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Corpus Hermeticum, J. van Rijckenborgh

Discours : Corpus Hermeticum, J. van Rijckenborgh. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Octobre 2017  •  Discours  •  28 865 Mots (116 Pages)  •  840 Vues

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Corpus Hermeticum

[pic 1]

J. van Rijckenborgh



Premier livre[1]

Poimandrès*

  1. Un jour que je réfléchissais aux choses essentielles et que mon cœur* s'élevait dans les hauteurs, toutes mes sensations corporelles s'engourdirent complètement comme chez celui qui, après une nourriture exagérée ou à cause d'une grande fatigue corporelle, est surpris par un profond sommeil.

  1. Il me sembla voir un être immense d'une ampleur indéterminée qui m'appela par mon nom et me dit:
  1. «Que veux-tu voir et entendre et que désires-tu apprendre et connaître dans ton coeur?»
  1. «Qui es-tu?» lui dis-je.
  1. «Je suis,» répondit-il, «Poimandrès, être souverain. Je sais ce que tu désires et je suis avec toi partout.»
  1. Je lui dis: «Je désire être instruit sur les choses essentielles, comprendre leur nature et connaître Dieu. Oh! comme je désire comprendre!»
  1. Il répondit: «Garde bien dans ta conscience ce que tu veux apprendre, et je t'instruirai.»
  1. A ces mots, il changea d'aspect et à l'instant, tout me fut découvert en un moment; j'eus une vision sans mesure; tout devint une seule lumière sereine et joyeuse, et je me réjouissais dans sa contemplation.
  1. Peu de temps après, dans une partie de cette lumière, des ténèbres effrayantes et lugubres descendirent et tournèrent en spirales sinueuses, comme un serpent. Puis ces ténèbres se transformèrent en une nature humide et indiciblement trouble d'où s'éleva une fumée comme d'un feu et produisant un bruit pareil à un gémissement indescriptible.
  1. Puis un cri fit écho, sortant de la nature humide, un appel inarticulé, que je comparai à la voix du feu, tandis que de la lumière, une Parole sainte s'étendait sur la nature et qu'un feu pur jaillissait de la nature humide, subtil, véhément et puissant.
  1. L'air, par sa légèreté, suivait le souffle igné; de la terre et de 1'eau, il s'élevait jusqu'au feu, de sorte qu'il y paraissait suspendu.
  1. La terre et 1'eau demeuraient telles quelles, étroitement mêlées, si bien qu'on ne pouvait les percevoir séparément; elles étaient continuellement mues par le souffle de la Parole qui planait au-dessus d'elles.
  1. Poimandrès me dit: «As-tu compris ce que signifie cette vision?»
  1. «Je vais l'apprendre», répondis-je.
  1. Alors il me dit: «cette lumière, c'est moi, Noûs*, ton Dieu, celui qui exista avant la nature humide issue des ténèbres. La Parole lumineuse qui émane du Noûs, c'est le Fils de Dieu».
  1. «Que signifie cela?» demandai-je.
  1. «Comprends-le, ce qui en toi voit et entend, c'est la Parole du Seigneur, et ton Noûs, c'est le Dieu-Père; ils ne sont pas séparés 1'un de 1'autre car leur unité, c'est la vie».
  1. «Je te remercie», dis-je.
  1. «Elève ton coeur vers la lumière, et connais-la.»
  1. A ces mots, il me regarda quelque temps en face de façon si pénétrante que je tremblai à son aspect.
  1. Puis, comme il releva la tête, je vis dans mon Noûs, la lumière, composée d'innombrables Puissances, devenue un monde vraiment illimité, tandis que le feu investi et subjugué par une force toute puissante était ainsi arrivé à l’équilibre.
  1. Je distinguai tout ceci dans ma vision, grâce à la parole de Poimandrès. Comme j'étais tout hors de moi, il me dit encore:
  1. «Tu as vu dans le Noûs la belle forme originelle humaine, 1'archétype, le principe originel antérieur au commencement-sans-fin.» Ainsi me parla Poimandrès.
  1. «D'où sont donc venus les éléments de la nature?» demandai-je.
  1. Il me répondit: «De la volonté de Dieu, qui, ayant reçu en elle la Parole et contemplé 1'archétype du monde dans sa beauté, façonna, selon ce modèle, un monde ordonné, de ses propres éléments et des âmes qui sont nées de lui.
  1. Le Noûs, étant masculin-féminin, et la source de la vie et de la lumière, engendra par une parole un second Noûs démiurge*, qui a façonné, en tant que Dieu du feu et du souffle, sept Gouverneurs* qui enveloppent, de leurs cercles, le monde sensible et le dirigent par ce qu'on nomme le Destin.
  1. Aussitôt la Parole de Dieu s'élança hors des éléments actifs qui se trouvent en bas vers ce pur domaine de la nature fraîchement façonnée et il s'unit au Noûs démiurge auquel il est identique.
  1. Ainsi les éléments inférieurs de la nature furent abandonnés à eux-mêmes, dépourvus de raison, devenant ainsi simple matière.
  1. Mais le Noûs démiurge, uni à la Parole, enserrant les cercles et leur imprimant une rotation rapide, mit en mouvement la marche circulaire de ses créatures, depuis un commencement indéterminé jusqu'à une fin-sans-fin, car la fin rejoint le commencement.
  1. Cette rotation des cercles engendra, selon la volonté du Noûs, des éléments déchus, des animaux sans raison (car ils n'avaient plus la Parole au milieu d'eux); l’air produisit les volatiles; l’eau, les animaux aquatiques.
  1. La terre et 1'eau avaient été séparées, selon la volonté du Noûs et la terre fit sortir de son sein les animaux qu'elle renfermait: quadrupèdes, reptiles, animaux sauvages et domestiques.
  1. Le Noûs, Père de tous les êtres, étant vie et lumière, engendra un Homme* semblable à lui dont il s'éprit comme de son propre enfant. Car 1'Homme qui reproduisait 1'image de son Père était d'une grande beauté. Dieu éprit donc en réalité de sa propre forme et lui livra toutes ses oeuvres.
  1. Mais quand 1'Homme eut observé la création que le Démiurge avait formée dans le feu, il voulut créer, à son tour, une oeuvre, et le Père le lui permit. Alors entrant dans le champ de création démiurgique où il aurait pleins pouvoirs, il observa les oeuvres de son frère et les Gouverneurs s'éprirent de lui et chacun d'eux 1'associa à son propre rang dans la hiérarchie des sphères.
  1. Alors, connaissant leur essence, et ayant obtenu part à leur nature, il voulut franchir la limite des cercles et connaître la puissance de celui qui règne sur le feu.
  1. Alors 1'Homme, ce souverain du monde des êtres à travers la force de cohésion des sphères dont il avait traversé les voiles, se montra à la nature d'en bas dans la belle forme de Dieu.
  1. Quand elle contempla celui qui avait en lui-même 1'inépuisable beauté et toutes les énergies des sept Gouverneurs unies en la forme de Dieu, la nature sourit d'amour car elle avait vu se refléter dans l’eau les traits de cette forme merveilleusement belle de 1'Homme et aperçu son ombre sur la terre.
  1. Et lui, apercevant dans l’eau de la nature le reflet de cette forme si semblable à lui, éprit d'amour pour elle et voulut habiter là. Et ce qu'il voulut, il le fit à 1'instant et il vint habiter la forme sans raison. La nature ayant reçu en elle son amant, l’étreignit tout entier et ils devinrent un, car le feu du désir était grand.
  1. Voila pourquoi, seul de toutes les créatures dans la nature, l’homme est double, à savoir mortel de par le corps* et immortel de par l’Homme essentiel.
  1. Car, bien qu'il soit immortel et souverain de toutes choses, il subit néanmoins la condition des mortels, car il est soumis au destin. Ainsi, bien que provenant d'un domaine supérieur à la force de cohésion des sphères, cette force le tient en esclavage; et quoiqu'il soit masculin-féminin parce qu'issu d'un Père masculin-féminin et quoiqu'il soit exempt de sommeil parce qu'issu d'un être exempt de sommeil, il est néanmoins vaincu par la convoitise des sens et le sommeil».
  1. Je lui dis: «ô Noûs-en-moi, je suis, moi aussi, épris de la Parole!»
  1. Poimandrès dit: «Ce que je vais te dire est le mystère resté caché jusqu'à ce jour. La nature devenue une avec 1'Homme produisit une merveille étonnante. L'Homme avait en lui, je te 1'ai dit, la nature des sept Gouverneurs, composée de feu et de souffle; la nature, elle, produisit sans délai sept hommes correspondant aux natures des sept Gouverneurs, à la fois masculins-féminins, à stature verticale.»
  1. Alors je m’écriai: «ô Poimandrès, je brûle maintenant d'un désir extraordinaire de t'entendre. Continue, je t'en prie!»
  1. «Fais donc silence», dit Poimandrès, «car je n'ai pas achevé mon premier discours!»
  1. «Je me tais», répondis-je.
  1. «Eh bien! La génération de ces sept premiers hommes eut lieu, je te le disais, de la manière suivante: la terre était la matrice, 1'eau, l'élément générateur, le feu porta à maturité le processus de formation, de l'éther*, la nature reçut le souffle de vie et engendra les corps selon la forme de l'Homme.
  1. Et l'Homme, issu de la vie et de la lumière, devint âme et esprit; la vie devint âme, la lumière devint beauté Et tous les êtres du monde sensible demeurèrent ainsi jusqu'à la fin du cycle et jusqu'au commencement des espèces.
  1. Ecoute maintenant ce que tu désirais entendre. Cette période achevée, le lien qui unissait toutes choses fut rompu par la volonté de Dieu. Car tous les animaux qui étaient, jusqu'alors, à la fois masculins-féminins furent, comme 1'homme, séparés selon ces deux genres; certains animaux devenant mâles et les autres femelles. Aussitôt Dieu exprima la parole sainte: «Croissez en accroissement et multipliez en multitude, vous tous qui avez été créés et faits. Et que celui qui possède la beauté sache qu'il est immortel et que la cause de la mort est l’amour du corps et de tout ce qui est terrestre.
  1. Dieu ayant ainsi parlé, la Providence unit les couples par le moyen du destin et de la force de cohésion des sphères et établit la génération; et tous les êtres se multiplièrent chacun selon son espèce; et celui qui s'est reconnu lui-même immortel est élu entre tous, tandis que celui qui a aimé le corps, issu de 1'erreur du désir, continue d'errer dans les ténèbres et doit souffrir 1'expérience de la mort».
  1. «Quelle est donc», m'écriai-je, «la faute si grave de ceux qui sont dans 1'ignorance, pour qu'ils soient privés de l'immortalité?»
  1. «Je crois que tu n'as pas réfléchi à ce que tu as entendu. Ne t'ai-je pas dit être attentif?»
  1. «Je réfléchis», dis-je, «et je me souviens maintenant, et je te remercie».
  1. «Si tu as réfléchi, dis-moi pourquoi méritent de mourir ceux qui sont dans la mort.»
  1. «Parce que la source d'où procède leur corps est 1'obscurité lugubre qui a produit la nature humide par quoi est constitué le corps dans le monde sensible, abreuvoir de la mort.»
  1. «Tu as bien compris. Mais pourquoi celui qui s'est reconnu lui-même, marche-t-il vers Dieu? comme le dit la Parole divine.»
  1. «Parce que», répondis-je, «le Père de toutes choses, de qui est né 1'Homme, est lumière et vie.»
  1. «Oui, lumière et vie, tel est Dieu le Père de qui est né 1'Homme. Si donc tu sais que tu procèdes de vie et de lumière et que de ces éléments tu es constitué, tu retourneras à la vie». Telles furent les paroles de Poimandrès.
  1. «Dis-moi encore, ô mon Noûs, comment irai-je à la vie? Car Dieu a dit: «Que l’homme qui possède le Noûs se connaisse lui-même.» Les hommes n'ont-ils donc pas tous le Noûs?»
  1. «Veille à ce que tu dis! Moi, Poimandrès, Noûs, je ne vais que vers ceux qui sont saints, bons, purs et miséricordieux, vers ceux qui sont pieux; ma présence leur devient une aide afin qu'ils connaissent toutes choses à 1'instant. Ils se rendent agréables au Père par leur amour, et le remercient, en filiale affection, par les chants de louanges qui lui sont dus. Avant qu'ils n'abandonnent leurs corps à la mort qui leur est propre, ils méprisent leurs sens parce qu'ils en connaissent trop bien les opérations.
  1. Oui moi, Noûs, je ne laisserai pas s'accomplir en eux les opérations du corps qui les assaillent, exerçant sur eux leurs influences. Comme Gardien des Portes, j'interdirai l'entrée aux actions mauvaises et honteuses et j'extirperai les imaginations impies.
  1. Je me tiens loin des insensés, des vicieux, des pervers, des envieux, des cupides, des meurtriers et des impies; je les livre au démon vengeur* qui fustige de tels êtres qui ont besoin de 1'aiguillon du feu, ce qui excite leurs sens et les arme ainsi davantage pour les actions impies afin d'aggraver encore leur châtiment. Aussi la convoitise de ces hommes cherche-t-elle sans cesse un plus grand assouvissement et les rend-elle furieux dans les ténèbres sans que rien puisse les rassasier; c'est en cela que réside leur torture et c'est cela qui augmente toujours plus la flamme qui les roussit.»
  1. «Tu m'as instruit sur toutes choses, comme je le désirais, ô Noûs! Mais apprends-moi encore de quelle manière se déroule le chemin vers le haut.»
  1. Poimandrès répondit: «d'abord, lors du processus de dissolution du corps matériel, celui-ci est abandonné au changement et sa forme visible disparaît; et tu abandonnes au démon* ton moi ordinaire qui désormais est hors d'action; les sens corporels retournent à leurs origines, origines auxquelles ils participeront et avec les énergies desquelles ils redeviendront un, tandis que la poussée de la passion et du désir retourne à la nature irrationnelle.
  1. Ainsi 1'homme s'élève à travers la force de cohésion des sphères; au premier cercle il abandonne la puissance de croître et de décroître; au second cercle, 1'habileté dans le mal et la ruse devenue impuissante; au troisième cercle, 1'illusion désormais sans force des désirs; au quatrième cercle, la vanité de paraître dominer, qui ne peut plus être satisfaite; au cinquième cercle, l’audace impie et 1’étourderie insolente; au sixième cercle, 1'attachement aux richesses; au septième cercle, le mensonge et ses pièges.
  1. Ainsi dépouillé de tout ce qui provient de la force de cohésion des sphères, il entre, ne possédant plus que sa puissance propre, dans la huitième nature; et il chante, avec tous les êtres présents, des hymnes à la louange du Père, et tous se réjouissent avec lui de sa présence.
  1. Devenu semblable à eux, il entend aussi certaines Puissances, se tenant au-dessus de la huitième nature, chanter ensemble des hymnes à la louange de Dieu. Et alors ils montent, en ordre précis, vers le Père, s'abandonnent aux Puissances et, devenus Puissances à leur tour, ils entrent en Dieu. Telle est la bonne fin pour tous ceux qui possèdent la Gnose*: devenir Dieu.
  1. Mais pourquoi tardes-tu maintenant? Puisque tu as reçu de moi, n’iras-tu pas vers ceux qui en sont dignes, pour leur servir de guide afin que, grâce à ta médiation, Dieu puisse sauver le genre humain?»
  1. Poimandrès, ayant ainsi parlé, se mêla, sous mes yeux, aux Puissances. Et moi, revêtu de force et instruit sur la nature de 1'univers et sur la sublime vision, je remerciai et louai le Père de toutes choses. Puis je commençai à prêcher aux hommes la beauté de la vie dirigée vers Dieu, et de la Gnose.
  1. «Ô peuples, hommes nés de la terre, qui vous êtes abandonnés à l'ivresse et au sommeil et à l'ignorance de Dieu, devenez sobres, cessez de vous vautrer dans la débauche, ensorcelés que vous êtes par un sommeil animal».
  1. Eux, quand ils m'entendirent, se joignirent à moi. Et je poursuivis: «O vous, nés de la terre, pourquoi êtes-vous livrés à la mort, alors que vous avez puissance de participer à l'immortalité? Repentez-vous, vous qui marchez dans l’erreur et avez accepté pour guide 1'ignorance. Libérez-vous de la lumière ténébreuse et prenez part à l'immortalité, en renonçant pour toujours à la corruption.»
  1. Quelques-uns se moquèrent de moi et s'en allèrent, car ils se trouvaient sur le chemin de la mort. Mais d'autres, s'agenouillant devant moi, me suppliaient de les instruire. Je les relevai et je me fis un guide du genre humain, en leur apprenant de quelle manière ils seraient sauvés. Et je semai en eux les paroles de sagesse et ils furent nourris de 1'eau de l'immortalité.
  1. Le soir venu et la lumière du soleil presque disparue, je les invitai à remercier Dieu. Et, ayant accompli cette action de grâces, tous s'en retournèrent vers leurs foyers.
  1. Quant à moi, j'écrivis en moi-même les bienfaits de Poimandrès et, en étant rempli, une joie suprême descendit sur moi. Car le sommeil du corps était devenu la lucidité de 1'âme; 1'occlusion des yeux, la contemplation véritable; le silence me devint une gestation du bien; 1'énoncé de la Parole, l’oeuvre fructueuse du salut. Tout ceci me vint parce que j'avais reçu de Poimandrès, de mon Noûs, de 1'Etre qui est par lui-même, la Parole du Commencement. C'est ainsi que je suis maintenant rempli du souffle divin de la vérité. Aussi adressai-je, de toute mon âme et de toutes mes forces, cet hymne de louange à Dieu le Père:
  1. Saint est Dieu, le Père de toutes choses.

Saint est Dieu, dont la volonté s'accomplit par ses propres Puissances.

Saint est Dieu qui veut être connu et qui est connu de ceux qui lui appartiennent.

Tu es saint, toi qui, par la Parole, as créé tout ce qui existe.

Tu es saint, toi dont la nature universelle est 1'image.

Tu es saint, toi que la nature n'a point formé.

Tu es saint, toi qui es plus puissant que toutes puissances.

Tu es saint, toi qui es plus éminent que tout ce qui est.

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