Le malade imaginaire, Molière
Commentaire de texte : Le malade imaginaire, Molière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar khna.bhr • 5 Octobre 2022 • Commentaire de texte • 2 587 Mots (11 Pages) • 377 Vues
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er
mouvement : LA LECTURE DE LA FACTURE DE M. FLEURANT
Plus, du vingt-sixième, un clystère carminatif, pour chasser les vents de Monsieur,
Molière a choisi de commencer la pièce en faisant lire par Argan la facture de son
apothicaire.
Le comique vient ici tout d’abord des références au fonctionnement du système digestif, à
tout ce qui est excréments, ou gaz comme ici (les « vents » désignent par euphémisme les
gaz intestinaux). Ces références font rire parce qu’il est normalement inconvenant de
parler de telles choses. On voit alors que la règle classique de respect des bienséances
n’est pas du tout suivie (ce qui est fréquent en comédie). On retrouvera cela dans la suite
du texte, quand il sera question de « hâter d’aller » (à la selle), de « chasser dehors les
mauvaises humeurs » (en déféquant), ou avec le grand nombre de lavements prescrits à
Argan.
Par ailleurs, la lecture de cette facture permet à Molière de faire la satire du langage
employé par le monde médical. On peut observer l’emploi d’euphémismes : pour désigner
un lavement qui évacue les gaz intestinaux, l’apothicaire parle de « clystère carminatif » et
de « chasser les vents ». Il y a un écart entre la trivialité de ce dont il est question et la
façon soutenue dont on parle, et cela crée du comique (on peut appeler « héroï-comique »
ce décalage entre la bassesse du sujet et l’emploi d’un langage élevé). La chose peut
paraître encore plus drôle, si l’on sait que le mot « carminatif » (qui était réellement
employé en médecine) vient du mot latin carmen qui signifie « chant ». Pour Molière, tout
le pouvoir des médecins réside dans leur maîtrise de l’art de la parole : ils savent
employer de grands mots pour impressionner leurs patients et leur faire croire qu’ils sont
très savants et qu’ils peuvent les guérir. Mais tout cela n’est que du vent (c’est le cas de le
dire 12), ce sont des charlatans. C’est une des idées essentielles que Molière exprime
dans la pièce au sujet de la médecine, et ce par la satire.
trente sols. » Dix Sols, Monsieur Fleurant.
Argan réduit systématiquement le montant demandé par l’apothicaire, en général d’une
moitié ou des deux tiers (comme ici : il est disposé à payer 10 sols au lieu des 30
demandés). On voit apparaître la deuxième idée essentielle de Molière au sujet de la
médecine : c’est un monde d’escrocs cupides. [Il ne s’agit pas d’une invention de la part de
Molière : on trouve d’autres témoignages de cette tendance des apothicaires à surfacturer leurs services ;
c’est le sens originel de l’expression populaire « faire des comptes d’apothicaire ».]
Qu’Argan sache le prix « normal » des choses montre également à quel point il est familier
du monde de la médecine ; il en parle le langage, où 30 est égal à 10. La satire de la
médecine se double ainsi d’une satire de l’hypocondrie. [On peut aussi y voir une satire de la
bourgeoisie et son sens de l’intérêt : si Argan croit au pouvoir des traitements qui lui sont prescrits, il n’est
quand même pas prêt à se défaire facilement de son argent.]
L’apothicaire s’appelle Fleurant : il s’agit d’un jeu de mot scatologique qui ridiculise le
personnage. Son nom vient du participe présent du verbe Fleurer, qui signifie « répandre
une odeur (normalement une odeur agréable) ». Or, comme le métier de M. Fleurant est
de fabriquer des lavements qui feront aller Argan à la selle, de les lui administrer et ensuite
de vérifier s’ils ont bien fonctionné, on imagine que l’odeur dégagée par M. Fleurant est
une odeur d’excréments. [Cette façon de faire la satire du monde de la médecine se retrouve à travers
d’autres noms propres : le médecin habituel d’Argan s’appelle M. Purgon, parce qu’il ne sait que prescrire
des purges ; quant aux Diafoirus, père et fils, leur nom est composé de dia, comme dans diarrhée, et de
foire, terme vulgaire pour désigner des excréments liquides, une diarrhée (cf. les mots foireux ou foirer).]
« Plus, le clystère de Monsieur réitéré le soir, comme dessus, trente sols. »
Monsieur Fleurant, dix sols. Plus, du vingt-septième, une bonne médecine
composée pour hâter d'aller, et chasser dehors les mauvaises humeurs de
Monsieur, trois livres. » Bon vingt, et trente sols : je suis bien aise que vous soyez
raisonnable.
[Les expressions « hâter d’aller » et « chasser dehors » ont déjà été commentées plus haut. Même chose
pour le montant de la facture.]
Le mot « humeurs » vient de la médecine grecque de l’Antiquité (vous avez des explications à ce sujet dans
l’édition recommandée, dans une note page 25, et page 175). Cela montre à quel point la médecine de
l’époque est ancrée
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