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L'état de nature chez Kant

Commentaire de texte : L'état de nature chez Kant. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  2 Janvier 2022  •  Commentaire de texte  •  2 084 Mots (9 Pages)  •  939 Vues

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Gillier Matheo

Commentaire de texte sur Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Cinquième Proposition

Dans cette Cinquième proposition, Kant déballe un raisonnement qui vise à faire comprendre une idée simple : c’est la nature de l’homme qui nous porte vers une plus grande liberté en nous contraignant à nous unir, et non pas une décision rationnelle de vie commune. La question que Kant se pose est celle des conditions de possibilité de la liberté de l’homme, et donc de son épanouissement. L’homme, avant même d’être un être doué de raison ou capable de morale, est un animal vivant dans un état de nature. La nature de l’homme comporte alors des passions égoïstes qui le font être dans un état de détresse, mais qui le poussent au même temps à sortir de cet état nuisible et peu propice au « développement de toutes ses dispositions ». La thèse Kantienne repose donc sur la contradiction suivante : l’homme par nature échappe à sa nature pour s’intégrer et coopérer avec le reste des hommes, ce qui lui permet donc d’être libre sous condition que cette même liberté soit régie par un pouvoir public et « irrésistible ». La nature, non pas la raison, mène l’homme presque mécaniquement à se doter d’une constitution civile, à se munir de lois extérieures contraignantes et impersonnelles qui lui permettent de vivre librement en société. Les passions humaines poussent donc l’homme à former une communauté avec ses semblables, mais la rivalité, la jalousie, la convoitise ou la haine de l’état de nature ne sont pas effacées pour autant. Kant explique que cette « insociable sociabilité » qui pousse à former une société n’est pas suffisante, la liberté sans règles extérieures à nous mêmes et universelles n’ayant presque pas d’intérêt. Cette société serait toujours menacée, donc la nature opère alors le deuxième mouvement, qui est celui qui instaure des règles et des lois qui, selon la philosophie de l’histoire de Kant, poussent vers chaque fois plus de progrès et donc de liberté. L’homme est porté naturellement vers le progrès et l’émancipation (nous pouvons donc comprendre que la liberté d’expression ou d’association étaient inévitables pour Kant). La volonté humaine n’a rien à faire dans l’histoire des hommes, ce n’est que par nature et passion que l’homme avance vers plus de Justice ou vers une plus grande Égalité. Kant ajoute à ce cercle vertueux la dernière pièce : l’homme, en se dotant d’une société régie par des lois, contribue à crée une culture et à s’éduquer moralement. L’homme est forcé à se discipliner et à crée une communauté juridique parce qu’il est naturellement égoïste et que sa rivalité avec autrui le pousse à vouloir faire le meilleur justement pour le dépasser. C’est cette rivalité naturelle qui paradoxalement mène à la société civile et fait progresser l’homme vers une plus grande liberté. L’intérêt est donc ici de comprendre comment est ce que Kant déploie logiquement l’explication d’une nature qui au même temps qu’elle peut nous être fatale, est le germe de la liberté humaine. Cette Cinquième proposition est extraite de l’ouvrage Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique publié en 1784. Il s’inscrit plus précisément dans le mouvement des Lumières

ou Aufklarung, qui cherche notamment à émanciper l’homme de ses tutelles traditionnelles (absolutisme juridique, religion). Elle occupe une place importante dans l’œuvre et la postérité de Kant.

Dans une première partie, qui s’étend de la première à la 17ème ligne, nous verrons comment Kant dépeint le caractère contraignant et donc contradictoire de la nature humaine. Dans une seconde partie, qui s’étend de la ligne 18 à la ligne 23, il sera question du malheur de l’homme dans l’état de nature, où il ne peut assouvir ses désirs égoïstes. Enfin dans une troisième partie se prolongeant de la ligne 24 à 31, nous analyserons l’idée d’un progrès possible uniquement dans le cadre de la société civile.

  1. : La possibilité de la liberté sous la contrainte des lois (Lignes 1 à 17)

Dès la première ligne, Kant écrit que « le plus grand problème pour l’espèce humaine (…) est d’atteindre une société civile administrant le droit universellement ». La société civile pour Kant n’a pas le même sens que pour Hegel : celle-ci et comprise avec l’idée d’un citoyen appartenant à une constitution, à un État défini. Les deux se confondent alors pour comprendre l’idée du droit universel : lorsque l’homme a, par nature égoïste et ne pensant qu’à ses intérêts propres, décider de former une communauté, cela reste insuffisant pour garantir le respect de la liberté de chacun. C’est

« seulement dans la société (…) celle qui offre la plus grande liberté (…) mais où cependant on rencontre la détermination et la garantie les plus strictes des limites de cette liberté afin qu’elle puisse coexister avec la liberté des autres (…) que peut être atteint dans l’humanité le dessein suprême de la nature ». La société ne produit pas la liberté toute seule, l’insociabilité naturelle, la jalousie et les passions restent. La liberté pour Kant est au même temps une limitation juridique de la liberté (entendue comme une libre utilisation des passions) sous la contrainte d’une constitution et de lois extérieures, qui nous permettront cependant de recouvrir une liberté civile, et donc de crée une culture qui nous portera à assouvir nos passions d’une autre façon. Kant écrit que « c’est pourquoi une société dans laquelle la liberté sous des lois extérieures se trouvera liée au plus haut degré possible à un pouvoir irrésistible, c’est à dire une constitution parfaitement juste, doit être pour l’espèce humaine la tâche suprême de la nature ». Il est question déjà ici de la philosophie de l’histoire qu’il développera plus bas. La nature a deux fins, qu’il appelle ici tâches : une fin intérieure, le complet développement de nos dispositions rationnelles, de nos capacités. Une fin extérieure qui est une certaine constitution politique juste et libertaire. Le « pouvoir irrésistible » est la loi que le peuple lui-même s’est fixé pour limiter et étendre sa liberté, et que donc ne saurait être

« violée » sans se violer lui-même. L’idée de nature est aussi à remarquer : la nature contraint les hommes à se soumettre au droit et finit ainsi avec la lutte anarchique des passions. Sans vraiment que l’homme ait l’intention de sortir de cet état anarchique, sa nature le pousse automatiquement à

chercher les voies par lesquelles il pourra assouvir de façon plus pérenne ses passions. Pour Kant, le droit et donc les lois sont aussi le résultat de la nature de l’homme, qui même sans avoir réfléchi au concept de justice, avait déjà des lois extérieures réglant les relations avec ses semblables. La liberté et le droit, ou encore la société elle même, sont l’effet de la nature de l’homme, et non pas d’un choix délibéré et rationnel.

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