Stendhal
Dissertation : Stendhal. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Selim Samour • 13 Juin 2022 • Dissertation • 3 905 Mots (16 Pages) • 336 Vues
Selim Samour—Cadiot
23/05/2022 1g3
Sujet : Un critique littéraire du XIXème siècle écrivait en 1876 dans le journal « Le courrier littéraire » : « il n’y a pas, au fond, de pire gredin que ce Julien Sorel et jamais couteau de la guillotine n’a tranché de tête moins digne de respect » Commentez un tel jugement.
Le début du XIXème siècle est dominé par le romantisme. C’est durant cette période qu’Henri Beyle, plus connu sous son nom de plume Stendhal, écrit Le Rouge et le Noir parut en 1830. Entre romantisme et réalisme Stendhal peint la société pendant la Restauration dans son roman écrit en 1830. Ce roman est centré sur Julien Sorel un jeune homme issu d’un milieu paysan. Jeune homme ambitieux, le protagoniste cherche durant tout le roman à grimper socialement. Le Rouge et le Noir, sous-titré « Chroniques de 1830 » porte un regard critique sur la société de XIXème siècle notamment à travers le personnage de Julien. En 1876, un critique littéraire écrivait dans « Le courrier Littéraire » : « il n’y a pas, au fond, de pire gredin que ce Julien Sorel et jamais couteau de la guillotine n’a tranché de tête moins digne de respect ». Écrite en 1876, cette critique intervient dans une époque où le livre joue un rôle très important. Le livre, et particulièrement le roman, connaît un essor considérable grâce aux nouveaux moyens de diffusion, notamment la publication des romans sous forme de feuilletons que sont publiés dans les journaux et très appréciés des lecteurs. Les livres sont lus, commentés, et transmettent des valeurs communes, politiques parfois. L’enjeu autour des livres est colossal, car ils ont un impact important sur l’opinion publique, ce qui explique en partie les critiques qui leurs sont faites. Le jugement porté par ce critique est très négatif et ne va que dans un sens en proclamant que le personnage inventé par Stendhal, Julien Sorel, est un des pires scélérat imaginable, mais est-ce juste ? Est-ce qu’un personnage aussi complexe que Julien ne peut être soit que mauvais ou soit au contraire que bon ? Le mot « gredin » qui prend le sens de voyou, mais aussi de gueux, peut renvoyer au milieu social d’origine du protagoniste. Le mot est fort et prouve que le critique ne remarque que les défauts de Julien. Le choix de la guillotine revient sur la mort de Julien décrite dans le roman ; le critique, contrairement à Stendhal, justifie la fin tragique du roman par les défauts de caractère de son protagoniste. On peut remarquer que l’emploi de négation et d’adverbe accentue les défauts de Julien, le critique littéraire ne nuance point son propos. Nous verrons dans un premier temps pourquoi on peut qualifier Julien est de pire gredin, puis nous nuancerons ces appréciations pour enfin porter un regard critique sur cette citation et sa dénonciation vigoureuse d’un personnage fictif.
Le regard porté par le critique n’est pas totalement faux. Julien Sorel est un personnage complexe il a plusieurs traits de caractère cruels et il est plusieurs fois un personnage porté par des valeurs qu’on peut critiquer. Poussé par son ambition, il n’hésite pas à avoir d’horribles comportements, et d’horribles pensées.
Les défauts de Julien sont en grande partie dus à son ambition sans limite. Julien est un personnage intéressé qui agit en fonction de son intérêt et son désir d’ascension sociale. C’est le cas pour ses ambitions religieuses qui sont hypocrites. Julien veut devenir prêtre uniquement pour s’élever socialement, alors que la religion est un milieu où la sincérité et la foi doivent être mis en avant. Chez Julien, c’est l’inverse, la religion sert de tremplin social. Les questions religieuses le préoccupent peu. Lorsque le roi arrive à Verrière, Julien va rencontrer l’évêque d’Agde. Durant ce passage, le héros va être impressionné par le jeune âge de cet évêque : « L’ambition réveillée par le jeune âge de l’évêque ». Lors de la cérémonie religieuse Julien ne va être obsédé que par cet évêque et le salaire qu’il reçoit: « Si jeune, pensait-il, être évêque d’Agde ! mais où est Agde ? et combien cela rapporte-t-il ? deux ou trois cent mille francs peut-être. » Toute cette scène montre le caractère intéressé de Julien. Il va jusqu’à renier ses propres valeurs et ses rêves de grandeur militaire à la vue de l’opportunité que peut lui offrir l’église : « il ne songeait plus à Napoléon et à la gloire militaire ». Un des défauts de Julien est donc son opportunisme, il veut s’élever socialement quoi qu’il en coute. Ce qui implique aussi une hypocrisie, un mensonge, un artifice social comme avec la religion. Plusieurs fois, il feint être intéressé par des domaines qui ne l’intéresse pas seulement pour réussir socialement.
Un deuxième exemple de son hypocrisie est sa fascination pour Napoléon qu’il cherche à tout prix à cacher. Il est un admirateur de l’empereur du début du XIXème siècle. Le livre qu’il « affectionne le plus » n’est autre que les le Mémorial de Sainte Hélène. Même si son admiration pour Napoléon n’est jamais remise en cause, Julien décide de la cacher de manière hypocrite pour réussir à intégrer les classes sociales supérieurs où l’empereur est mal vu. C’est le cas quand il arrive chez les Rénal et qu’il doit cacher son portrait du capitaine français. Son amour pour Napoléon n’est jamais assumé sauf devant le lecteur. Julien est aussi un personnage méprisant. Depuis son enfance, lui-même méprisé par son père puis par les riches, il est aussi un personnage peu aimant qui à son tour, méprise la plupart des personnes qu’il connaît. C’est le cas quand sur un roc, il rêve de sa destinée et nous décrit son mépris pour « tous les riches ». Julien ressent même à plusieurs reprises de la « haine » pour les riches et la haute société : « il n’éprouvait que haine et horreur pour la haute société ». C’est aussi un personnage inquiet qui dans un milieu qu’il appréhende, ne ressent que des mauvais sentiments. Ce mépris subit par Julien lui est par ailleurs renvoyé par le critique quand il parle de : « tête moins digne de respect ». Julien a donc plusieurs défauts moraux, il est capable de la plus grande hypocrisie pour réussir et ne ressent que des sentiments de vengeance envers la noblesse.
C’est aussi un personnage cruel capable d’atrocités même envers les personnes dont il est aimé et au fonds qu’il aime. Il est à plusieurs reprises violent avec Madame de Rénal qu’il affectionne beaucoup pourtant. C’est le cas lors de la soirée au cours de laquelle le protagoniste va approcher son seul véritable amour. Alors que madame de Rénal tombe folle amoureuse de Julien, ce dernier essaye de la séduire pour « sa gloire », donc pour lui-même et son image de soi. Tout au long de cette scène Julien se transforme en démon face à son « ennemie », comme le dit Stendhal, Julien : « l’observait (Madame de Rénal) comme un ennemi avec lequel il va falloir se battre ». C’est un conquérant et Mme de Rénal, une proie, les sentiments n’ont pas d’importance. Julien dans ce passage se transforme en monstre, en être indifférent, qui n’agit que par intérêt. Il est surtout dans cette scène un personnage violent et égoïste que ne pense pas à ce que ressent Madame de Rénal : « il étendit la main, et prit celle de Madame de Rénal, qui la retira aussitôt. Julien, sans trop savoir ce qu’il faisait, la saisit de nouveau. », l’orgueil du protagoniste l’oblige à réessayer alors que Madame de Rénal lui montre bien qu’elle ne veut pas. Julien va même jusqu’à être violent avec elle : « il la serrait (la main) avec une force convulsive ; on fit un dernier effort pour la lui ôter, mais enfin cette main lui resta. ». Il est violent à plusieurs reprises et peut se montrer sans contrôle de lui, c’est le cas dans la scène de l’épée avec Mathilde de La Mole. Dans ce passage Mathilde se joue de lui, ce qui le rend agressif et lui fait perdre son contrôle : « Il eût été le plus heureux des hommes de pouvoir la tuer. ». Alors que Mathilde le traite de « premier venu », il décide de prendre une épée suspendue au mur. Ce passage illustre bien aussi toute la violence de Julien à l’égard des deux femmes avec qui il partage sa vie dans ce livre. Mais l’acte le plus cruel et criminel de Julien est sa tentative d’assassinat de Madame de Rénal. Alors qu’il propose à Mathilde de se marier et qu’elle accepte, son père le marquis de La Mole cherche des informations à propos de Julien à Verrière. Il reçoit une lettre écrite au nom de Madame de Rénal. Furieux, Julien se rend à Verrières et tire deux coups de pistolet sur Madame de Rénal pendant une messe. Cette scène prouve la cruauté dont est capable Julien qui, pour réussir socialement, est prêt à assassiner la seule femme qu’il a aimé.
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