Lorenzaccio -- Alfred de Musset
Commentaire de texte : Lorenzaccio -- Alfred de Musset. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bachoulti • 25 Juin 2016 • Commentaire de texte • 1 674 Mots (7 Pages) • 1 061 Vues
simone.piffaretti@hotmail.fr
Lorenzaccio, extrait n°1
Acte I scène 4, de « Cardinal, écoutez un peu ces messieurs qui disent… » à « Allons, allons, vous vous moquez de lui »
Lorenzo est déjà apparu de nuit I, 1 avec le Duc, scène dans laquelle il affirmait son plaisir de corrompre de jeunes filles innocentes et naïves. Ils étaient tous deux déguisés et s’apprêtaient à suborner une jeune bourgeoise (la sœur de Maffio).
I, 4 : contexte plus officiel → la scène se passe dans une cour du palais du Duc. Sire Maurice vient d’oser, contrairement au commissaire apostolique Valori, évoquer l’irritation du Pape (Paul III Farnèse) contre Lorenzo. Alexandre prend à témoin le Cardinal Cibo qui vient d’entrer, en espérant qu’il l’aidera à défendre Lorenzo. Mais celui-ci se méfie lui aussi de Lorenzo : il semble même avoir deviné ses intentions. Alexandre s’obstine à défendre son protégé, et donne un portrait de lui qui laisse apparaître à la fois son mépris et son attachement.
I. Comment se manifeste la colère du Duc ?
→ Il ne laisse guère parler ses interlocuteurs : sur les 32 lignes de l’extrait, 27 sont consacrées à son discours. De plus, Alexandre balaie les interventions du Cardinal comme erronées et même stupides.
→ Il déprécie Valori et Sire Maurice par le démonstratif « ces messieurs » (omet de mentionner leur titre alors qu’au début de la scène il s’adressait à Valori en respectant le protocole « Votre Eminence »). De plus, il n’est guère courtois de parler à la 3ème personne de gens présents.
→ Ponctuation exclamative : « Allons donc, vous me mettriez en colère !…, etc. » ( (10 points d’exclamation en 9 lignes)
→ Registre polémique :
- « Ils prétendent », ce qui signifie qu’ils ont tort.
- « Plaisantez-vous, Cardinal » : le terme de plaisanterie montre que non seulement il rejette, mais il méprise l’idée ridicule selon laquelle Lorenzo pourrait être dangereux pour lui. (cf. : « vous vous moquez de lui »)
→ Grossièreté provocatrice (il s’adresse à des ecclésiastiques) :
- Il jure : « par la mort de Dieu ! », « corps de Bacchus ! » (Bacchus : nom latin de Dionysos, dieu grec de la vigne, du vin)
- Le Cardinal a évoqué la « harangue en latin » tenue contre Lorenzo. Il y fait allusion en disant : « Que me font les discours latins et les quolibets de ma canaille ? » → La « harangue », discours solennel d’un haut personnage, est banalisée par le pluriel, et dévalorisée par la coordination avec « quolibets », qui sont au sens 1er des propos portant sur n’importe quel sujet (aujourd’hui sens courant : des plaisanteries) et surtout par le terme « canaille » désignant des gens dignes de mépris, malhonnêtes. Il s’agit d’une question rhétorique : « que me font… ? » signifiant « ces discours ne me font rien »
- Vocabulaire familier qui semble inapproprié à un homme de son rang et aux personnalités officielles qu’il a en face de lui : « fieffé poltron », « femmelette », « gratteur de papier »
II. Comment peut-on expliquer cette colère?
Elle s’explique à la fois :
A. par la volonté de puissance d’Alexandre qui veut affirmer qu’il est, en véritable tyran, seul maître à bord.
→ futur de l’indicatif « il restera ici » + 1ère personne du singulier (Reprise du pronom « j’aime Lorenzo, moi »)⇒ Il veut faire entendre que seule sa volonté compte et qu’il ne tiendra compte de rien d’autre que sa volonté propre.). Il affirme son autorité discrétionnaire, arbitraire.
→ Il ne cache même pas sa débauche. Champ lexical : « mon entremetteur », repris par « son entremise » (il insiste !), « ruffian », allusion à Bacchus.
B. par ses sentiments pour Lorenzo.
- Quel portrait Alexandre donne-t-il de Lorenzo ?
Il le décrit comme :
→ affaibli physiquement.
- Il n’est même pas un « ruffian » à part entière mais « l’ombre d’un ruffian énervé» (attention au sens d’ « énervé » ici : qui n’a pas de nerf, donc sans énergie ni force). Il reprend 2 fois ce terme « Non, non, je n’ai pas peur des ombres ».
- Les expressions « ce petit corps maigre », « ces yeux plombés », la métaphore « ce lendemain d’orgie ambulant », « ce visage morne, qui sourit quelquefois, mais qui n’a pas la force de rire » laissent imaginer l’usure du corps (réelle mais peut-être en partie feinte), une démarche traînante due aux débauches d’une nuit trop courte.
- sa faiblesse est associée à la féminité : « mains fluettes et maladives à peine assez fermes pour soutenir un éventail » → cela suggère une certaine ambiguïté dans leurs relations ( cf : « j’aime Lorenzo »). Cette dévalorisation physique n’est pas exempte de tendresse : c’est comme si Alexandre, l’homme viril, parlait d’une femme plus faible que lui mais qui a besoin de lui pour la défendre. L’accumulation des 5 groupes nominaux par lesquels Alexandre décrit Lorenzo (« ce petit corps maigre… ce visage morne ») fait sentir le plaisir qu’il éprouve à évoquer son apparence, qui le touche justement par sa faiblesse.
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