Lettre argumentative de Candide de Voltaire

Le 7 décembre 1769

         Château de Ferney Louis Rameau Maison D’édition Gallimard

9 rue Grandville Paris  

       Monsieur,

Je me permets de vous contacter pour répondre à vos interrogations au sujet du conte philosophique. Il est tout normal en tant qu’auteur de justifier mes choix auprès de mon éditeur.

  Je dénonce les obscurantismes et les fanatismes, les excès de l’injustice et de l’intolérance. Je tiens pour nécessaire la promulgation de la vérité Alors quoi de mieux que l’ironie, l’allusion, le sous-entendu, le déguisement, la supercherie, le conte. J’ai pour but de toucher le plus large public possible et le conte philosophique comme tout apologue a pour but de séduire tout en instruisant. Les dialogues, les épisodes dramatiques et le merveilleux me permettent de charmer mes lecteurs de les captiver tout en les instruisant. Un simple essai qui s’appuie sur la clarté des arguments, une thèse défendu et un discours didactique explicit n’aurait aucun impact sur le public.

 Prenons Candide ; ce conte est un voyage de pure fantaisie dont le seul but est de ridiculiser l’optimisme et de montrer l’ampleur et l’emprise du mal sur le monde. Certes à première vue ce n’est qu’une histoire fictive, comique, brève mais l’amusement provoque la réflexion. Les leçons se dégagent par elles-mêmes  à la fin de chaque chapitre, un message résonne en chaque page « cultiver votre jardin ».Il s’adresse à tous ceux qui ont pour la voir des yeux libres et perspicaces, capables de discriminer les mystifications de notre époque.

Derrière chaque péripétie des questions existentielles se dégagent. Que ce soit lors la rencontre avec l’esclave de Suriman ou le voyage en Eldorado, la réflexion critique du lecteur cherche à être éveiller. De plus le recours à la fiction permet d’exposer mes idées de les rendre plus concrètes en les attribuant à des personnages. L’optimisme, personnifié par Pargloss est tourné au ridicule. Pargloss est un personnage qui est incapable de penser par lui-même qui ne maitrise pas les théories auxquelles il adhère et est opposé au pessimisme personnifié par Martin. Tandis que Candid à travers son point du vue naïf et simplet montre les atrocités du monde : tout n’est que massacres, injustices, fanatismes religieux, intolérance, esclavage. Son évolution et son choix de vie montre qu’il faut se libérer de ses illusions pour devenir adulte, bien loin des rêves de l’Eldorado. Chaque personnage représente une vertu ou un vice tandis que chaque péripétie sert à dénoncer, ici l’illusion de l’optimisme.

J’essaye de lutter contre l’ignorance et mener un combat philosophique auprès des lecteurs y compris ceux qui cherchent l’amusement. Nous souhaitons rependre nos idées auprès du plus grand nombre or les essais ou les traités ne sont souvent lus que par une minorité. Le conte philosophique, lui est attrayant, mêlant divertissement et réflexion, il est alors plus abordable et touche un plus grands nombre de lecteurs. De plus tous les masques sont possibles dans le conte, ce genre me permet d’exprimer des idées contestataires en échappant à la censure. Vous imaginez bien qu’il m’est impossible de déclarer directement et explicitement tous les travers et les sujets aborder dans Candide. La censure m’empêche d’accuser le fanatisme religieux, l’esclavage ou encore l’absurdité de la guerre. Le conte offre un espace d’expression d’idées qui ne peuvent être exprimé de manière directe. La parodie et l’ironie sont alors mes plus grands alliés dans le conte ; la fausse logique des discours de Pangloss et la parodie du roman sentimentale et du merveilleux permettent de critiquer la société en passant par l’Eglise, la classe aristocratique et bien évidemment l’optimiste métaphysique de Leibniz.

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