La négritude
Mémoire : La négritude. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Salia Coulibaly • 30 Octobre 2019 • Mémoire • 3 457 Mots (14 Pages) • 494 Vues
INTRODUCTION
La période de l’entre-deux guerres voit les langues se déliées en Europe et singulièrement en France. Avec le développement de l’industrie culturelle et de la technologie, c’est une nouvelle génération d’hommes avides d’informations et aspirant à beaucoup plus de liberté qui voit le jour. C’est dans ce contexte que naît la négritude dans les milieux intellectuels noirs.
Le terme « négritude » voit le jour pour la première fois sous la plume du poète et homme politique français Aimé Césaire (1913-2008) dans le troisième numéro de la revue L’Etudiant noir en juin 1935. Il est remis au goût du jour dans la première publication du Cahier d’un retour au pays natal en 1939. De façon générale, ce vocable désigne l’ensemble des caractéristiques et valeurs culturelles des peuples de race noire, revendiquées comme leur étant spécifiques, ainsi que l’appartenance à cette race.
Césaire fera par la suite des émules dont l’un des plus connu demeure Léopold Sédar Senghor. En Côte d’Ivoire, l’un des illustres représentants de ce courant de pensée reste Bernard Dadié. Connu comme le précurseur de la littérature ivoirienne, toute son œuvre est fortement inspirée l’idéologie négritudienne. Dans La ronde des jours, recueil de poèmes paru en 1956, le poète procède à la valorisation de l’Afrique et de l’homme noir.
La présente étude aura pour principal objectif de déceler les mécanismes par lesquels à la réhabilitation du Noir à une époque où il est déshumanisé. Pour ce faire, l’auteur articule son propos autour de trois principales notions. Ce sont : la dénonciation des injustices faites au Noir, la célébration de l’homme noir et de sa culture et l’appel à la « culture de l’universel » comme en écho à Léopold Sédar Senghor.
- LA DENONCIATION DE L’INJUSTICE
Comme dans tous les textes négritudiens et donc militants, La ronde des jours est avant toute autre chose une œuvre d’insurrection contre l’injustice. Ici, il s’agit des injustices dont font l’objet l’Afrique et le Noir. Elles sont d’ordres physiques et psychologiques.
- Les injustices physiques
La ronde des jours, par des images et un lexique approprié fait lire une Afrique et ses fils en pleins tourments physiques. Le poème intitulé Retour (p. 11) en donne un exemple patent avec la répétition anaphorique à travers le vers « Courbé sous le poids de mon indigence » (7 fois). Cette répétition marque le désir du poète d’insister sur les blessures physiques infligées à son peuple du fait de la traite négrière, des déportations et des travaux forcés devenant ainsi des gens « toujours ballottés par les flots » (Nous sommes de ceux… ; p. 43). Dans ce recueil, le lexique relatif à la souffrance foisonne : « douleur ; meurtri ; homme en guenilles ; peine ; tombe » (idem). Toutes ces blessures ont fini par faire de l’Afrique un être en pleurs que le poète veut consoler. Pour ce faire, c’est la figure de personnification dont il use à travers les premiers vers du poème intitulé « Sèche tes pleurs ! » (p. 33) :
Sèches tes pleurs, Afrique !
Tes enfants te reviendront
Dans l’orage et la tempête des voyages infructueux.
A l’époque de l’écriture et de la publication de ce recueil, la traite négrière était déjà officiellement abolie et l’esclavage officiellement interdite. Alors les séquelles de la colonisation sont surtout psychologiques et le poète ne manque pas de le souligner.
- Les blessures psychologiques
Bernard Dadié dépeint dans son recueil une Afrique malmenée, une Afrique « courbée sous le poids de son indigence ». Comme nous le rappelions plus haut, l’œuvre parait quelques années après la fin de la seconde guerre mondiale à laquelle des milliers d’africains avaient été forcés de prendre part et dont les survivants sont rentrés très affectés psychologiquement et surtout sans la reconnaissance espérée. Ce qui fait dire au poète :
Dans le partage
Des trésors amassés en commun
J’ai eu le lot
Du mercenaire et de l’apatride. (Retour ; p. 11)
Le recueil donne à lire, une nouvelle fois à travers la personnification, une Afrique tiraillée et déboussolée par les contradictions entre le langage officiel occidental et le supplice infligé au quotidien au Noir :
« Courant à ton autel même,
Dans la posture de l’humble pèlerin,
Je t’ai dit ma prière,
Pensant qu’au sortir du lieu,
Les hommes, par charité,
Me laisseraient en repos.
Mais tes fidèles sont venus et du seuil,
M’ont rejeté en ma solitude
Et sur les routes du désert » (Retour ; p. 12)
Tiraillé de toutes parts, le poète semble ne trouver son échappatoire dans le rêve.
« Je suis l’homme dont les rêves
Sont aussi multiples que les étoiles
Plus bruissants qu’essaims d’abeilles
Plus souriants que sourires d’enfants
Plus sonores qu’échos dans les bois » (Feuille au vent ; pp. 20-21)
Ici, plutôt que simple phénomène naturel, le rêve désigne l’espoir. C’est l’espoir d’un homme qui tente de trouver sa place dans un monde où il est tiraillé entre ces deux cultures.
« je suis l’homme dont on se plaint
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