La vraie tâche de l'art (Nietzsche)
Commentaire de texte : La vraie tâche de l'art (Nietzsche). Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Manon CHEVRY • 28 Avril 2019 • Commentaire de texte • 1 577 Mots (7 Pages) • 1 372 Vues
Explication de texte La vraie tâche de l’art (Nietzsche) |
Dans le langage commun, l’art désigne les œuvres humaines destinées à toucher les sens et les émotions du public; il est un produit de la culture, c’est à dire de la pratique, du perfectionnement de certains modes d'expression. Pourtant, la culture est également l’entretien et l’exploitation des qualités d'un être vivant, à des fins non seulement esthétiques mais également utilitaire, donc, nous pouvons nous demander quelles sont les fins que vise l’activité artistique, selon Nietzsche.
Nous verrons en premier lieu l’art en tant qu’une adaptation de la nature pour la rendre à la portée de l’Homme, puis, nous verrons que l’art transforme les choses dites “laides”, ensuite, l’art en tant qu’art des oeuvres d’arts et enfin, la fausse conception que nous avons de l’art.
“L’art doit avant tout embellir la vie, donc nous rendre nous-même tolérables aux autres et agréables possible” : d’abord, Nietzsche détermine quelle est la première finalité de l’art. Il s’agit d’“embellir la vie”, c’est à dire la rendre plus belle que ce qu’elle est à son état primitif, lui donner plus de noblesse, de grandeur morale. Mais avant toute explication, que représente l’art dans ce contexte-ci ? L’art désigne ici, un ensemble de moyens, de procédés conscients par lesquels l'homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat, c’est plus exactement un produit de la technique pour modifier la nature dans un but d'adaptation à l'usage de l'homme. Cela suppose donc un exercice sur soi pour devenir tolérable dans nos rapport inter-individuels, pour être supporté par autrui sans effort pénible, sans douleur forte, sans dommage et être conforme au désir, à l'attente de chacun. Mais quels sont les attendus communs ? “Ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en bride, crée des formes de civilité, lie ceux dont l’éducation n’est pas faite à des lois de convenance, de propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment”. Pour aboutir à ceci, l’art doit fixer des bornes à l’inférence des passions humaines, afin d’éviter, à même titre que l’Etat, l’émergence de conflits. Cette modération doit instaurer différentes conduites, entre autre, la civilité, en d’autres mots, le respect des convenances qui régissent la vie en société. L’enjeu est ici vital, car il s’agit ici de régler le problème de la relativité des convenances, celles-ci différant en fonction des époques, du milieu géographique, etc. Par conséquent, il faut établir des prescriptions universelles afin d’instituer un rapport de conformité entre les individus, une concordance. Cela nécessite donc de propreté, c’est-à-dire, la qualité d'une personne qui se conduit avec honnêteté, intégrité, franchise, mais aussi de politesse, la manifestation d’un ensemble de comportements sociaux entre individus visant à exprimer la reconnaissance d'autrui et à être traité en tant que personne ayant des sentiments. Quand Nietzsche explique qu’il faut “[apprendre] à parler et à se taire au bon moment”, il sous-entend que la vie en société doit déterminer entre nous tous une distance médiane par laquelle les hommes pourront se supporter tout en restant utiles les uns aux autres.
“De plus, l’art doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes qui, malgré tout les efforts, à cause des origines de la nature humaine, viendront toujours de nouveau à la surface” : en second lieu, Nietzsche nous propose ici une toute autre définition de l’art car il s’agit de l’expression dans les œuvres humaines d'un idéal de beauté, correspondant à un type de civilisation, à une catégorie sociale. C’est pourquoi l’art doit transformer les choses dont l'aspect heurte le sens esthétique, l'idée qu'on a du beau, ou ce qui s'écarte des bienséances, de ce qu'on pense être bien, moral, honnête. Les origines de la nature humaine impliquent nos pulsions sexuelles (eros) et de mort (thanatos) mais également le chaos social régnant lors de l’état de nature. Ces choses, allant à l’encontre de la bienséance provoque en nous un profond dégoût dont nous ne pouvons nous soustraire, et ce, malgré nos efforts. “il doit agir ainsi surtout pour ce qui en est des passions, des douleurs de l’âme et des craintes, et faire transparaître, dans la laideur inévitable ou insurmontable, son côté significatif” : il faut que l’art agisse, dans le sens où, en dépeignant la laideur, c’est-à-dire, “[nos] passions, [les] douleurs de [notre] âme et [nos] craintes”, il doit provoquer une catharsis, la purification de l'âme ou purgation des passions du spectateur par la terreur et la pitié qu'il éprouve devant le spectacle de “ces choses pénibles, épouvantables et dégoûtantes”. C’est là où se trouve le “côté significatif” de la laideur.
Après cette tâche de l’art, dont la grandeur va jusqu’à l’énormité, l’art que l’on appelle véritable, l’art des oeuvres d’arts, n’est qu’accessoire” : troisièmement, la grandeur dont parle Nietzsche prend le sens suivant : dans le domaine de l’art, il s’agit du caractère noble, élevé, puissant du style, de l'inspiration, etc. Il utilise le mot “énormité” pour témoigner du caractère hyperbolique de cette noblesse. Quand il parle d’art véritable, il parle de la première définition qui nous vient en tête quand on nous parle d’arts, celui que l’on considère vraiment, c’est-à-dire, les Beaux-Arts, qui sont, dans la tradition académique occidentale, un ensemble de disciplines artistiques. Ils incluent historiquement le dessin, la peinture, la sculpture, l'architecture, la musique, la poésie, le théâtre et la danse. S'ils concernent initialement les arts plastiques “visant à l'expression sensible du beau”, le terme de Beau-Arts est employé pour des disciplines diverses selon les pays et les cultures. Toutefois, même si on estime les Beaux-Arts plus que tout, l’art des oeuvres d’arts est “accessoire”, parce qu’il vient avec ou après ce qui est principal, essentiel, (les définitions que nous avions mentionné précédemment). Si ces formes élémentaires (l’art; comme l'adaptation de la nature pour la rendre d’usage à l’homme ou comme reflet des moeurs d’une époque) sont nécessaires pour assurer la survie de l’humain, les Beaux-Arts quoique concomitants à celles-ci sont uniquement de l’ordre du devoir, que cela soit pour y contribuer par le biais de notre propre création, ou y avoir un simple intérêt en étant spectateur. “L’homme qui sent en lui un excédent de ces forces qui embellissent, cachent, transforment, finira par chercher, à s'alléger de cet excédent par l’oeuvre d’art;” L’homme se sent parfois déborder par ses forces, autrement dit, ce qui est à l'origine du comportement instinctif de l'être vivant, du comportement inconscient de la personne, par opposition à la conscience, la volonté, la raison, etc ou l’ensemble de ses ressources physiques, morales ou intellectuelles qui permettent à une personne de s'imposer ou de réagir. C’est pourquoi l’art est un moyen pour s'extraire de ces besoins : au lieu de les assouvir par le biais de la violence (nous pourrions prendre l’exemple des pulsions ou bien celui des manifestations, en tant que réunions publiques pour manifester une opinion ou une volonté) nous rendons ces comportements féconds en leur agrégeant un caractère créateur. Nous transposons notre approche du réel dans une démarche artistique (en l'occurrence, dans la matière quand ces arts sont plastiques) et par conséquent, nous dirons dans le langage commun que l’art est un échappatoire. Enfin, en relevant que “dans certaines circonstances, c’est tout un peuple qui agira ainsi”, Nietzsche fait ici référence aux mouvements artistiques, qui sont l’émanation d’un même courant d’idée, par exemple, le sentiment de mal du siècle, dans le mouvement romantique.
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