Le Loup et l'Agneau, Jean de la Fontaine

Cette fable représente une parodie du système judiciaire. La Fontaine déploie sa critique selon trois axes : le réseau sémantique de la justice ; la caricature de la hiérarchie sociale ; la mise en évidence de toutes les ambiguïtés qui concernent cette notion très importante au XVIIe siècle qu’est la raison – ou plutôt, ici, la notion de déraison. Pour ce qui est de la justice, les termes qui y font référence dans la fable ne sont pas abondants, mais immédiatement repérables : “châtié” (v. 9) et “procès” (v. 29). C’est surtout le processus d’interrogatoire qu’impose le loup à l’agneau qui évoque le fait que la justice au temps de Louis XIV s’exerce par le haut et généralement avec violence. Le mot “châtié” se réfère aux condamnations que l’on imposait aux criminels à l’époque. Pour un simple vol, la peine de mort pouvait être appliquée, ce qui annonce d’avance la résolution de la fable. La considération demandée par l’agneau représente sa plaidoirie. Il présente ses arguments un par un et ceux-ci sont sensés. Justice et hiérarchie sociale, par ailleurs, se font écho : “ La raison du plus fort” (v. 1), “votre Majesté” (v. 10). Dès le début de la fable, l’auteur nous soumet une représentation de la hiérarchie sociale comme étant excessivement inégalitaire ; la justice du plus fort est une injustice omniprésente. Celle-ci écrase l’agneau. L’enjeu qui concerne la raison introduite sous forme de morale dès le premier vers est l’élément le plus complexe de cette fable :

Un loup survint à jeun qui cherchait aventure

(…)

Cet animal plein de rage

(…)

Cette bête cruelle

(…)

Il faut que je me venge

(…)

(vv.5-8-18-26-29)

Une dégradation du loup se dégage au long de la fable. L’auteur commence avec le terme ‘’loup’’ puis il devient ‘’cet animal plein de rage’’ et enfin ‘’cette bête cruelle’’. Ce qui laisse à penser que le loup n’a pas toute sa tête et devient de plus en plus incohérent et violent au cours de la fable. Le loup ‘’cherche aventure’’, il ne cherche qu’une simple distraction. Il dit qu’il faut qu’il se venge mais n’avance aucun argument pour rendre cette vengeance légitime. Dans le v. 1, il est dit ‘’la raison du plus fort est toujours la meilleure’’ mais le loup n’a pas de raison.

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