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Le Rouge et le noir de Stendhal et L’Etranger d’Albert Camus

Dissertation : Le Rouge et le noir de Stendhal et L’Etranger d’Albert Camus. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Mai 2022  •  Dissertation  •  4 231 Mots (17 Pages)  •  618 Vues

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Le Rouge et le noir de Stendhal et L’Etranger d’Albert Camus

Henri Beyle s’installe en Italie après la défaite de Napoléon en 1814, et il publie sous le pseudonyme de Stendhal ses deux romans les plus célèbres, Le Rouge et Le Noir, paru en 1830, suivi de La Chartreuse de Parme en 1836. Le Rouge et le Noir suit le destin tragique du personnage principal, Julien Sorel, dans son ascension à travers les différentes couches de la société française pendant la Restauration (1814-1830). C’est un roman complexe, à la fois roman d’apprentissage et « chronique de 1830 » et du XIXe siècle, comme son sous-titre l’indique. Publié à l’époque à laquelle le romantisme était encore l’esthétique dominante dans le paysage littéraire français, Stendhal s’en détache pour affirmer une approche différente du roman qu’il définit comme « un miroir qui se promène le long du chemin ». Stendhal y utilise la métaphore du miroir pour désigner le roman comme représentation ou imitation de la réalité, le mimesis selon la terminologie de Platon. Cette promenade métaphorique préfigure l’esthétique du réalisme qui va s’affirmer dans les années 1840-1850. Il y indique la position du narrateur omniscient mais détaché par rapport aux faits narrés et aux personnages mis en scène sur une toile de fond inspirée de la réalité de son époque.

Situé à la charnière du romantisme et du réalisme, Le Rouge et le Noir peut se lire de plusieurs façons : comme un triangle amoureux avec une fin tragique, mais aussi comme un tableau critique de la société française à la fin de la Restauration. Par conséquent, le roman comme genre littéraire tel que Stendhal le définit dans Le Rouge et le Noir soulève quelques questions. Ainsi, nous allons nous demander dans quelle mesure  le narrateur qui est derrière le « miroir » est-il vraiment objectif, ou bien il oriente le « miroir » pour montrer une réalité subjective, quoique fortement enracinée dans la réalité, et mêler à la « chronique » réaliste de la société qu’il dépeint ses opinion et sa subjectivité ?

Pour répondre à cette question, il conviendra de s’intéresser dans un premier temps à quelques aspects du roman Le Rouge et le Noir comme « miroir » de la réalité, puis nous poursuivrons par nous interroger si le roman est aussi une source d’évasion, pour finir par mettre en discussion des aspects du réalisme subjectif qui montrent la complexification de la structure du roman au XIXe siècle. Afin de donner une perspective plus large à la définition du roman, nous allons nous référer aussi à la technique d’un roman du XXe siècle, L’Étranger publié par Albert Camus en 1942, dans le but de montrer comment le roman est devenu un genre littéraire d’une complexité grandissante en l’espace d’un siècle.

Le Rouge et le Noir peut être considéré comme un reflet de la société française du XIXème siècle dans la mesure dans laquelle ce roman est constitué de nombreux aspects ancrés dans la réalité tel que les lieux où se déroule l’action - Paris, Besançon, Strasbourg, Londres, mais surtout grâce à la description d’une réalité sociale bien précise, celle de la Restauration, contexte dans lequel il dépeint la trajectoire du personnage principal, Julien Sorel. Les détails sur le contexte historique de la société française de la Restauration après la chute de Napoléon en 1814 vient ajouter un sentiment de réel de l’œuvre de par la division des classes sociales visible dans des moments tel que le jugement de Julien Sorel : « Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d’autant plus de sévérité, que, dans le fait, je ne suis points jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés ». Tout aussi évocateur est le besoin pour le Marquis de la Mole d’anoblir Julien, ainsi changeant son nom de Julien Sorel à Julien Sorel de la Vernaye pour déguiser les apparences sociales et le laisser marier sa fille Mathilde qui est elle issue d’un rang supérieur à son amant.

Le fait que les conquêtes féminines de Julien Sorel soient constamment situées au dessus de sa condition d’origine modeste dans la hiérarchie sociale reflète l’envie du protagoniste d’améliorer son statut social de la manière la plus accessible à lui et aux autres gens dans sa situation. En effet, de nombreux hommes jeunes et plein d’espoir mais « nés dans une classe inférieure » se voyaient « opprimés par la pauvreté »  et ne pouvaient pas monter l’échelle sociale bien qu’ayant réussi à se procurer une bonne éducation, dénonçant ainsi les valeurs sociales conservatrices de la Restauration et la répression des libertés individuelles par contraste avec les libéraux qui défendaient les acquis égalitaires de la Révolution française ou ceux qui, comme Stendhal lui-même, regrettaient la méritocratie napoléonienne.

Stendhal critique la division politique entre les libéraux et les conservateurs pendant la Restauration en soulignant l’hypocrisie et l’incapacité des deux parties à agir. Il s’agit d’une société où la naissance compte plus que le mérite individuel, où les destins exceptionnels ont fini par être rattrapés par les préjugés et les conventions sociales. Ainsi, Julien Sorel, malgré son admiration pour Napoléon et son mépris pour la noblesse, est tout aussi prisonnier du système de la suprématie aristocratique représentée par le marquis de La Mole et ceux qui fréquentent sa maison. Julien Sorel accepte de se soumettre à un modèle social qui pourtant le rejette à cause de sa naissance modeste. Par exemple l’épisode dans lequel il est envoyé à Strasbourg pour réciter un message qu’il avait appris par cœur, afin qu’il ne soit pas intercepté, montre une soumission machinale à un système social dans lequel il n’y croit pas, mais auquel il est prêt à se conformer pour satisfaire son ambition d’ascension. Pas seulement qu’il n’appartient pas à la classe dirigeante de par sa naissance plébéienne, mais il est aussi trop brillant aux yeux de la société aristocratique. Son esprit remarquable fait peur aux nobles qui se rendent compte qu’il pourrait remettre en question leur suprématie en cas d’une nouvelle révolution, comme le montre son admiration pour Napoléon et pour Danton : « Ils en ont peur sous son habit noir. Que serait-il avec des épaulettes ? », se demande Mathilde de La Mole.

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