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Le désir et le bonheur

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Par   •  2 Janvier 2023  •  Cours  •  8 173 Mots (33 Pages)  •  305 Vues

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Le désir (et le bonheur)

Il semble admis que le désir se définit par le manque (…), c’est en tout cas cette conception qui

est majoritairement partagée dans la pensée philosophique classique de Socrate à Freud. En effet, de

prime abord, le désir se présente sous le même angle que le besoin, c’est-à-dire comme le témoignage

d’une manque, d’une insatisfaction, d’une attente qui demandent à être comblés. A ceci près que là où

le besoin relève de la nécessité naturelle commune à l’ensemble des êtres vivants, le désir semble

propre à l’espèce humaine et relève du contingent, du secondaire. Mais les deux sentiments ont en

commun cette idée de « manque », de « trouble » qui attentent à la bonne santé du corps et de l’esprit.

A partir de cette conception, le désir se trouve souvent dévalorisé tant il peut faire déboucher le destin

de l’homme vers des lendemains funestes : la passion prenant le pas sur la raison, la frustration

rongeant l’âme, la déception (sentimentale en particulier) poussant l’homme à s’anéantir de n’avoir pu

s’approprier l’objet du désir… L’idée de « manque » est d’ailleurs double : il arrive que le désir, une

fois satisfait, ne comble pas le sujet désirant comme l’intensité de son sentiment le laissait penser, et

ainsi il « manque » - au sens de rater – l’objectif initial.

Pourtant, il existe aussi des philosophes qui, loin de dévaloriser le désir, en font le « moteur » ou

le carburant de l’espèce humain, une condition essentielle de celle-ci qui la distingue des animaux

soumis au règne de leurs instincts (et donc de leurs besoins). Le désir apparaît dès lors comme ce qui

« élève » les hommes au dessus de la vie purement « naturelle », comme le signe de leur absolue

singularité au sein du vivant.

Dans La chair envisagée, le médecin et psychanalyste Denis Vasse écrit : « Désirer pourrait

signifier : « chercher au-delà du voir », chercher dans les astres, chercher dans le ciel. Selon

l’étymologie1, sidus (sideris) veut dire « constellation astrale » ; et être sidéré, c’est subir l’action

funeste d’un astre qui peut immobiliser jusqu’à la paralysie. Considérer revient à examiner avec

attention. A l’origine, probablement un terme de la langue des augures ou des marins. On pense que

desiderare est un verbe formé sur considerare. Il aurait signifié d’abord : « cesser de voir », « constater

l’absence de ». D’où ensuite : « chercher », « désirer ». Désirer indique le mouvement qui délie de la

sidération astrale et qui transforme son ouverture en chemin vers une rencontre. Le désir fonde

l’histoire comme temps du sujet qui advient […] Le domaine de l’incompréhensible, voilà le champs

du désir et de la recherche humaine. Non que l’incompréhensible se donne à comprendre un jour

comme un objet maîtrisé. Mais parce que seul l’incompréhensible – ou l’impossible – fonde le

mouvement d’ouverture d’un désir qui trouve ce qui le fait vivre dans l’acte même où il cherche, et qui

continue de chercher dans l’acte même où il se trouve. Cette dimension paradoxale du désir indique

l’ouverture du temps au Réel qui est le présent dans la parole – dans le corps ».

On voit à travers cette longue citation qu’en partant de l’étymologie du terme «désir » il est possible de

dégager un grand nombre d’enjeux philosophiques.

Dans un premier temps, nous allons tenter d’établir quelle est la nature du désir en voyant ce qui

distingue celui-ci du besoin. Nous verrons alors qu’il n’est pas toujours évident de faire la part des

choses entre ces deux sentiments qui s’entremêlent ou se brouillent parfois. Nous tenterons ensuite de

saisir si le bonheur consiste à combler l’ensemble de ses désirs, à s’en débarrasser totalement ou bien à

faire la part des choses entre les désirs nécessaires au bien-être et ceux dont il faut se tenir éloigné. Une

fois établi qu’une vie sans désir semble difficilement envisageable, sinon enviable, nous nous

pencherons sur la force de ce sentiment et sur sa place dans la vie des hommes. Origine de bien des

tourments et signe de l’éternelle insatisfaction qui caractérise la condition humaine, le désir apparaît

alors comme la manifestation d’un manque symbolisant le caractère tragique de l’existence humaine.

Pour autant, nous verrons en quoi on ne saurait réduire le désir au seul manque car il peut aussi être

Jacqueline Ricoche, Nouveau Dictionnaire étymologique du français, Paris, Hachette-Tchou, 1971

considéré comme la manifestation d’une puissance proprement humaine -voire comme le moteur de

l’action humaine - faisant éruption dans un monde régi par les seules lois de la nécessité naturelle.

I La nature du désir

1)

En quoi le désir se distingue-t-il du besoin ?

Dans

...

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