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Le portrait d'un personnage de roman doit il être réaliste ?

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Par   •  19 Septembre 2019  •  Dissertation  •  2 314 Mots (10 Pages)  •  1 137 Vues

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Dans le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, nous voyons pousser à son paroxysme la réflexion sur le portrait puisque nous assistons à sa mise en abîme. Il y a d’un côté le portrait que le narrateur fait du personnage de Dorian Gray, largement idéalisé, malgré la prolifération de détails donnant un effet d’hypotypose, et de l’autre côté, le portrait peint qui se déforme à l’extrême pour représenter la laideur symbolique de l’âme du personnage. Ici, le portrait n’est jamais réaliste même s’il est décrit de manière exacte et précise. Donc la question de savoir si le portrait d'un personnage de roman doit être réaliste est pertinente. Le portrait est avant tout l'image que l'on a du personnage, dans sa forme, sa physionomie, sa psychologie son et son milieu social. Le terme de portrait est relié à l'art pictural, il s'agit dans le cadre du roman d'un moment de la narration qui constitue souvent une pause dans le récit. Par ailleurs, le verbe devoir renvoie à l'idée de nécessité et d'obligation impliquant soit que le réalisme est une norme de l'écriture, soit que le roman ne peut fonctionner sans lui. Donc finalement de quel réalisme parle-t-on ? En effet, différents mouvements littéraires se sont penchés sur la question mais semblent fonder leur définitions du réalisme sur des critères variables : l'observation des faits, de la nature humaine, etc. Il s'agit alors de se demander si le réalisme est central dans le portrait qui est fait d'un personnage romanesque. Premièrement le portrait doit impérativement être réaliste. Cependant, il ne l'est jamais pleinement. Finalement, le portrait même s'il a un aspect réaliste est toujours manipulateur.

                Tout d'abord, le portrait doit être réaliste, il s'agit de son essence même. C'est la condition (même) de son importance dans le roman.

En effet, le réalisme est au cœur de la définition du portrait. Dans le Larousse il est défini comme la représentation exacte de quelque chose, l'image parfaitement ressemblante de quelqu'un.

Le portrait ne vaut que par sa ressemblance au réel. Ainsi dans l’œuvre Desert de JMG Leclezio, la description de l’héroïne Lalla se fait poétique et très détaillée en la comparant à la nature qu'elle aime tant et qui reflète parfaitement son état d'âme.« Elle porte la force et l’Éclat brélant du désert dans son regard d’aigle. Ses yeux sont pareils à deux silex, couleur de métal et de feu, et son magnifique visage pareil à un masque de cuivre lisse. La lumière est ardente sur sa peau, sur ses pommettes saillantes, sur ses lèvres, sur son corps long et lisse et sur les lourdes boucles de ses cheveux noirs. On sent l’inquiétude derrière la force de sa lumière. Il y a aussi la méfiance, l’instinct de fuite, cette sorte de drôle de lueur qui traverse par instant les yeux des animaux sauvages.» . Par cet exemple nous voyons bien que le portrait est lié au réalisme car c'est ce qui fait son importance.

Par conséquent, le réalisme du portrait influence l'adhésion du lecteur au récit. C'est parce que le personnage ressemble à ce qu'il connaît ou à lui-même que le lecteur va apprécier de suivre ses aventures. Par exemple, le Seigneur des Anneaux, Tolkien met en scène des personnages fantastiques, allant jusqu’à créer de nouvelles espèces, mais elles sont toujours anthropomorphes. Même les bêtes les plus répugnantes, même les monstres abominables possède l’usage de la parole et un corps humain de façon à ce que nous puissions nous identifier à eux et nous plonger dans un univers à la fois onirique et ancré dans une certaine réalité. L'adhésion du lecteur au récit passe donc par le réalisme de la description du personnage, soit physique soit psychologique.

Cela suppose donc que le réalisme dont on parle ici renvoie au réel que l'on peut observer. L'observation précède l'écriture et tout portrait renvoie toujours à ce que l'auteur connaît. Les auteurs réalistes et naturalistes ont poussé à l’extrême l'importance de l'observation dans la création de leurs personnages. Le plus illustre exemple de cette attitude quasi scientifique est certainement Émile Zola. Par Germinal, l'auteur réussit à retranscrire dans les moindres détails chaque caractéristique des personnages dans leur milieu social, dans leur psychologie et leurs attraits physiques marqués par leur condition de vie. Ainsi par la description de Catherine Maheu, le lecteur s'imagine au combien la pauvreté des mineurs est inquiétante et pose une véritable question de société, dans son époque. On voit alors que l'observation est bien essentielle dans la création des personnages. Le portrait se doit donc d’être réaliste pour donner envie au lecteur de poursuivre le récit. Mais le réalisme dont on parle, celui qui est nécessaire, c'est le peu d'observations extérieures que l'on peut faire des hommes et de leur nature.

                Ensuite, il est évident que le portrait n'est jamais pleinement réaliste. Il est impossible de créer un personnage absolument réel. Le principe même de la fiction et de l'Art s'oppose à la création d'un pur reflet du réel, c’est pourquoi certain auteur vont jusqu’à parodier cette volonté de réalisme, montrer au mieux les ficèles artificielles de la création.

Le portrait contient bien souvent une question morale voire satirique qui pousse à l'incomplétude du portrait. Soit, que le grotesque soit poussé à l’extrême au point de ne contenir qu'un réalisme sur la nature humaine, tels Les Caractères de La Bruyère, Soit que le portrait est volontairement laissé incomplet. Souvent, les auteurs du XXe siècle vont niés ou négligés les portraits physiques des personnages. Si André Gide dans Les faux-monnayeurs, multiplie le nombre des personnages, on ne sait d'eux rarement plus qu'une couleur de cheveux ou un trait de langage. Ainsi, on ne connaît de l’aspect de Laura que le fait qu'elle ait des cheveux bruns. Mais, les personnages les plus centraux n'ont aucune enveloppe corporelle distincte. En effet, Gide n'accorde d'attention qu'à leur consistance psychologique. Donc le portrait est incomplet et par conséquent n'est pas réaliste.

Par ailleurs, le statut du narrateur, essentiel à la structure de l’œuvre influence le portrait qui est fait. En effet, le réalisme est remis en question par l'absence d'objectivité. Le portrait d'un personnage peut aussi être subjectif en fonction du narrateur que choisi par l’auteur, comme par exemple dans Oscar et la Dame rose de Schmitt où le portrait de la femme est faussé par la vision d'Oscar, parce qu’il est un enfant. Crédule et avide de connaître le monde extérieur au-delà de sa seule maladie, il croit juste parce qu’elle lui dit, que cette femme qui lui rend visite est l’auteure de nombre d’aventures formidables et improbables. Cette subjectivité n'est pas la seule possible dans le roman. Fitzgerald dans Gatsby le magnifique choisit de caractériser son personnage éponyme par des points de vues extérieurs. En effet, c'est par son voisin que le récit est fait, par lui qu'on le connaît, on ne sait donc jamais rien de lui directement, si ce n’est quand il parle au discours direct. Le narrateur constitue une barrière entre le personnage et le lecteur, refusant ainsi tout réalisme absolu du portrait.

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