Lecture analytique " la courbe de tes yeux"

1. Un poème lyrique

a) Présence discrète du je

- Il s'agit bien d'un poème lyrique car on a un "je" qui s'adresse à un "tu". On peut ainsi relever les marques de la première ("mon", déterminant possessif au vers 1, "je", pronom personnel au vers 4) et de la deuxième personne ("tes", déterminant possessif qui apparaît aux vers 1, 5, 14).

- On a une présence discrète du "je", le plus souvent en position d'objet (COD) et non de sujet, comme au vers 1 où il apparaît subjugué par le regard de cette femme qui l’enveloppe: "La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur".  

b) Champ lexical de l'amour

- On retrouve dans ce poème le champ lexical de l'amour avec les mots "cœur", "douceur", "danse", "sourires", "regards" ou encore innocence".

c) La musicalité

- Cf. remarques sur les vers libres et les sonorités.

TR: Dans ce poème d'amour, le regard occupe une place particulièrement importante.

2) Le thème du regard

a) La tradition du blason

- Avec ce poème, Paul Eluard renoue avec la tradition du blason amoureux, qui consistait, à la Renaissance, à prendre comme sujet du poème une partie du corps de la femme aimée (ex: "Le Front de Maurice Scève"). Remarque pour l'entretien: il existait aussi des contre-blasons, qui n'allaient pas dans le sens de l'éloge mais dans celui du blâme (ex: "Le laid tétin" de Clément Marot...).

- Ici, le poète évoque les yeux de la femme. On le voit avec la répétition (trois fois) des mots "tes yeux" aux vers 1, 5 et 14, mais plus encore avec les images qui sont utilisées pour les décrire.

b) Les images

- On peut relever dans ce poème une métaphore filée du cercle ou de l’ellipse, qui pourrait renvoyer à la forme des yeux : « courbe », « tour » (v. 1), « rond », « danse » (v. 2), « auréole », « berceau » (v. 3), feuilles (v. 6)…

- Par ailleurs, le vers 8, « ailes couvrant le monde de lumière » fait sans doute référence aux paupières qui se ferment. Le « bateau chargé du ciel et de la mer » renvoie probablement aussi aux yeux, du fait de la forme « en amande » de la coque du bateau et de la couleur bleue du ciel et de la mer. Enfin, on peut comprendre le vers 10 comme le fait que le regard de la femme obsède littéralement (« obséder » étymologiquement = « se tenir devant ») le poète puisqu’il éloigne les bruits et fait jaillir les couleurs. Ce regard constitue donc le centre du monde pour le poète.

c) L’importance du regard de la femme aimée

- Nous pouvons interpréter les vers 4 et 5 de la façon suivante : le poète estime que tout ce qu’il a vécu loin des yeux de cette femme n’a pas compté. Il ne s’en souvient plus, il n’a pas vraiment vécu avant de la connaître.

- Les trois derniers vers nous montrent également une forte dépendance (le verbe « dépendre » est répété deux fois) à l’égard des yeux de la femme : « le monde entier dépend de tes yeux purs ». Le dernier vers accepte plusieurs interprétations : soit on comprend qu’elle fait battre son cœur en le regardant, soit on va jusqu’à dire que la vie du poète dépend du fait qu’il soit regardé ou non par cette femme.

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