Médée

Nous retrouvons donc le registre lyrique à travers des passages dans lesquels elle exhibe son rôle de mère de famille et d’amante “ Jason voilà ta famille tendre et unie” et interpelle le père de ses enfants en usant de l'impératif “regarde la” afin de mieux exprimer sa passion exacerbée, violente et démesurée, propre au personnage tragique.

Le registre élégiaque est aussi perçu dans ses propos, lorsqu'elle évoque son passé de petite fille innocente et naïve qu’elle était avant que Jason ne la séduit “pense qu'il y a une petite fille exigeante et pure autrefois”

De plus, le pronom interrogatif “si” associé au conditionnel est un cri de désespoir qu’elle lance à Jason pour lui prouver sa passion dévorante mais aussi lui reprocher d’avoir oublié leur passé ensemble “puisses-tu te demander toujours si Médée n'aurait pas aimé, elle aussi, le bonheur et l'innocence”;

Paradoxalement, l'héroïne compare la petite fille d'autrefois, faible, naïve, docile et innocente à la femme forte et puissante c’est à dire “ l’autre” qu'elle est devenue “une petite Médée tendre et bâillonnée au fond de l'autre”

À côté de cela, Médée joue de la persuasion pour accabler Jason en utilisant la force de ses sentiments.

A travers une passion dévorante,toujours au conditionnel passé, elle laisse transparaître ses sentiments, dans le but de reconquérir son amant?

“ j'aurais voulu, Jason, j'aurais peut-être voulu moi aussi que cela dure et que ce soit comme dans les histoires !”.

L’héroine tragique s’exprime aussi à l’imparfait pour faire des reproches à son amant pour sa dureté, lui dire qu’elle a changé, elle n’est plus innocente et pure, lui rappelle qu’elle a été sa seule et véritable compagne de toujours et non Créuse pour laquelle il la quitte.

“pense qu’elle aura lutté toute seule, inconnue, sans une main tendue et que c’était elle, ta vraie femme !”. Cette dernière comparaison nous révèle également sa solitude alors qu’elle aime éperdument le père de ses enfants, mais qu’elle n'a jamais reçu son aide ni son soutien. Il est décrit comme indifférent, manquant d'amour pour elle.

Enfin, le retour au présent “ je veux, je veux ,en cette seconde encore aussi fort que lorsque j'étais petite, que tout soit lumière et bonté!” marque sa volonté et son fort désir de retrouver le bonheur de son passé mais aussi redevenir la femme bonne et la mère protectrice.

Médée est une héroïne tragique qui retrouve symboliquement une forme de liberté.

En effet, l'auteur décrit un personnage accablé par le destin, jouet des dieux.

Nous retrouvons un registre tragique omniprésent dans cet extrait; la situation désespérée de Médée est frappante: elle est victime de la fatalité puisque elle se positionne comme étant la proie des dieux “ gibier”; ils lui ont déjà tracé son destin depuis son enfance “J'ai l'innocence encore à égorger dans cette petite fille qui aurait tant voulu (......) Ainsi, le champ lexical du sang et des parties corporelles souligne l'horreur de l'infanticide “ égorger”; “petits morceaux tiède de moi”;”sang”

Soumise mais révoltée, elle s'adresse à eux sans crainte et reconnaît qu'elle a été choisie par eux pour accomplir les sacrifices dont ils jouissent “ Mais Médée innocente a été choisie pour être la proie et le lieu de la lutte….” Ce qui montre bien le côté fatal de son geste.

Toutefois, à travers le registre polémique avec lequel elle s’adresse à Jason et aux divinités, elle exhibe aussi sa supériorité, par l’utilisation du superlatif “plus”, par rapport au reste des mortels qu’elle qualifie de “fretin” et dont les dieux se désintéressent “D'autres, plus frêles ou plus médiocres peuvent glisser à travers les mailles (……) le fretin, les dieux l'abandonnent”. La répétition de l’apostrophe “regarde”est le sens de la vue qui provoque la souffrance de Jason, souhaité par l’héroine, lorsqu’il verra l’infanticide “

Cependant Médée est un personnage qui n'accepte aucune compromission, elle est partagée entre la souffrance et la fureur.

Les nombreuses phrases exclamatives et les injonctions qu'elle lance à Jason témoignent de sa colère démesurée, sans limites, ainsi que de sa détermination qui la pousse à commettre le crime de ses propres enfants: elle est déshumanisée.

“Ils sont morts, Jason! ils sont morts tous les deux!”

L'infanticide est suivi de son propre suicide qu’elle annonce avec la métonymie “ce même fer va me frapper”.

Un suicide qui va enfin la libérer de l’emprise de Jason. Mais auparavant, elle lui rappelle son ingratitude face à la passion qu’elle lui voue, à l’aide du parallélisme antithétique “ Je t'ai fait pleurer / je t'ai fait aimer”;et du chiasme “ je les ai posées sur ton front brûlant pour qu'elle soients fraîches et d'autres fois brûlantes sur ta peau”, figures de styles qui confirment bien le dilemme dans lequel se trouve l'héroïne.

L’emploi du passé composé, temps du bilan, témoigne qu’elle veut recouvrer sa liberté et toute sa gloire passée ( Médée est une magicienne capable d’exploits surnaturels) dans le passage “ J'ai recouvré mon sceptre, mon frère, mon père (...) toison du bélier d'or est rendue à la Colchide: j'ai retrouvé ma patrie et la virginité que tu m'avais ravies!”.

L’effet sonore est ici visible par l’allitération en “r” qui fait écho à la rage et à la fureur de Médée et l’allitération en “t” pour la notion de temps c’est à dire son passé qu’elle retrouve .

Un personnage qui, paradoxalement, redonne sa place à Jason.

La réaction de Jason

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