L'identité polonaise catholique et guerrière
Dissertation : L'identité polonaise catholique et guerrière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Zitkala-Sa VonStroke • 1 Novembre 2017 • Dissertation • 2 912 Mots (12 Pages) • 741 Vues
Guerre et religion dans le sentiment national polonais
Marie De Muijlder
Lors de notre voyage en Pologne deux choses m'ont particulièrement marquée (hormis les découvertes culinaires multiples). Tout d'abord la fréquentation particulièrement assidue des églises, et la conscience aigüe de la souffrance du peuple polonais causée par les guerres. La construction de l'identité polonaise me semblait donc intrinsèquement liée à ces deux dimensions : guerrière et religieuse.
Issue d'une famille athée, j'ai toujours été fascinée par la religion, et notamment par ses églises. Nous avons débuté nos visites à Cracovie un dimanche et, afin de suivre le programme élaboré par nos camarades, il nous a fallu feindre d'assister à la messe pour entrer dans les édifices dont l'intérieur méritait d'être vu. Tout d'abord à la Basilique de Sainte Marie dans la Vieille Ville (Stare Miasto), ensuite plus tard, lorsque nous avons suivi les conseils de notre guide local, Monsieur Lambert, et avons visité la superbe église des Franciscains, véritable bijou d'art nouveau. Cet édifice a été, dans les années 20, entièrement repeint de l'intérieur par les étudiants de l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Les fresques sont sublimes : florales, colorées et couvertes de motifs variés. Notons également le magnifique vitrail de Stanisław Wyspiański représentant la colère de Dieu, d'une modernité déconcertante. La justesse du choeur, le flamboyant des couleurs, la foule de fidèles (comprenant de nombreux enfants et jeunes) et le splendide de la décoration m'ont présenté la pratique religieuse d'une façon tout à fait neuve. Ma vision de la religion catholique, vieillotte, ennuyeuse, est, je le comprends aujourd'hui, liée à la pratique que j'ai pu observer lors de ma vie et de mes voyages. Le seul souvenir que j'avais (avant de fouler le sol polonais) d'une église pleine à craquer remontait à mon enfance lors d'un séjour en Italie.
Pour caricaturer, disons que les églises belges sont souvent portes closes ou objets de visites guidées. Sans parler des églises françaises, où la conservation du patrimoine culturel freine le maintien du lieu dans une temporalité autre que passée, et où couvrir des fresques à moitié décrépites est une hantise. Les choeurs amateurs (souvent constitués de personnes dépassant la quarantaine) chantent d'une voix mal assurée (hormis sans doute lors des fêtes les plus importantes, dans les églises les plus imposantes, en ville), avec quelques défauts de justesse, les peintures d'époque ne m'inspirent en général que l'impression d'être au musée et me poussent souvent à me demander comment il est possible de consacrer son dimanche matin à la fréquentation de ces lieux sombres. En Pologne au contraire, les églises apparaissent directement comme des lieux de vie, ou plutôt comme des lieux vivants, emplis de chants, de jeunesse, de ferveur, de manifestations intenses de la foi. Les confessionnaux sont utilisés, les fidèles se signent et s'agenouillent, parés de leurs vêtements du dimanche. J'avais presque envie d'en être (tout du moins de m'y attarder) ! Tout à coup je comprenais la force de la religion, la fascination éprouvée dans ces lieux grandioses, à l'acoustique étudiée, au faste et la forte fréquentation. L'envie d'appartenir ou de s'identifier à la communauté catholique prenait sens. Je me suis alors posé des questions. Pourquoi la Pologne est-elle si catholique ? Est-ce un stéréotype que ma courte expérience tend à confirmer ou une réalité nationale ? Le débat sur la révocation du droit à l'avortement pour les femmes victimes de viol battant son plein au moment de notre voyage, ces interrogations étaient essentielles pour mieux comprendre les mentalités dans ce pays inconnu. À deux reprises, j'entendis dire que les Polonais ont surtout pour coutume de montrer ostensiblement leur foi par des signes extérieurs (comme le fait de se signer, ou d'être présent à la messe) mais que les convictions religieuses ne sont pas aussi ancrées que cela dans la vie quotidienne. Malgré donc cette apparente dévotion, les jeunes filles ne se promènent pas toutes en jupes longues ou ne sont pas toutes contre l'avortement. Mais passons au-delà de ces discussions informelles pour mieux comprendre la place de la religion dans le sentiment national polonais.
De par sa situation géographique, la Pologne peut être perçue comme un bastion catholique au milieu d'autres confessions (en raison sans doute de la non-continuité du territoire catholique, situation qui l'oppose par exemple à celle de la France, l'Italie, l'Espagne, etc.) D'un côté la Prusse (plus tard l'Allemagne), protestante, et de l'autre la Russie, orthodoxe, et non-loin (à une certaine époque), les Ottomans musulmans et les Tatares de l'Est. Prise en sandwich entre ces Empires (plus tard, grandes nations), elle a également été pendant longtemps le plus grand foyer de la communauté juive d'Europe (la visite du quartier de Kazimierz donne à ce propos une idée de la proportion de la population citadine de juifs dans les environs de Cracovie avant 1945). Mais la proportion de catholiques en Pologne n'a jamais été si grande qu'après la Seconde Guerre mondiale.
L'épuration ethnique ayant eu lieu durant cette période a en effet fait d'un pays multiculturel (juifs, ukrainiens, allemands, etc.) un territoire peuplé presque entièrement de Polonais catholiques. Une première dans l'histoire du pays, qui, au sortir de la guerre, se voit imposé un mode de vie athée et communiste (Davis, 1986, p. 32) !
Le deuxième jour, nous avons justement visité le quartier de Nowa Huta, construit à l'ère communiste pour les ouvriers de l'aciérie toute proche. Nous avons à nouveau visité deux églises. La première était vide (et ancienne), nous avons pu nous y promener sans gêne. J'ai encore une fois été ravie par les fresques florales très colorées qui en ornaient les murs. La boutique accolée à l'édifice donnait une place importante à Jean-Paul II (Karol Wojtyła), pape né en Pologne, et dont le souvenir nous accompagna tout au long du voyage. Nous comprendrons plus tard pourquoi cette personnalité catholique jouit d'une aura si forte à travers le pays. Nous avons par contre à nouveau perturbé l'office dans la seconde église, elle aussi affublée d'un hommage à Jean-Paul II, immortalisé en une statue à l'entrée du lieu (la plus grande statue de Jean-Paul II se trouve ailleurs en Pologne à XXX et a été réalisée en XXX par XXX, un court-métrage a été consacré à sa réalisation). Connue sous le nom d'« Arche du Seigneur », d'un tout autre genre, moderne, immense, cette église fut construite par les habitants des environs. Pendant vingt ans, les ouvriers de Nowa Huta, sur leur temps libre, l'ont financée et construite sans aucun soutien du régime communiste, qui, comme on le sait, était opposé à toute forme de pratique religieuse (Davis, 1986, p. 32, 33). Les vitraux intérieurs représentant le chemin de croix du Christ sont d'ailleurs réalisés dans un style tout à fait surprenant puisque le décor ne montre pas du tout Jérusalem mais bien la Pologne, et les personnages représentés ressemblent également à des ouvriers. La ferveur des habitants de Nowa Huta s'est donc transformée en cet immense édifice, fait de galets, et dont la forme d'arche n'est pas sans rappeler la fonction de refuge. Mais pourquoi se réfugier dans la religion ? Dans les églises ? Pourquoi ce symbole n'est-il pas anodin ?
...