire parce que les siennes lui commandent de ne pas vous déranger ou vous mettre mal à l’aise. Il attendra que vous en montriez le désir pour vous intégrer à la rencontre.
Certaines valeurs peuvent être religieuses également, et ont façonné nos codes de conduite (même si l’on est athée) selon la confession où l’on a baigné. Les valeurs de pudeur parfois extrêmes prônées par la religion musulmane, par exemple, peuvent entrer en conflit avec les valeurs de liberté à disposer de son corps qu’il est possible de rencontrer en Europe occidentale moderne. Elles ne sont ici pas non plus le résultat d’un choix, mais ont été intériorisées.
On pourrait également parler des valeurs que partagent tel ou tel groupe social (les détenus par exemple qui ne dénonceront jamais un autre détenu, quelque soit la gravité de la faute qu’il ait pu commettre), qui heurteraient fortement les valeurs d’autres gens qui n’appartiennent pas à ce milieu.
La sociologie nous a montré de façon évidente que le fait que la grande majorité des Scandinaves, les musulmans ou les détenus partagent des valeurs communes ne procède pas d’un choix individuel mais bien de l’éducation, ou tout au moins d’un certain conditionnement culturel.
Avoir des valeurs signifie donc bien dans ce premier cas appartenir à un groupe qui partage ces valeurs. Avec tous les dangers que cela implique : nous pouvons aisément imaginer que les valeurs transmises dans les jeunesses hitlériennes étaient loin d’être des valeurs de justice et de respect de la personne. La revendication « j’ai des valeurs » prononcé par un adulte formé à l’éducation nazie, n’aurait clairement pas la même signification que pour quelqu’un baigné dans la culture bouddhiste. On a constaté à travers l’histoire et ses guerres, massacres, dictatures diverses que l’être humain semblant être, dans une certaine mesure, « programmable » par l’éducation et le conditionnement, on peut lui faire épouser à peu près n’importe quelles valeurs. Quelle valeur accorder alors à ces valeurs ?
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