Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne
Fiche : Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Alexandre Vaquez • 26 Juin 2018 • Fiche • 1 128 Mots (5 Pages) • 4 479 Vues
[L.A. 1] Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne
Texte 1 : Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne (1756)[pic 1]
O malheureux mortels ! ô terre déplorable !
O de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : « Tout est bien » ;
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous : « C’est l’effet des éternelles lois
Qui d’un Dieu libre et bon nécessitent le choix » ?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
« Dieu s’est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes » ?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?
Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ?
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris.
Tranquilles spectateurs, intrépides esprits,
De vos frères mourants contemplant les naufrages,
Vous recherchez en paix les causes des orages :
Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups,
Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.
Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes
Ma plainte est innocente et mes cris légitimes.
Contexte
François-Marie Arouet, dit Voltaire, né le 21 novembre 1694 à Paris et mort dans sa ville natale le 30 mai 1778, est un écrivain et philosophe des lumières.
- Ses œuvres principales sont : Candide ou l’optimisme (1759), Dictionnaire philosophique (1764), L’Ingénu (1767), Lettres philosophiques (1734).
- Anticlérical mais déiste
- Voltaire met sa notoriété au service de victimes de l’injustice religieuse et arbitraire
- Le poème exprime son émotion devant le désastre du tremblement de terre de Lisbonne et ses doutes sur les justifications par les philosophes optimistes tels que Leibniz ou Wolff.
- Le tremblement de Lisbonne eu lieu le 1er novembre 1755 et fut entre 30 000 et 60 000 morts à cause des tsunamis et incendies qui suivit.
Genre/registre
- Poésie
- Pathétique (limite du tragique), Polémique
Plan
- « O malheureux mortels ! […] leurs cendres fumantes, » : description du désastre, pathétique, hypotypose (description réaliste, animée et frappante de la scène), sentiments du lecteurs sollicité (compassion, horreur) : Tristesse de Voltaire
- « Direz-vous : […] mes cris légitimes. » : passage au débat, polémique, critique les optimistes : Pensées de Voltaire
Syntaxe = Chaos
- Titre « Poème sur le désastre de Lisbonne » évoque la première partie pathétique mais le débat n’est pas mentionné
- 3 premier vers (présence de « Ô » invocateurs typiques du pathétique voir tragique, 4 phrases exclamatives pour 3 vers : souffrance morale de l’auteur et besoin de pitié ; rythme V.1 6//6 composé de 2 hémistiches de 6 syllabes, V.2 12 syllabes sans césure : changement de rythme = chaos, détresse
- Enumération en gradation de l’horreur (« sanglants, déchirés, et palpitants encore, Enterrés » : mise en scène pathétique
- Inversion humain/minéral (Paronomase : utiliser des paronymes de façon rapprochée « ces marbres rompus ces membres dispersés » : rassemblement et mélange dans le chaos
- Anaphore « ces » évite d'entrer dans le détail et le lecteur doit imaginer les scènes affreuses
- « enterrés sous leur toit » reprend une phobie de Voltaire : la peur de l'écrasement, de l'étouffement.
- Impression de nombre (hyperbole « cent milles infortunés que la Terre dévore », « ces femmes et enfants l’un sur l’autres entassés » : nombre si grand et des corps sont à perte de vue : cataclysme)
- Mise en relation de « aux cris demi-formés » des victimes avec « mes cris légitimes » de Voltaire : L’auteur pousse les cris que les victimes n’ont pas pu exprimer.
- Cinq sens présents (ouïe « aux cris demi-formés de leur voix expirantes », vue « contemplez ces ruines affreuses », le touché « quand sentez les coups », l’odorat implicite « leurs cendres fumantes » et le goût antithèse « plongés dans les délices ? Lisbonne est abimée) : Tout est touché
- Antithèse des rimes « entassés » ≠ « dispersés » : chaos
Pathétique impressionnant
- Champ lexical de la souffrance physique (« membres dispersés » « sanglants, déchirés » : horreur et atrocité)
- Vocabulaire tragique : mise en scène de la douleur
- Personnification de La Terre plus puissante que les hommes (« la terre dévore ») cruauté et impuissance (monstre) : tragique
- Trace de vie encore présente (« voix expirantes » « cris demi-formés » espoirs vains mais humain : pathétique
- Verbes de spectacles (« contemplez », « spectacles » : invitation au lecteur à prendre part à la tristesse)
- Présence de femmes et enfants : tous concernés (même innocents)
La critique de l’auteur
- Interlocuteur (« Philosophes trompés », représentants de la religion : fabrication d’un dialogue à l’intérieur du poème)
- Anaphore (« direz-vous » : échange de répliques dans les poème)
- Voltaire expose les arguments de ses opposants puis les réfute contre les croyants (arg1 « Dieu libre et bon » ne va pas avec le désastre les lois, la nécessité ; « Dieu s’est vengé » ne va pas avec « on danse à Paris » comment expliquer que d'autres villes comme " Paris " ou " Londres " aient été épargnées : 2 contradictions exposés par Voltaire
- Contre les contemporains (métonymies « Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris. » : accuse d’ignorance)
- Contre les savants (expression ironique « intrépides esprits » : accusé d’être plus prétentieux plutôt que courageux)
- Contre la théorie de Leibniz qui veut que tout soit bien dans le meilleur des mondes (« Philosophes trompés » « Trompés » semble davantage signifier « trompeur » : implicite)
- Interrogations rhétoriques (« Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? », « Lisbonne [...] les délices ? » : donner raison à ses arguments (CONVAINCRE)
- Métaphore filée (« plongés », « abîmée », « naufrages » : donner plus de poids à l’antithèse entre Paris et Lisbonne.
- Utilisation de la poésie : frapper le lecteur par une dramatisation rythmée qui possède plus d’impact qu’un récit en prose.
- PERSUADER (registre tragique dans l’argumentation « victimes », « morts », « écrasés et sanglants »)
- Opposition (pronoms « vous » et « nous » : la différence avec les philosophes car eux ne sont compatissants que « quand ils sentent les coups »)
Questions probables
- Comment Voltaire met-il l’écriture au service d’une réflexion sur la condition humaine ?
- En quoi l’écriture politique est-elle utile pour débattre sur les problèmes soulevés par le désastre ?
I Pathétique
- Emouvoir les gens
- Raconter la scène
- Limite du tragique
II Denonce
- Contemporain
- Clergé
- Philosophes
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