Rire et savoir dans Gargantua
Analyse sectorielle : Rire et savoir dans Gargantua. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar perrine1302 • 26 Décembre 2022 • Analyse sectorielle • 1 900 Mots (8 Pages) • 1 238 Vues
RABELAIS : GARGANTUA : RIRE ET SAVOIR
Gargantua est d’emblée placé sous le signe du rire. Le poème liminaire s’achève sur l’affirmation que « rire est le propre de l’homme », et le prologue invite à lire « gaiement »la suite. Dans ces deux textes, Rabelais, médecin, insiste sur le fait que le rire est bon pour le corps et favorise la santé.
Mais le rire n’a pas qu’un rôle thérapeutique : il est aussi bon pour l’esprit et favorise les vertus intellectuelles et morales. Pour Rabelais, auteur humaniste, le rire de se dissocie pas en effet de l’amour du savoir, qui élève l’âme, et de la lutte contre l’ignorance et l’obscurantisme.
I) UNE ALTERNANCE ENTRE RIRE ET SAVOIR ?
1) Une structure qui semble fondée sur l’alternance
a) Gargantua semble à première vue alterner passages comiques dépourvus de toute dimen-
sion savante et passages sérieux où le savoir est au cœur du propos.
b) Le narrateur nous raconte d’abord l’enfance de Gargantua, en multipliant les plaisanteries
obscènes sur sa naissance (chapitre 4) ou sur l’invention du torche-cul (chapitre 13), avant
de passer à des réflexions humanistes sur l’éducation.
c) Vient ensuite la guerre picrocholine, qui est une parodie de récit épique émaillée d’épisodes
grotesques, comme celui du gué de Vède où les ennemis sont noyés par l’urine de la
jument de Gargantua (chapitre 36). Lui succède la description de l’abbaye de Thélème, qui
de nouveau propose une méditation sérieuse sur les valeurs morales et religieuses.
2) Un comique en apparence gratuit
a) Le comique peut ainsi paraître gratuit et n’apporter aucun savoir. C’est le cas toutes les fois
où Rabelais joue avec la disproportion entre les géants et les êtres humains. Les 17 900
vaches nécessaires pour fournir le lait de Gargantua (chapitre 7) ou bien les mésaventures
des pèlerins avalés avec la salade puis recrachés (chapitre 38) n’ont a priori qu’une
fonction comique dépourvue d’enjeu.
b) S’inscrivent dans cette esthétique de la démesure les nombreuses listes émaillant le récit :
activités de l’enfant au chapitre 11, variété de torche-cul au chapitre 13, jeux au chapitre
22. De telles listes interrompent l’action, sans apporter de véritable savoir. Elles servent
uniquement à jouer avec les mots, même si elles font parfois allusion à des paroles
savantes, comme les propos des « Bien-Ivres » dans le chapitre 5.
3) Une réflexion sur le savoir en apparence sérieuse
a) Le savoir, lui, semble réservé aux passages sérieux du roman. Dans ces passages, les géants
semblent d’ailleurs cesser d’être des géants. Par exemple, au chapitre 45, tout se passe
comme si Grandgousier et ses semblables prenaient d’un seul coup taille humaine pour
s’adresser d’égal à égal aux pèlerins et délivrer une longue tirade contre le culte des saints.
Les géants sont humanisés quand ils soutiennent des discours humanistes. Ainsi Gargantua,
en-dehors des chapitres sur son enfance, le vol des cloches de Notre-Dame, la bataille du
gué de Vède ou le premier épisode des pèlerins, se comporte comme un prince humaniste
servant de modèle aux autres hommes.
II) RIRE ET SAVOIR : DEUX ATTITUDES INDISSOCIABLES
1) La parodie au service d’un idéal de sagesse
a) Gargantua dans son ensemble est une parodie de roman de chevalerie. On y raconte l’en-
fance du héros, puis ses hauts faits d’arme. Le héros est en outre entouré de compagnons.
Eudémon, Ponocrates, Gymnaste et Frère Jean.
b) On y trouve également une série de batailles : de Frère Jean à l’abbaye de Seuilly (chapitre
27), contre les chevaliers de Tyravant (chapitre 43), contre les hommes de Tripet par
Gymnaste (chapitre 35), au gué de Vède par Gargantua (chapitre 36)
c) Il s’agit ici de parodier l’idéal chevaleresque qui glorifie la force guerrière et la brutalité
pour y opposer un idéal fondé sur l’éducation et donc sur le savoir. La parodie comique
s’associe à la promotion d’un nouvel idéal humaniste.
2) La satire des savants et la mise à distance de leur discours
a) Rabelais consacre une partie du roman à faire la satire des faux savants. Le narrateur du
roman , Alcofribas Nasier, se présente comme un historien qui aurait « chroniqué » la vie
de Gargantua. Mais, au lieu du récit généalogique attendu (chapitre 1), il nous offre des
digressions générales et le document historique se transforme en un petit livret contenant
des « fanfreluches » (chapitre 2), c’est-à-dire des paroles dépourvues de sens.
b) Les personnages de savants se succèdent au fil du roman et font tous l’objet d’une satire
mordante. Thubal Holoferne (chapitre 14) et Janotus de Bragmardo (chapitre 19)
fournissent ainsi les deux principales figures du pédant au discours absurde et creux.
3) Une érudition fondamentalement ludique
a) L’érudition déployée dans Gargantua a donc constamment une fonction ludique. Que ce
soit sur la généalogie des grands hommes (chapitre 1), la durée des grossesses (chapitre 3),
la signification des couleurs blanche et bleue (chapitres 9 et 10), il s’agit à chaque fois de
...