Un barage contre le Pacifique, Marguerite Duras
Commentaire de texte : Un barage contre le Pacifique, Marguerite Duras. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anne2776 • 20 Juin 2018 • Commentaire de texte • 909 Mots (4 Pages) • 810 Vues
Marguerite Duras, écrivain primée au Goncourt, mais aussi scénariste et réalisatrice, a publié en 1951 le roman d’inspiration autobiographique Un barrage contre le Pacifique.
Dans l’extrait qui nous est proposé, l’auteur évoque l’errance de Suzanne, un des principaux personnages du roman, perdue dans les quartiers d’une ville indochinoise dans les années 1920. Alors qu’elle recherche son frère ainé Joseph, la jeune fille se hasarde dans un cinéma et assiste à la projection d’un film romantique.
Pour parler de cette expérience heureuse, nous verrons d’abord en quoi la salle de cinéma est perçue ici comme un lieu de bonheur propice à l’enchantement. Nous verrons ensuite comment l’installation d’un univers fictif par le biais du film, peut également générer du bonheur.
L’entrée dans la salle de cinéma procure instantanément chez Suzanne un sentiment de bonheur (« Suzanne se sentit désormais invisible, invincible et se mit à pleurer de bonheur »). Dans l’extrait, l’auteur n’offre pas une description détaillée de la salle de cinéma mais donne simplement quelques éléments d’ambiance faisant appel aux sens : on sait que le piano joue et que la lumière est éteinte (l4). Le changement de fond sonore ainsi que la variété d’intensité lumineuse symbolisent la rupture avec le quotidien. Suzanne qui mène habituellement une existence misérable est ainsi sortie de son univers habituel.
Pour décrire l’atmosphère du cinéma, l’auteur utilise également des métaphores. Par exemple, « L’oasis » évoque autant l’idée d’une parenthèse heureuse rare qu’un ressourcement précieux. Le terme « nuit » est également abondamment utilisé : il est cité sept fois dans le deuxième paragraphe. Il rappelle que « la salle noire de l’après-midi » n’est qu’un moment éphémère, tout comme la nuit, et qu’il réussit à occulter pour un temps la médiocrité de l’existence (« la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs »).
L’auteur évoque enfin les bienfaits du cinéma, source de bonheur. La parenthèse de la salle noire est en effet ouverte à tous. Marguerite Duras accumule les adjectifs pour la décrire : « démocratique », « égalitaire », « consolante », « généreuse ». L’atmosphère de la salle noire permet en effet à Suzanne d’oublier sa condition sociale et sa pauvreté puisqu’ici les différences n’existent plus.
La salle de cinéma offre donc à celui qui s’y rend une parenthèse enchantée, artificielle mais efficace.
Néanmoins, le décor de la salle noire n’est là que pour mettre en condition le spectateur. Le démarrage du film va en effet permettre dans un second temps, grâce à l’installation d’un univers fictif, puis d’un processus d’identification de poursuivre l’enchantement.
Dans l’extrait qui nous est proposé, la présentation de l’univers fictif commence à la ligne douze. Les personnages clichés des films romantiques y sont présentés à travers la perception de Suzanne (« c’est une femme jeune et belle », « il est très beau l’autre », « il est très noble »). Le lieu est également issu des clichés du cinéma (« C’est au carnaval de Venise que l’amour l’attend »). L’action enfin est complètement romanesque. Le film livre au spectateur romantique ce qu’il a envie de voir (« Il dit je vous aime. Elle dit je vous aime aussi »). Aves ses phrases très courtes, Marguerite Duras semble ironiser sur le caractère très prévisible de l’histoire. Le cinéma est donc une source d’évasion pour Suzanne car il présente des personnages beaux et bons, absolument irréels, dans un cadre idyllique, aux antipodes de sa vie quotidienne.
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