Le malade imaginaire de Molière
Commentaire de texte : Le malade imaginaire de Molière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar hgluorhh • 4 Avril 2022 • Commentaire de texte • 2 617 Mots (11 Pages) • 376 Vues
Explication linéaire des lignes 140 « Que faire quand on est malade » à 189, dans l’acte
III, scène 3 du Malade Imaginaire.
Situation de l’extrait : à la toute fin du deuxième acte, sans que rien ne soit venu l’annoncer,
Béralde fait irruption chez Argan comme un deus ex machina. Alors que Béline et le clan des
médecins semblaient être en position de pouvoir, son arrivée va entraîner le retournement de
la situation en faveur d’Angélique et de Cléante. Dans l’acte III, scène 3, Béralde s’entretient
avec son frère et plaide en faveur des deux jeunes amants, en essayant de guérir Argan de
sa maladie imaginaire et de dévoiler l’hypocrisie de son épouse. Curieusement, la
conversation se tourne vers Molière lui-même.
Problématique : En quoi le dialogue théâtral se métamorphose-t-il dans cette scène en
littérature d’idée ?
1er mouvement : lignes 139 à 168, « le roman de la médecine »
Argan commence par une question qui permet de lancer le dialogue : « Que faire donc
quand on est malade ?», question délibérative, à laquelle Béralde répond laconiquement par
un paradoxe « Rien ». Cette réponse reçoit une réaction dubitative et ironique de la part
d’Argan, qui transforme en interrogation la déclaration, invitant Béralde à argumenter.
« Rien ? » dans un enchainement de réplique par répétition du mot. En faisait de nouveau
répondre « Rien », Molière met en valeur cette idée qui peut paraître farfelue au premier abord.
Béralde justifie sa position à l’aide de la modalisation « il faut », signifiant la nécessité plutôt
que l’obligation morale. Il prescrit le simple « repos » et prononce une maxime au présent de
vérité générale : « la nature, d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du
désordre d’où elle est tombée. » Pour Béralde, le meilleur médecin, c’est donc la nature. Il
partage la vision optimiste de la nature de Montaigne1, selon qui, l’être humain, par ses artifices
la dégrade au lieu de l’améliorer, « gâte tout », si bien que « presque tous les hommes meurent
de leurs remèdes ». La discussion prend donc un tour philosophique par le goût du paradoxe
de Béralde et le registre délibération, mais la polémique n’est pas absente d’un dialogue qu’il
faut rendre dynamique pour qu’il passe la rampe.
Ce sont des défauts moraux que pointe Béralde : notre « inquiétude », notre
« impatience » nous font déroger aux lois et au rythme de la nature ; en somme, notre manque
de sagesse, comme l’exprime la répétition du préfixe négatif « -in ». On peut être surpris, nous,
lecteurs du XXIème s. A travers Béralde, Molière soutient une thèse qui peut nous paraître
rétrograde : il pense qu’il est impossible à l’homme « d’aider la nature » par son savoir. Il ne
semble pas croire en la possibilité d’une médecine, quelle qu’elle soit. Dans la réplique
suivante, Argan relance le débat par un « mais » adversatif, qui engage le dialogue vers la
polémique. Et pour nous lecteurs contemporains, il est difficile, cette fois de n’être pas d’accord
avec le ridicule Argan : nous savons qu’il est possible d’« aider la nature par de certaines
choses. » Mais c’est que notre regard est rétrospectif, or il ne faudrait pas oublier qu’à l’époque
de Molière personne n’imaginait quels progrès la médecine réaliserait une fois dépassé
l’héritage antique d’Hippocrate et de Galien (il faudra attendre le XIXème siècle pour
commencer à voir des progrès !). Le savoir médical de ce siècle pouvait laisser penser qu’il
était en effet impossible de soigner efficacement et qu’il valait donc mieux laisser agir la nature.
1 « Il n’est pas légitime que l’art emporte le prix d’honneur sur notre grande et puissante mère Nature.
Nous avons tellement surchargé la beauté et la richesse de ses ouvrages par nos inventions que nous
l’avons complètement étouffée. » (Montaigne, « Des cannibales », les Essais, 1595)
Pour Béralde, Argan comme les médecins se mentent donc à eux-mêmes, en se
flattant (ligne 155), c’est-à-dire en se déguisant une vérité qui leur est désagréable, à savoir
que nous ne pouvons rien. Si Argan est un malade imaginaire, c’est donc avant tout parce qu’il
croit en une médecine imaginaire, qui se vante d’être efficace et d’avoir compris le
fonctionnement de la machine corporelle, alors qu’elle n’est que littérature.
Béralde décline ainsi le « roman de la médecine » en insistant sur ce qu’elle a de fictif
(« pures idées », « belles imaginations », « beaux songes ») et il résume le discours de la
médecine dans sa longue réplique (une tirade), des lignes 152 à 168). Le public retrouve dans
son développement l’ensemble de la facture qu’a lue Argan dans l’acte I, scène 1. Béralde
connaît la chanson en effet, et veut signifier à Argan que tous les
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