La traduction de l'étrange cas du Dr. Jekyll et M.Hyde de Stevenson
Fiche de lecture : La traduction de l'étrange cas du Dr. Jekyll et M.Hyde de Stevenson. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar saljaw • 22 Mars 2019 • Fiche de lecture • 2 174 Mots (9 Pages) • 1 901 Vues
A. Pourquoi traduire :
La traduction est le moyen normal, voire le seul moyen, d’avoir accès à une œuvre dont la langue originale est inconnue du lecteur. Une œuvre traduite se désigne par là même comme une œuvre d’origine étrangère, du point de vue du lecteur. Mais, il faut noter qu’une traduction réussie transmet une œuvre, non une langue. Il importe donc de ne pas traduire des mots, mais des phrases et d’exprimer, sans rien perdre, pensée et émotion, comme l’auteur les eût exprimées s’il eût écrit directement en français.
On ne traduit jamais dans l’absolu, mais en fonction d’une situation. Dans une traduction, le traducteur apporte son héritage culturel et son expérience de lecteur. Ce qui fait de la traduction la trace à la fois la trace d’une lecture et une réécriture. C’est pour cette raison que lire une traduction, c’est garder à l’esprit que le traducteur s’est trouvé confronté à plusieurs types d’écarts culturels : les spécificités de chaque culture, les compétences de lecture (intertextualité), enfin le travail effectué par chaque créateur sur sa propre langue et sa propre tradition littéraire.
Ainsi, la traduction est une réécriture consciente, parfois orientée dans un transfert qui peut conduire la traduction aux frontières de l’adaptation
B. Pourquoi retraduire
Par leur traduction, la connaissance des œuvres progresse et se déploie, ce qui est une des manifestation de leur vie. La comparaison de plusieurs traductions d’un même texte nous montre qu’aucune n’est la traduction ultime et définitive, d’où la nécessité de retraduire.
La retraduction est une nouvelle traduction, dans une même langue, d’un texte déjà traduit, en entier ou en partie. Elle est liée à la notion de la réactualisation des textes, déterminée par l’évolution des récepteurs, de leurs gouts, de leurs besoins, de leurs compétences ..
La retraduction surgit de la nécessité non certes de supprimer, mais au moins de réduire la défaillance originelle (Berman 1990 ) ou d’ « ajouter » comme l’affirme Samoyault :
Retraduire n’est pas remplacer, mais ajouter
Les raisons de retraduire sont ainsi diverses dont on peut citer :
1) on retraduit parce qu’une traduction n’est pas (ou n’est plus) satisfaisante. Il s’agit dans ce cas d’un retour au texte-source, afin d’y trouver ses spécificités linguistiques, textuelles etc. ;
2) on retraduit parce que l’on veut traduire directement de l’original. C’est le cas des traductions intermédiaires (Gambier, 2012) ;
3) Il faut retraduire parce que les traductions vieillissent, et parce qu'aucune n'est la traduction : par où l'on voit que traduire est une activité soumise au temps, et une activité qui possède une temporalité propre : celle de la caducité et de l'inachèvement.
Le lieu de la retraduction est le lieu de la pluralité, des relectures et des réécritures. La coexistence de plusieurs et diverses traductions qui naissent de ce processus le prouve, car elles reflètent la lecture plurielle qu’on peut faire du texte de départ, et permettent de l’opacifier et éclairer tous les angles de lecture. Cependant, la retraduction n’est pas seulement une étude de ce texte et le critique mais aussi des traductions précédentes. Dans cette perspective, nous pouvons reprendre l’expression d’Antoine Berman :
Lorsque la traduction est retraduction, elle est implicitement ou non « critique » des traductions précédentes
Il s’avère donc que la retraduction n’est pas le geste de remplacer, mais celui d’ajouter, et afin de former à la fin un réseau de coexistence de relectures et de réécritures. il s’agit d’un réseau de dialogues, de contacts, et de résonances, un ensemble complexe de rapports d’alliance, de divergence, de complémentarité,.
C’est donc tout une dynamique d’ajouts : on ajoute dans l’espace de la traduction une nouvelle interprétation, une nouvelle manière de lire, de réécrire, de retraduire ce texte. D’où l’intérêt d’une étude des traductions qui passe par la confrontation de plusieurs traductions d’un même texte.
C. Pourquoi et comment lire un texte traduit :
L’étude d’un texte traduit ou la comparaison de traductions se conçoit alors comme une démarche heuristique, permettant de faire surgir différentes potentialités, niveaux de sens. On peut par exemple envisager l’étude du lexique, l’observation du mouvement des phrases, s’interroger sur les figures de style : ceci semble-t-il fidèle à l’auteur ? pourquoi le traducteur a-t-il fait ces choix ? Il n’est bien sûr pas question de faire une analyse stylistique de la traduction (du traducteur), mais de chercher ce que la traduction nous apprend sur le texte original et les intentions de son auteur, à partir des options du traducteur
Dans le cas de la coexistence de plusieurs traductions, leur étude passa d’abord par leur confrontation. La comparaison de textes traduits permet d’aborder la littérature d’une langue inconnue de manière « active », d’entrer dans la logique du traducteur, de saisir les richesses et les limites de sa langue maternelle, de comprendre qu’une traduction n’est jamais totalement achevée, et qu’elle peut modifier l’interprétation d’une œuvre. Nous allons appliquer ceci à notre corpus d’étude : L’étrange cas du Docteur Jekyll et M. Hyde de Stevenson.
D. L’œuvre
1. Introduction
L'Étrange Cas du Docteur Jekyll et de Mr Hyde (Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde) est un court roman écrit en anglais par Robert Louis Stevenson et publié en janvier 1886. Mêlant satire sociale et allégorie morale sur la lutte éternelle du bien et du mal, raconte l’histoire d’un un philanthrope, le Docteur Jekyll, obsédé par sa double personnalité, met au point une drogue pour séparer son bon côté de son mauvais. C'est ce dernier qui, nuit après nuit, prendra finalement le dessus et le transformera en monstrueux Monsieur Hyde.
2. Traduction
Il existe plusieurs traductions françaises de ce récit dont je vous propose trois : la traduction de Charles Ballarin (1992) , celle de Théo Varlet (1994) ; et celle de Guillaume Pigeard de Gurbert et Richard Scholar (1997).
Tableau comparatif de divergences sémantiques à propos du titre de l’œuvre et les titres des chapitres.
Traducteur | Charles Ballarin | Théo Varlet | Guillaume Pigeard de Gurbert et Richard Scholar |
Date | 1992 | 1994 | 1997 |
Edition | Folio | GF Flammarion | Babel |
Traduction des titres | |||
The Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde | L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde | Le Cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde | L’Étrange Affaire du Dr Jekyll et de Mr Hyde |
Story of the door | Histoire de la porte | I- À propos d’une porte | Histoire de la porte |
Search for Mr Hyde | À la recherche de M.Hyde | II- En quête de M. Hyde | Enquête sur Mr Hyde |
Dr Jekyll was quite at ease | Le docteur Jekyll au coin du feu | III- La parfaite tranquillité du Dr Jekyll | Le Dr Jekyll était tout à fait tranquille |
The Carew murder case | L’assassinat de M. Carew | IV- L’assassinat de Sir Danvers Carew | L’affaire du meurtre de Carew |
Incident of the letter | La lettre mystérieuse | V- L’incident de la lettre | Incident de la lettre |
Remarkable incident of Dr Lanyon | La remarquable aventure du docteur Lanyon | VI- Le remarquable incident du Dr Lanyon | Remarquable incident du Dr Lanyon |
Incident at the window | Apparition à la fenêtre | VII- L’incident de la fenêtre | Incident à la fenêtre |
The last night | La dernière nuit | VIII- La dernière nuit | La dernière nuit |
Dr Lanyon’s narrative | Récit du docteur Lanyon | IX- La narration du Dr Lanyon | Récit du Dr Lanyon |
Henry Jekyll’s full statement of the case | Henry Jekyll donne sa version complète de l’affaire | X- Henry Jekyll fait l’exposé complet de son cas | Déposition complète de Henry Jekyll sur l’affaire |
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