Le roman surréaliste
Fiche de lecture : Le roman surréaliste. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar pascaluna • 15 Décembre 2018 • Fiche de lecture • 2 222 Mots (9 Pages) • 868 Vues
FICHE DE LECTURE
Auteur : André BRETON
Titre : Nadja (édition Folio)
Edition : publié en 1928 puis revu et corrigé par l’auteur en 1962.
Courant critique, idéologie, méthode : œuvre littéraire emblématique du Surréalisme qui rompt avec les codes romanesques traditionnels. Le personnage féminin de Nadja se place sous l’influence des découvertes sur l’inconscient de Freud et incarne l’esthétique surréaliste.
Sujet de l’ouvrage : André Breton relate sa rencontre avec une jeune femme, Léona Delcourt*, qui se surnommait elle-même « Nadja », le 4 octobre 1926 à Paris, et les événements survenus entre eux pendant 9 jours.
*son nom n’est jamais mentionné dans le roman, il apparaît uniquement dans l’édition savante
Thèse : Nadja est une œuvre surréaliste pour trois raisons principales. Tout d’abord, c’est un récit anti-romanesque : le mélange des genres (fiction, autobiographie, poésie et conte) est un aspect incontournable de ce texte ; le récit non linéaire et morcelé mime l’aspect lacunaire de la mémoire et imite la structure du rêve ; les descriptions textuelles sont relayées par des images (Breton utilise entre autres le procédé du collage en arts plastiques et associe des supports de toutes natures). Ensuite, le personnage de Nadja est emblématique du surréalisme. Il permet à l’auteur d’accéder à l’invisible, au sens caché du monde. « Il se peut que la vie demande à être déchiffrée comme un cryptogramme » (p. 133). Nadya est un personnage merveilleux qui possède des dons. Par exemple elle est capable de voir la femme de Breton : « Je vois chez vous. Votre femme. Brune, naturellement. Petite. Jolie. » (p. 85). C’est un personnage énigmatique et libre « elle est pure, libre de tout lien terrestre, tant elle tient peu, mais merveilleusement, à la vie » (p. 104). « Nadya s’est aussi maintes fois représentée sous les traits de Mélusine », une femme à la queue de serpent que l’on retrouve dans ses dessins, un esprit propre à l’enfance, caractéristique du surréalisme. Enfin, l’écriture du roman de Breton est surréaliste. On recense trois grands procédés : l’écriture automatique, qui permet de s’émanciper de l’étroitesse de la pensée régie par la raison, peut ici pleinement s’exprimer par la rencontre amoureuse vécue sous le signe de la passion ; le collage sous la forme de juxtaposition des idées et d’association libre entre les divers documents et le texte ; et enfin la déconstruction de la syntaxe, avec de longues phrases et un récit qui ne commence qu’à la page 71.
Précision sur le personnage de Nadja : en publiant Nadja, André Breton veut élever son personnage au rang de muse mythique à l’image de Laure, Béatrice ou Aurélia, en teintant leurs échanges de merveilleux. Toutefois la réalité est plus sordide.
« Cela la fait penser à sa petite fille, une enfant dont elle m’a appris avec tant de précautions l’existence » (p. 102)
« […] elle est en butte aux menaces du tenancier de son hôtel et à ses suggestions effroyables. Elle ne fait aucun mystère du moyen qu’elle emploierait, si je n’existais pas, pour se procurer de l’argent » (p. 106)
« Deux jours plus tard je (Nadja) ramenais près de deux kilos de drogue dans mon sac » (p. 107)
Léona Delcourt est originaire du Nord de la France, à seize ans elle accouche d’une petite fille puis elle décide de se rendre seule à Paris où elle vivote de petits boulots. Elle revend de la cocaïne et à l’occasion, elle fait commerce de ses charmes. Après son internement, elle écrit une trentaine de lettres à Breton. Il ne la reverra jamais. En 1927, tandis que Breton s'apprêtait à rédiger Nadja, les médecins avaient rendu leur verdict : «État psychopathique polymorphe à prédominance de négativisme et de maniérisme.» - Informations tirées de Léona, héroïne du surréalisme d’Hester Albach, romancière néerlandaise qui a enquêté sur le personnage de Nadja.
Structure : 3 parties
- La première partie commence par la question « Qui suis-je ? » suivie d’une série d’anecdotes.
- La seconde partie relate les différentes rencontres entre André Breton et Nadya du 4 au 13 octobre 1926.
- Dans la dernière partie, l’histoire avec Nadya est terminée et André Breton finalise son récit en s’adressant directement à sa nouvelle conquête amoureuse.
Synthèse de la 1ère partie :
André Breton pose la question « Qui suis-je ? » et tente d’y répondre en utilisant l’adage « Dis-moi qui tu hantes, et je te dirais qui tu es ». Pour commencer, il relate une suite de souvenirs et de sentiments en apparence insignifiants mais qui, selon lui, sont souvent porteurs de sens et en disent très long sur une personne. « On n’aura rien dit de Chirico tant qu’on n’aura pas rendu compte de ses vues les plus subjectives sur l’artichaut, le gant, le gâteau sec ou la bobine » (p. 15). Puis l’auteur s’insurge contre les romanciers qui pensent créer des personnages de toutes pièces sans y mettre d’eux-mêmes ou de membres de leur entourage. Plus globalement il critique le roman :
« Je persiste à réclamer les noms, à ne m’intéresser qu’aux livres qu’on laisse battants comme des portes, et desquels on n’a pas à chercher la clef. Fort heureusement les jours de la littérature psychologique à affabulation romanesque sont comptés » (p. 18)
« Pour moi, je continuerai à habiter ma maison de verre, où l’on peut voir à toute heure qui vient me rendre visite, où tout ce qui est suspendu aux plafonds et aux murs tient comme par enchantement, où je repose le nuit sur un lit de verre aux draps de verre, où qui je suis m’apparaîtra tôt ou tard gravé au diamant » (p. 19)
« Il reste pour moi quelque chose de surnaturel dans les circonstances d’un effacement humain complet » (p. 19)
« Je n’ai dessein de relater, en marge du récit que je vais entreprendre, que les épisodes les plus marquants de ma vie telle que je peux la concevoir hors de son plan organique, […] où regimbant contre l’idée commune que je m’en fais, elle m’introduit dans un monde comme défendu qui est celui des rapprochements soudains, des pétrifiantes coïncidences » (p. 20)
Pour terminer, André Breton raconte une suite d’anecdotes ou d’impressions sans ordre chronologique comme son étrange rencontre avec Paul Eluard, son sentiment sur la ville de Nantes ou encore son admiration pour Les Détraquées, « la seule œuvre dramatique […] dont je veuille me souvenir » et qui « ne pouvait être mauvaise, tant la critique se montrait acharnée contre elle » (p. 46).
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