Lecture linéaire. L'Ingénu, Voltaire. chapitre XIV, extrait

Lecture linéaire

Chapitre 14 « L’ingénu faisait des progrès rapides …vieux savant infortuné. »

Introduction

Situation du passage :

Arrivé à Versailles, l’ingénu n’est pas récompensé pour ses faits de guerre et il ne rencontre ni le roi, ni le ministre de la guerre. En revanche, des mésaventures l’attendent puisque deux lettres de dénonciation (celle de l’espion jésuite et celle du bailli) parviennent à Versailles. L’Ingénu est alors arrêté et jeté en prison. Il y rencontre Gordon, un janséniste, son compagnon de cellule. Grâce à ses lectures (chapitre 11) et à ses nombreuses discussions avec Gordon sur des sujets variés, il va parfaire son éducation intellectuelle.

L’extrait : Dans cet extrait du chapitre XIV, qui renferme un dialogue philosophique, Voltaire propose une réflexion sur l’éducation et la religion à propos des croyances des Jansénistes et celles des Jésuites.

Projet de lecture : Etudier sur quoi reposent les différentes critiques de Voltaire contenues dans le passage.

Objectif : Etudier les procédés de l’argumentation indirecte et directe.

Structure de l’extrait :

- 1er mouvement : « L’Ingénu faisait des progrès rapides (l.1) … elles ne sont point (l.7) ».

Le regard critique du narrateur sur l’éducation européenne en comparaison de celle de l’Ingénu.

- 2ème mouvement : « Vos persécuteurs (l.7) …infortuné » (l.17).

Un dialogue philosophique sur le thème de la religion.

- 3ème mouvement : « Tout ce que disait (l.18) … pour des chimères » (l.20).

Succès de l’argumentation de l’Ingénu.

Mouvement 1 : « L’Ingénu …elles ne sont point » (l.1 à 7)" : le regard critique sur l’éducation.

A travers les progrès intellectuels de l’Ingénu, le narrateur omniscient évoque l’évolution du Huron depuis qu’il est en prison.

L1-2 : (1ère phrase) « L’Ingénu … homme » :

- L’adjectif « rapide » (« progrès rapides », l.1) répété dans la phrase suivante (« développement rapide », l.2) montre les capacités de l’Ingénu dans l’acquisition des savoirs.

- « les sciences » évoquent des connaissances fondées sur la Raison, sur une explication rationnelle du monde, et non sur des superstitions ou des croyances. C’est sur la Raison que s’appuient les philosophes des Lumières.

- « et surtout la science de l’homme » : le narrateur insiste sur une science particulière, l’analyse et la connaissance de l’être humain, de son comportement.

L2-5 : (2ème et 3ème phrases) « La cause …préjugés » :

- Explication de l’origine de cette acquisition rapide des savoirs : deux facteurs permettent de l’expliquer : le caractère propre de l’Ingénu, sa nature (« la trempe de son âme », l.3) et la forme d’éducation qu’il a reçue dans son enfance (« son éducation sauvage », l.2-3).

- Le comparatif d’égalité « autant que » est atténué par l’adverbe « presque » : le narrateur met en avant la nature propre du Huron, sa valeur en tant qu’être humain, en employant de plus le substantif « âme ». Il rappelle ainsi les débats concernant les Indiens au XVIème siècle, notamment « la controverse de Valladolid ». En effet, les colons justifiaient l’esclavage en affirmant que les Indiens et les Africains n’avaient pas d’âme comme tout être humain et qu’ils étaient seulement supérieurs aux animaux.

- Plusieurs procédés sont employés dans ces deux phrases pour valoriser « l’éducation sauvage » opposée à l’éducation des Européens, une éducation figée dans ses idées et ses jugements.

- Le narrateur cherche à convaincre à l’aide d’un discours bien construit, s’appuyant sur la logique :

* La 1ère partie de la phrase débute par l’explication de la cause « était due » + comparatif d’égalité « autant que ».

*La 2ème partie de la phrase exprime une seconde cause avec la conjonction de coordination « car » précédée des deux-points, expliquant ce qu’il veut dire avant tout par « éducation sauvage » ; puis vient la conséquence bénéfique qu’une telle éducation entraîne : « il n’avait point appris de préjugés » (l.4).

* Le terme « sauvage » est positif. Il désigne ce qui échappe aux règles, aux idées toutes faites, ce qui est spontané, libre de toute influence.

* Le terme « préjugé » renvoie à tous les jugements préétablis, qui ne sont pas remis en cause selon Voltaire, qui sont préétablis par l’environnement social, familial, scolaire …

* Ces deux types d’éducation sont fermement opposés sous la forme d’une antithèse : « sauvage », ce qui est inné // « préjugé », ce qui est acquis.

* Le parallélisme de construction « n(e)’…rien », « n(e)’…point » insiste sur la dénonciation de l’éducation européenne dont le défaut essentiel, aux yeux de Voltaire, est d’apprendre à raisonner à partir de préjugés dès le plus jeune âge.

* L’« enfance » est le moment des découvertes, des expérimentations, du développement de l’imaginaire ; c’est un temps où les apprentissages ne sont pas encore figés par des certitudes communément admises par tous, et transmises sans discernement.

Ainsi, l’éducation sauvage est une éducation dénuée de préjugés, puisque c’est une éducation naturelle, forgée par la Nature ; c’est une éducation libre de toute influence. Et c’est ce qui fait la force de l’esprit de l’Ingénu capable ainsi d’exercer son jugement sans déformer la réalité.

L4-5 : (4èmephrase) « Son entendement …rectitude » :

Autre expression de la cause et de la conséquence sous-entendues.

- L’ « entendement » est la faculté de réfléchir, d’exercer sa raison, de comprendre.

- La métaphore « n’ayant pas

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