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Manon Lescaut: Le souper

Commentaire de texte : Manon Lescaut: Le souper. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  18 Avril 2018  •  Commentaire de texte  •  2 152 Mots (9 Pages)  •  3 106 Vues

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Dans l’extrait, tiré du roman de l’Abbé Prévost, « Manon Lescaut », des Grieux nous relate le moment suivant la découverte de la trahison de sa bien-aimée. Cet extrait est très riche et complexe et nous tenterons de découper notre analyse en nous focalisant sur trois axes principaux : la théâtralisation de l’épisode, l’analyse subjective distancée de Des Grieux et son sentiment de déni que Manon l’a trahi.

On remarque que l’extrait est découpé en trois parties distinctes comme des actes dans une pièce de théâtre. D’abord, nous assistons au sentiment de déni de des Grieux face à la découverte de s’être fait dupé. Ensuite, le narrateur essaie de comprendre le « pourquoi et comment » de l’acte de trahison. Et enfin, le narrateur nous expose au face-à-face silencieux entre les deux amants. Le fait de vouloir décrire cette scène comme au théâtre nous laisse croire qu’il ne s’agit pas de la réalité et que nous sommes confrontés à une fiction, voire une illusion. Et c’est justement ce que des Grieux avait ressenti à prime abord : il avait été tellement choqué par sa découverte qu’il s’est remis en question. De plus, tel qu’au théâtre, on remarque que la gestuelle est très présente : « je versais des larmes en descendant l’escalier », « J’entrai dans le premier café et m’y étant assis près d’une table, j’appuyai la tête […] »

En plus de ce que des Grieux ressent, soupçonne, ou interprète, on remarque que le jeu des regards occupe une place importante dans la troisième partie de l’extrait : « … je crus apercevoir de la tristesse sur le visage et dans les yeux de ma chère maîtresse. […] Je remarquai que ses regards. […] Je la regardai avec la même attention ; […] situation de mon cœur par mes regards. » Ces soi-disant regards ne sont forcément pas ce qui s’est réellement passé et il ne s’agit là que d’une perception de ce que des Grieux ressentait. Il ne dit pas « j’ai aperçu de la tristesse » ; il relate « je crus apercevoir de la tristesse sur le visage ». Était-ce donc ce que Manon ressentait réellement ? On pourrait penser qu’avec du recul, des Grieux serait plus objectif dans son histoire, mais il est évident que sa subjectivité teinte toujours son jugement. Est-ce que Manon se sentait-elle vraiment triste d’avoir trompé des Grieux ou se sentait-elle coupable qu’il avait découvert qu’elle l’avait trahi ? On pourrait espérer qu’elle pleure de tristesse comme des Grieux, mais l’on pencherait plutôt sur des larmes de culpabilité, comme un « voleur pris en flagrant délit » et qui regrette non pas son acte, mais regrette le fait de s’être fait « prendre la main dans le sac ». Mentionnons également que le regard de des Grieux est plus « actif » que celui de Manon, c’est-à-dire qu’il l’observe sous toutes ses coutures en plus d’interpréter tout ce qu’il voit ou aperçoit. Tandis que Manon est plutôt passive dans son regard ; en effet, « ses regards s'attachaient sur moi » ; elle ne fait que le fixer des yeux. Bien que la scène du souper soit silencieuse et qu’ils ne s’échangent pas de paroles, ils communiquent avec des regards. On pourrait interpréter cela comme un « dialogue de regards », tel qu’au théâtre où des acteurs s’échangent la réplique. Même si ce n’est pas expressément expliqué, l’on comprend que des Grieux fixe Manon afin de lui soutirer une explication, un aveu ou même un pardon de sa part. Tout ce qu’il aura en retour ne seront que des larmes et qui plus est, des « larmes perfides ». Des Grieux, un homme passionné, envoûté par Manon ne cesse de l’associer à des thèmes de beauté et de pureté tout au long du roman à tel point qu’il se sent coupable de penser du mal d’elle : «… que je craignais de lui faire injure en la soupçonnant », et pourtant il est intéressant de noter que pour une fois il l’associe à un terme non seulement négatif, mais presque démoniaque. En effet, « perfide » veut dire : « Qui est sournois, venimeux, fourbe », ce qui sous-entend que Manon n’est pas seulement vilaine, mais qu’elle a manigancé, calculé son geste pour blesser son soi-disant bien-aimé.

Cet extrait est dramatique et Prévost a usé de plusieurs techniques pour traduire les sentiments partagés de des Grieux. Il est partagé entre le doutes –et nombreux sont-ils- et la certitude d’avoir été trahi. Lorsqu’on parle de doute, on ne peut s’empêcher d’interpréter et c’est ce que fera des Grieux dans la plupart de cet extrait. On peut appuyer cette hypothèse qu’il ne fait qu’interpréter les sentiments de Manon (et qu’il ne la connaît donc pas si bien que cela) quand il avance « et peut-être n’avait-elle pas moins de peine à juger de la situation de mon cœur par mes regards ». Pourtant une chose est sûr, c’est que des Grieux l’aime, il en est même fou amoureux (« Je l’adorais, cela était sûr ») et c’est donc ce qui explique le fait qu’il ait du mal à croire que Manon l’ait trahi ! Dans le deuxième paragraphe, il en va jusqu’à penser que Manon aurait voulu le surprendre agréablement et que c’était son intention de tout lui avouer (« Elle s’est fait sans doute un jeu de me le cacher, pour me surprendre agréablement. »). Le fait que des Grieux utilise le futur de l’indicatif et non le conditionnel dans « cachera » et « parlerai » montre à quel point il est convaincu de l’innocence de Manon et de ses bonnes intentions et indirectement qu’il est injuste de sa part de douter de Manon. Il en va même jusqu’à espérer d’elle un aveu avant d’avoir la lourde tâche de l’accuser : « Je me retins, dans l'espérance qu'il lui arriverait peut-être de me prévenir, en m'apprenant tout ce qui s'était passé. » Il veut lui donner la chance de faire le premier pas pour ne pas avoir à « la montrer du doigt » et l’accuser. Douter d’elle c’est en fait faire affront à la pureté de sa passion envers elle. Il ne veut ni l’accuser en paroles, ni en regards ou en pensées et c’est pour cela que ses sentiments négatifs envers elle sont nuancés par des termes, tels que « croire », « penser » ou des phrases au conditionnel. Prévost a savamment fait usage de termes antithétique pour accentuer ce qu’il ressent : « Je me remplis si fortement de cette

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