Lecture analytique de Sara la baigneuse
Dissertation : Lecture analytique de Sara la baigneuse. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Rayane1S4 • 4 Janvier 2016 • Dissertation • 1 478 Mots (6 Pages) • 6 063 Vues
Lecture analytique de Sara la baigneuse
L'odalisque d'Ingres de 1814 réalise un mélange de deux genres importants, dont l'un était ancien et classique : le nu, et l'autre romantique et moderne : l'orientalisme. L'un de ses attraits principaux pour le public bourgeois du siècle était justement ce mélange d'exotisme et de luxure qui offrait à l'observateur occidental la possibilité d'une rêverie érotique légitimée par l'ambiance « orientaliste ». Tension entre le sensuel et l'académique, l'érotique et le décent. Le bain turc, de 1862, représente l'apothéose du genre, proposant au regard voyeur un inventaire complet de poses féminines érotiques.
Le premier grand poète français du dix-neuvième siècle qui ait tenté de « venger par des stances plastiques » les charmes érotiques de la femme nue est le Victor Hugo de « Sara la baigneuse », poème écrit en 1828 et publié dans Les Orientales l'année suivante. L'Orient de Hugo, bien sûr, était surtout une invention littéraire, en partie basée sur l'Orient imaginaire de peintres tels que Delacroix et Ingres, et sur les écritures orientalistes de Byron et de Chateaubriand. L'originalité formelle du recueil est bien illustrée par un poème tel que « Sara la baigneuse », dans lequel Hugo arrive à recréer en termes visuels autant que sémantiques, les tensions érotiques — voyeurisme et pruderie, narcissisme et modestie, chair et albâtre, vêtement et nudité, mouillé et sec, etc. — qui font partie du thème de la baigneuse n. Imaginant le regard masculin et voyeur, Sara croise ses mains sur ses bras dans un geste de pudeur provocante qui n'a cessé d'inspirer l'écriture érotique de la femme.
- Un portrait érotique
- Une voix poétique complice
- Poème écrit au présent d’énonciation cf. 1er vers « Sara belle d’indolence, se balance » ; et adverbe de tps : « ici » qui inscrit Sara, poète et lecteur dans un même lieu.
- Mise en scène de la voix du poète dans un discours direct à l’impératif « Reste »/ « demeure ». Intrusion de la voix d’un « narrateur » qui s’adresse directement au lecteur. Il va peindre le tableau à venir de la femme sortant du bain. Ici, la parole annonce l’ekphrasis, introduit une vision « tu verras » qui se développe des vers 10 à 36.
- Cette vision est retardée par le cc de tps « ds une heure », et le futur « tu verras ». Valeur de promesse. Façon d’exciter la curiosité.
- « Caché », « d’un œil ardent » : Plaisir du voir sans être vu : voyeurisme, dimension érotique du poème, qui s’oppose avec la femme « ingénue ». Spectacle de l’innocence // spectateur, qui sait.
- Promesse et frustration
Le tableau évoqué par le poète va jouer avec l’attente du lecteur.
- Point de départ du portrait : le pied, corps érotique réel comme point de départ de la rêverie. Pied personnifié par l’adj. « timide »
- Poème du désir : Erotisme dans le fait de ne pas voir. Portée de l’imagination. Ainsi, le rapport nu/habillé est reflété par l'alternance des lignes longues et courtes en conjonction avec des jeux de mots - surtout au niveau des rimes - qui jouent sur les oppositions binaires habiller/déshabiller, voir/ne pas voir (« voir »/« regard » ; « dérober »/« robe » ; « voiler »/« voile»). L'utilisation étendue d'assonances et d'allitérations, surtout la répétition du son [o] et [s], enrichit la contexture sensuelle du poème
- Mouvement qui suit l’émergence de l’eau : poème d’élévation = façon d’évoquer sans montrer :
- Jeu / attente / frustration : le spectacle ne vient pas : «Mais Sara la nonchalante/ est bien lente » langueur et frustration
- Fin du texte sur la rêverie de la femme : même mélange : le bain : érotisme/
→ femme moins ingénue que le spectateur ne le voudrait ?
- Un portrait fantasmé
- Ekphrasis, d’abord, car topos (lieu commun de la femme au bain), à la fois innocente et sensuelle, cachée et épiée. Tableau d’une œuvre d’art, donc perfection. « pied d’albâtre » et hyperboles « astre ».
- Femme idéale, imaginaire, donc par définition inaccessible. La métaphore de l’astre entretient cette dimension idéale v. 13 et 29 « l’étoile qui brille au fond d’un ciel bleu ». Même métaphore, répétition du verbe « briller », début et fin de strophe.
- Le portrait proposé relève de l’imagination et relève du regard du poète « œil ardent », brûlant, impatient, qui traduit plaisir des clichés sur le féminin : l’ingénue au pied « timide », rougissante « fait rougir », double sens, « rouge pour une mouche » « frissonne », « bruit de malheur » gestes, regard, ouïe de la jeune fille qui sait qu’elle peut être observée « cherche s’il ne vient personne ».
- position (croisant ses bras sur ses seins) et couleur (rouge) : fantasme de la belle ingénue
- Rêverie féminine et rêves du féminin
- Rencontre d’imaginaires
Multiplication des références mythologiques gréco latines : Vénus anadyomène + Diane dans son bain. Horizon sur la femme à la fois voluptueuse (Vénus), et chaste (Diane) Cf. Antithèse présente dans le vers 4 : « fait rougir son pied d’albâtre ». Références mythologiques s’accompagnent de références picturales : La Naissance de Vénus de Boticelli, Les hasards heureux de l’escarpolette, Watteau, Diane au bain. Clichés érotiques qui ne sont pas renouvelés « pied d’albâtre » ; « les perles », « yeux d’azur » Comme l'odalisque, la statue de la femme nue était la source d'une rêverie dont Michel Thévoz, dans L'Académisme et ses fantasmes, a bien expliqué le mécanisme psychique. « II est des choses qui ne peuvent s'écrire qu'en marbre » Théophile Gautier… La rêverie érotique est donc permise devant la sculpture, mais doit être soigneusement, décemment ménagée en littérature.
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