«L'HOMME PEUT-IL ÉCHAPPER À L'IRRATIONNEL?»

D'emblée, on reconnait René Descartes pour être le premier à adopter une philosophie moderne, dans le mesure où il propose l'utilisation d'une méthode fondée essentiellement sur le doute visant la certitude, soit le cogito ergo sum. «Je pense donc je suis» devient le premier principe de philosophie puisque l'essence de l'homme, affirme Descartes, «n'est que de penser». En effet, seule la conscience semble avoir résisté au doute méthodique cartésien et ainsi, est devenue le fondement sur lequel s'édifie l'ensemble du savoir et de la connaissance. C'est cette même conscience qui distingue l'être humain de toutes les autres espèces. Toujours selon Descartes, seule la conscience existe chez l'être humain. Néanmoins, Freud estime que le monde de l'inconscient est bel et bien présent et possède davantage d'influence que celui de l'univers rationnel. Est-il possible que l'Homme moderne soit tout autant un être irrationnel qu'un être cartésien ? Ou alors existe-il une manière de tout connaître en se servant uniquement de la raison ? Dans tous les cas, l'homme peut-il réellement échapper à l'irrationnel?

Pour commencer, la théorie freudienne semble avoir violemment déstabilisé la théorie de Descartes avec l'avènement inattendue du concept de l'inconscient et son influence majeure sur l'humain. Freud définit l'inconscient comme étant «l'ensemble des faits psychiques qui échappent à la conscience, dont la personne ne se rend pas compte, mais qui influence le comportement» ou encore par le «siège des pulsions et des désirs qui ne sont jamais parvenus à la conscience ou qui ont été refoulés». Certes, l'homme est un être conscient et rationnel, mais il s'avère tout autant capable de nager à l'intérieur de ces eaux interdites et inconnues que représentent l'inconscient. D'ailleurs, Pascal affirme: «la dernière démarche de la raison est de reconnaître qu'il y a une infinité de choses qui la surpassent». Comme tout ne peut être expliquer par la raison, l'homme ne peut être considéré comme étant cette vulgaire essence qui le réduit au monde de la logique et de la science. Comme le soulève Kant, il est impossible de tout connaître par la simple voie de la raison puisque celle-ci possède ses propres limites et donc, le droit à l'erreur. Il y a des phénomènes qu'elle ne sait expliquer et qui échappent au rationalisme cartésien, comme par exemple la métaphysique de l'âme. En effet, l'inconscient est également l'un de ces phénomènes. Il stigmatise les pulsions, désirs et passions de l'Homme tout en le poursuivant jour et nuit. Que ce soit par la manifestation de lapsus, d'actes manqués ou bien de rêves étranges, l'inconscient poursuit l'être humain et ainsi, l'empêche d'échapper à l'irrationnel. Mais quel effet a cet inconscient sur l'espèce humaine? Lors du siècle des Lumières, que l'on appelle communément «le triomphe du rationalisme», existe un philosophe qui s'est opposé férocement contre l'usage abusif de cette raison qui supposément serait la seule capable de mener au savoir: Rousseau. Selon lui, l'humain n'aurait pas atteint sa perfectibilité avec l'avènement de la science et le règne du rationalisme. D'ailleurs, ce dernier déclare fermement que «la fureur du savoir est plus dangereuse que l'ignorance». Parce que l'Homme semble souffrir de cette «fureur du savoir», il ne se sert pas toujours convenablement de la raison, et souvent, à des fins qui ne sont pas toujours éthiques. Parfois, il est capable de commettre des atrocités. Dans certains cas, il peut par exemple, à l'aide de ses connaissances scientifiques, confectionner des explosifs et ainsi assassiner un amas d'autres hommes. Même si l'être humain possède un esprit rationnel, il peut se démontrer également irrationnel du point de vue éthique lorsqu'il utilise cette raison de manière instrumentale et ainsi, l'Homme ne peut échapper à sa propre perversion.

Alors que plusieurs philosophes soutiennent la théorie freudienne de l'inconscient, plusieurs autres, tels qu'Aristote et Descartes, maintiennent leurs points de vue au sujet du rationalisme. Ils affirment qu'il existe bel et bien un moyen d'accéder, avec la raison, au savoir et à la connaissance absolue. Ces derniers soutiennent que cette raison est source d'unité, tandis que l'irrationnel, lui, divise. En ce sens, le rationnel éclaire les esprits en étudiant les sujets de manière cohérente et claire. Il rassemble également les hommes capables d'en faire l'exercice ensemble et ainsi, d'arriver à une certitude partagée. La seule manière possible de connaître, souligne Descartes, est par la raison, mais elle seule ne suffit effectivement pas, il lui faut un mode d'emploi. Celui de Descartes inclue les règles de l'évidence, de l'analyse, de la synthèse et enfin, du dénombrement.

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