L’étranger de Albert Camus
Commentaire d'oeuvre : L’étranger de Albert Camus. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar milalr • 19 Mai 2022 • Commentaire d'oeuvre • 6 278 Mots (26 Pages) • 367 Vues
L’étranger de Albert Camus
- Choix du livre :
Je l’ai lu au collège mais ne l’avais pas trouvé exceptionnel. J’ai le souvenir qu’il fut long, avec un personnage complètement retiré du monde et où j’avais du mal à m’identifier à lui puisque ce dernier paraissait absent de sa vie, ne la maitrisait pas… et cela me dérangeait (néanmoins en tant que personnage il ne la maitrise pas non plus). J’ai donc décidé de le relire, suite à ce que vous avez dit en cours mais aussi pour voir si après quelques années (et de maturité), mon regard changerait sur ce livre.
- Journal de lecture :
Le livre est composée de deux parties. C’est un début « in media res », célèbre pour sa première phrase « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut être bien hier, je ne sais plus. » témoignant déjà du caractère du personnage qui apparait tout de suite comme étranger à sa vie. En effet, le personnage est perdu dans sa vie. Face à la mort de sa mère il ne sait pas comment réagir et donc ne réagit pas, ou du moins pas comme le lecteur s’y attend (il n’exprime pas ses émotions, la perte, le vide, des pleurs ou des souvenirs qui reviennent). C’est comme si Camus dépeignait un personnage déjà mort, il ne ressent rien mais sent simplement, ne témoignant que de sensations et de ses pensées et non d’émotions. Dans la seconde partie, nous entrons bien plus dans la psychologie du personnage qui réfléchit sur sa vie, sur Marie. Cette dernière apparait beaucoup plus philosophique et nous avons l’impression de bien plus connaitre le personnage, comme si toute les barrières présentes dans la première partie (la société, la fatalité, son manque d’émotion) volaient en éclat et nous laissait enfin voir le véritable personnage, un personnage émancipé et libre.
L’écriture apparait dans le roman comme mécanisée. Il existe beaucoup de connecteurs temporels mais peu d’asyndètes, avec des actions qui se suivent sans être liées. On assiste à une succession de scènes qui n’ont parfois aucun lien entre elles. Par exemple, au début du roman, Camus passe de la scène où Meursault est dans la salle avec le cercueil de sa mère et il contemple, le couvercle, puis les frelons, ensuite il somnole et enfin le concierge raconte sa vie. Ces actions successives ne semblent pas avoir de liens et apparaissent comme accolées les unes après les autres. En général les phrases sont courtes et simples (on est très loin de Proust…) construites de manière élémentaire : sujet-verbe-complément. Le style est presque comme un télégramme où l’on ne retranscrit que les éléments essentiels (c’est aussi un clin d’œil au début du roman lorsque Meursault reçoit le télégramme annonçant le décès de sa mère). Ce style est en opposition avec celui du journal intime. Pourtant le récit est écrit à la première personne et Meursault nous livre ses pensées, brouillant alors les genres littéraires.
Le roman est d’ailleurs parsemé de réalisme confirmant que Camus tente de créer son roman en imitant le plus possible la vie et même pourrait-on dire sa vie. Plusieurs éléments ressemblent effectivement à la vie de Albert Camus :
- Une mère peu présente, effacée qui vivait avec Meursault dans son appartement avant qu’il ne la place dans l’asile car elle s’ennuyait. En parallèle, la mère de Camus, était sourde et silencieuse, douce et résignée. Catherine Camus ne s’est jamais plainte ou dit du mal de personne mais était simplement absente. Camus a donc vécu une enfance sans mère d’une certaine manière car elle s’exprimait peu et il doutait de son amour. Ainsi la mère de Meursault est une représentation de la mère de Camus.
- Camus nait à Alger, là où se situe l’intrigue du roman qui témoigne de la présence la mer, la natation, les plages, le soleil comme ce qu’a connu Camus durant son enfance. Enfance de l’auteur et vie de Meursault sont donc fortement liées.
- De plus Meursault, après la mort de sa mère, vit dans une seule pièce de l’appartement car il est oppressé par la grandeur de ce dernier, le reste est à l’abandon. Cela peut aussi être aussi lié, dans la deuxième partie du roman, au moment où Meursault séjourne dans la prison. C’est d’ailleurs en prison qu’il trouvera une paix intérieure. Cet espace réduit (la pièce de son appartement) où toutes les fonctions pour vivre sont rassemblés (table, lit, armoire, …) témoigne aussi de la vie de Camus. Sa mère vivait dans un petit appartement meublé avec le strict nécessaire : meubles pratiques pour vivre une vie simple et modeste.
- De plus, Camus provient d’une catégorie populaire ce qui se démontre dans son vocabulaire où rien n’est superflu. Son style va à l’essentiel : il est simple, direct, efficace afin de dire les choses justes et vraies. Camus a donc le souci d’imiter le plus possible la vie en la retranscrivant de manière simple. Parfois quelque chose attire notre attention dans la vie quotidienne comme le moment où il est à la fenêtre un dimanche et qu’il contemple les passants et les activités dans la rue en s’arrêtant sur le marchand de tabac en contrebas de lui ou les travailleurs qui rentre du tramways dans le chapitre II. Camus retranscrit cette scène pour témoigner du quotidien du narrateur, de son ennui s’opposant alors au genre du roman dans un certain sens car il épaissit le temps et où aucune action ne vient dynamiser l’histoire.
L’Etranger s’inscrit dans le « cycle de l’absurde » de Camus : Aucune situation ne semble plus grave ou plus importante qu’une autre. Il tue l’Arabe à cause du soleil et du couteau qu’il voit, le mariage avec Marie est sans importance et dépend de la volonté de Marie alors que pour elle le mariage est « une chose grave », il ne se rappelle pas de la date exacte de la mort de sa mère… Tous ces éléments montrent que Meursault ne hiérarchise pas les événements puisque tout est raconté sur le même ton. Ces situations apparaissent ainsi absurdes puisque dénuées de sens, étrangère au personnage, vide d’émotions. De plus son procès apparait comme complètement absurde et arbitraire comme le souligne très bien la phrase prononcée par son avocat lors de ce moment ; « voilà l’image de ce procès tout est vrai et rien n’est vrai ! ». En effet, son procès est très arbitraire, Marie alors qu’elle veut le défendre, apporte des éléments qui le compromettent encore plus notamment parce qu’elle explique que leur liaison a commencé au lendemain de la mort de sa mère. Les témoignages des personnes pour lesquelles Meursault fut compatissant (il écoutait leur problème et les aidait et c’était dans ces rares moments où le héros apparaissait humanisé) ne sont presque pas racontés et deviennent même anodins : « c’est à peine encore si on a écouté Salamano quand il a rappelé que j’avais été bon pour son chien ». Ces témoignages pourtant essentiels pour éviter son exécution, ne servent à rien et c’est en ce sens que son procès apparait absurde. Camus ne raconte que les éléments qui accusent encore plus Meursault, ne laissant apparaitre qu’une fatalité possible ; la mort du personnage. De plus cette phrase de l’avocat pourrait être repris de manière plus générale : cela pourrait désigner le roman dans son intégralité où rien n’est vrai car après tout c’est une histoire créée par Camus mais en même temps rien n’est faux puisque les éléments sont cohérents et compréhensibles et Camus tente d’être le plus réaliste possible.
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