L'esprit et la matière

<

-Que me demandez-vous là ? dit le raisonneur, je n’en ai point idée : on dit que ce n’est pas de la matière.

-mais sais-tu au moins ce que c’est que la matière ?>> Cet extrait du conte philosophique Micromégas écrit par Voltaire philosophe des Lumières interpelle sur la relation corps/esprit. Mais alors qu’est-ce que l’esprit ? Et bien dans son sens premier, c’est une substance immatérielle qui sert de support à la pensée. Et alors qu’est-ce la matière ? Et bien la matière représente ce en quoi est fait un objet physique, c’est une substance déterminée dont est fait un objet mais également la substance commune à tous les corps, composée d’éléments chimiques. Cependant les points de vue divergent quant à la relation entre le corps(la matière)et l’esprit. De fait découle une question qui est intéressante à se poser : l’esprit s’oppose-t-il à la matière ? L’esprit s’élève-t-il contre la matière, est-il supérieur à la matière ? Il est vrai que l’esprit est le support de la pensée, c’est grâce à elle que nous existons pour nous même et pour le Monde car comme l’affirmait Descartes en tant que résultat du doute méthodique <>. L’esprit joue donc le rôle primordial qui nous constitue en tant qu’individu cependant, la matière est elle aussi très importante car elle permet de rendre réelles les pensées qui sont présentes dans notre esprit. La difficulté est donc de savoir si l’esprit s’oppose vraiment à la matière ou bien au contraire ne serait-ce pas plutôt la matière qui devrait s’élever à un rang supérieur à l’esprit ? Il s’agira pour répondre à cette question complexe de montrer dans un premier temps que la matière s’oppose à l’esprit. Il s’agira dans un second temps de montrer que l’esprit s’oppose à la matière. Enfin pour finir, il s’agira dans un dernier temps de montrer que finalement esprit et matière se complètent.

Il est propre à l’Homme de rechercher de la satisfaction pour être heureux. Pour ce faire, il recherche une satisfaction découlant de l’assouvissement de désirs. Dans les démocraties modernes, où l’on observe ‘’ le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple’ ’selon la célèbre phrase d’Abraham Lincoln,  les individus courent après les jouissances matérielles c’est-à-dire les objets permettant d’assouvir les désirs des gens du peuple. C’est ce qu’indique cet extrait de De la Démocratie en Amérique écrit par Alexis de Tocqueville «Ainsi, les hommes des temps démocratiques ont besoin d’être libres, afin de se procurer plus aisément les jouissances matérielles après lesquelles ils soupirent sans cesse »  Ces jouissances matérielles ne peuvent exister sans la matière, présente dans la nature et autour de nous. Si un tel homme aurait comme désir d’écrire sur une feuille de papier, il ne pourrait le faire qu’en se procurant du papier, en transformant l’écorce d’un arbre en papier. Il pourrait ainsi jouir de la satisfaction d’écrire sur cette fameuse feuille de papier, jouissance qui n’aurait pas été possible sans la matière issue de la nature.

De plus la matière est essentielle à l’apparition d’expériences sensibles. En effet il faut un corps pour ressentir le goût, le toucher, l’ouïe, la vue et l’odorat mais il faut également un environnement constitué par la matière. Les expériences sensibles représentent donc nos perceptions, notre rapport au monde grâce à notre corps. C’est selon ce concept des perceptions que David Hume expose sa théorie de la primordialité de la matière au détriment de l’esprit ; sa théorie stipule que l’esprit n’existe que s’il y a des perceptions. En effet selon lui, toute connaissance commence par les perceptions même la conscience de soi. Plus nous vivons d’expériences et plus nous prenons connaissance du monde qui nous entoure ainsi que de nous-même. Prenons l’exemple d’un enfant par exemple. Toutes les connaissances qu’il acquiert au fil de sa croissance ne lui viennent que de ses perceptions il ne peut pas se servir de son esprit pour se rendre compte qu’il existe en tant qu’individu car il n’a pas encore la possibilité ou la capacité de douter et donc de se rendre compte qu’il ne peut pas douter de sa propre pensée puisque seules les objets, autour de lui l’intéressent, les choses qu’il peut toucher, sentir etc lui font prendre conscience de son existence et d’être un être à part entière, c’est ainsi qu’il acquiert de la  connaissance. C’est cette connaissance empirique qui lui permettra de développer son imagination, cette capacité de l’esprit à produire et reproduire des images enfouies dans la mémoire grâce aux perceptions. Il développera également son esprit et donc sa pensée qui lui permettra de réfléchir, de penser, de douter de nier mais aussi de  créer.

C’est aussi dans la création que la matière prime sur l’esprit. Celle-ci permet de rendre réelles nos pensées qui sont abstraites. C’est dans un extrait de son œuvre La conscience de la vie qu’Henri Bergson explique cela. Une pensée n’est autre qu’un ensemble d’éléments ou une unité qui sont totalement flous et confus. La matière permet donc de rendre les idées claires car prenons l’exemple de l’extrait, si nous mettons sur papier les idées que nous avons dans la tête, cela permet de les classer, les ranger ou les organiser. La matière permet donc de diviser les idées en groupes et ainsi de préciser la pensée. Il a donc fallu utiliser de la matière ici du papier et un crayon mais aussi les mouvements de notre poignet et de nos doigts pour écrire. De plus la matière à elle seule rend possible l’effort nous permettant donc dans cet exemple de coucher sur le papier les idées que nous avions à l’esprit. Cet effort rendu possible grâce à la matière permet de tirer de nous-même beaucoup plus que ce que nous pensions c’est-à-dire une véritable pensée claire au lieu d’ idées complètement confuses dans notre esprit auparavant. La matière est donc stimulante, elle permet de rendre compte de notre force pour créer d’une idée abstraite une réalité et elle en garde l’empreinte par la chose qui a été créée. Elle est un instrument comme ici la feuille de papier le crayon ou notre poignet, le stimulant lorsque nous voyons notre création qui prend forme mais aussi un obstacle car nous ne savons pas forcement au départ comment s’en servir pour rendre notre pensée claire et réaliste.

Cependant ce corps que nous utilisons pour rendre claire notre pensée est un frein à l’activité de notre esprit. En effet et comme le montre un extrait de Phédon écrit par Platon, notre corps empêche notre esprit de penser, c’est l’outil qui concrétise notre pensée mais c’est également un frein à cette activité. Notre corps est une substance matérielle dont nous avons besoin au cours de notre vie mais il est une source de distraction pour l’esprit. Il faut s’occuper de son corps en lui apportant tous les nutriments dont il a besoin pour fonctionner avec la nourriture, l’hydrater avec la boisson, le maintenir en forme grâce au sport ainsi que de le maintenir en santé grâce à la médication. Toutes ces activités sont du temps perdu pour réfléchir, philosopher et donc rechercher la vérité absolue, le vrai .La matière en prenant la place dominante face à l’esprit lui empêche donc de faire son travail.  Il serait donc plus judicieux de ne pas penser que la matière à la place dominante face à l’esprit  comme le préconise Platon. Il faudrait alors se demander si l’esprit peut alors s’opposer à la matière pour se retrouver vraiment seule avec lui-même et ainsi trouver la sagesse et se servir de ses facultés comme la raison.

...