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La Lorely

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Par   •  1 Novembre 2021  •  Dissertation  •  2 865 Mots (12 Pages)  •  330 Vues

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Commentaire de texte :  

La Loreley

La Loreley est un poème qui s’inspire  des mythes et des figures légendaires, de Guillaume Apollinaire qui appartient au recueil Alcools (1913). Il fait partie dudit « Cycle Rhénan », d’entrée, il y a une indication de lieu très précise « Bacharach », une petite ville allemande connue pour son excellent vin blanc que le poète a dû apprécier en son temps, bon vivant comme il était. C’est durant le séjour de l’auteur en Allemagne, en Rhénanie, où il a été précepteur de la fille de la vicomtesse de Milhau qu’Apollinaire va s’éprendre de la jeune gouvernante Annie Playden qui finira par l’éconduire et il va écrire les neuf poèmes constituant ce cycle. Le poème « Les cloches » précède La Loreley, d’apparence légère, il cache pourtant un drame à venir, celui de la séparation avec la jeune femme aimée, le drame de toute la vie d’Apollinaire. Il est suivi du poème « Schinderhannes », cela évoque de façon très caricaturale le repos du guerrier, le combat des chevaliers précédemment perdu, car il a déposé les armes contre la beauté ensorcelante de La Loreley. Dans ce poème qui est donc central, nous ne trouvons aucun paysage urbain, cela va renforcer le côté merveilleux de ce poème qui commence d’ailleurs tel un conte d’autrefois par, ligne1 : « il y avait une fois » et par l’imparfait employé, il nous renvoie bien au passé. Ce poème, de dix-neuf strophes composées essentiellement de distiques, majoritairement des alexandrins de rimes suivies, est dédicacé à son ami Jean Sève, qu’il a connu alors qu’il était au lycée de Nice. La Loreley est aussi le nom du rocher où la sirène aux cheveux blonds, par son chant envoûtant, menait les matelots à leur perdition au fond de l’eau. L’eau qui s’écoule, l’eau destructrice et qui nettoie, cet élément liquide cher à Apollinaire. Cela renvoie aux sirènes d’Ulysse et une fois encore à ces femmes cruelles, manipulatrices et sans cœur qui font le malheur du poète. Dans un premier temps, nous verrons pourquoi Apollinaire propose son texte comme un conte, ensuite quel est le véritable pouvoir de la Loreley, puis pourquoi cet amour se finit mal.    

I Entre traditions et modernité.

Réappropriation de sagas germaines

Le poème reprend un thème classique des légendes germaniques, puisque typologiquement parlant, La Loreley est autant un rocher qu’une sirène célèbre. Nous retrouvons le champ lexical du merveilleux au vers 1 : « sorcière », au distique 14 avec : « chevaliers et château ». Ce poème assez long développe une intrigue dans l’espace et dans le temps, comme les contes. La Loreley chante pour attirer les hommes afin de les perdre ; il y a donc le chant qui rappelle que les contes étaient autrefois chantés. Il y a une certaine musicalité dans ce poème, au vers 2 : « la ronde », la ronde de la danse macabre, que nous avons vu évoquer dans le poème « Marie ». L’oxymore à la fin du vers 1 : «  sorcière blonde » n’est pas sans rappeler l’ambiguïté de certains personnages imaginaires ; là, la blondeur de la chevelure peut nous faire penser à la chevelure des anges, alors qu’on dit d’elle qu’elle est une sorcière, puis cela renvoie à la lumière divine et la noirceur de la sorcellerie. Bien entendu, l’absence totale de ponctuation mêle à nouveau le désir de modernité de l’auteur à celui des traditions antiques. Nous faisons facilement le parallèle avec Méduse, devenue Gorgone et qui par vengeance de sa condition, à cause du viol pourtant qu’elle a subi, va d’un regard elle aussi tuer les hommes qui s’approcheront d’elle, au distique 4 : « mes yeux sont maudits » ainsi que le 9 : «  Si je me regardais il faudrait que j’en meure ». La conjonction temporelle « puis » au distique 13 sépare bien l’histoire en deux temps, cela donne un côté initiatique que l’on retrouve dans la plupart des contes ; une fois nous sommes au tribunal et ensuite il y a un mouvement qui nous amène au-dehors, c’est le destin de Loreley qui se met en marche.

Le Rhin ; source inépuisable de magie

Le Rhin qui est nommé dans les trois derniers distiques est employé anaphoriquement, afin de bien souligner l’importance et la fascination de ce puissant fleuve. Là où tout commence et là où tout finit, c’est la boucle, le cercle qui est de nouveau bouclé. Le Rhin était à l’origine le lieu où Dieu rendait ses jugements et l’endroit où l’on éprouvait la fidélité des femmes de façons très cruelles. C’est l’eau favorable à l’innocence, hostile à l’impureté et vengeresse du crime, créature de Dieu qui va émettre son jugement, là, La Loreley va s’y abîmer corps et âme, cela signifie qu’elle n’était donc pas digne de l’amour que l’auteur lui portait. Elle n’ira donc pas au couvent des vierges au vers 30. Le reflet que va lui renvoyer l’onde lui sera fatal, dernier distique : « Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley ». La nacelle qu’elle voit arriver, à moins que ce ne soit que supercherie du fleuve charriant du bois mort comme un frêle esquif entouré de brume, va inciter la sorcière à se pencher, elle n’est peut-être que victime d’une simple hallucination produite par l’amour qu’elle voue à son amant. Est-ce que ce bateau n’est pas sans nous rappeler celui de Charon, le passeur d’âme de la mythologie antique ? Le lecteur est libre de le penser peut-être comme tel. Cependant, elle semble être presque délivrée de sa propre malédiction, cette apparition l’apaise, elle se prépare à se donner aux flots au vers 35 : « Mon cœur devient si doux c’est mon amant qui vient ». Le Rhin aurait alors à son tour ensorcelé Loreley. Nous sommes en droit de nous poser la question sur sa mort : est-elle vraiment accidentelle puisqu’elle ne fait que se pencher, ou réellement intentionnelle ? Peut-être que l’eau lui a renvoyé son maléfice et que, hypnotisée, elle chute comme tous les hommes qui ont chuté avant elle par sa faute. Mais ce thème nous fait penser au mythe de Narcisse, la Loreley devient alors une figure légendaire. Apollinaire écoutait peut-être en chanson le poème épique de Richard Wagner : « L’Anneau des Nibelungen » lorsqu’il écrivit La Loreley.

La force des échanges

C’est dans la narration du poème même que l’ambiance nous rappelle celle des contes. Les deux premiers distiques plantent le décor, ensuite, nous passons aux premières séquences narratives. Ici pas besoin de ponctuation, c’est parfaitement clair, les distiques se répondent entre eux. Le troisième c’est l’évêque qui interroge la belle Loreley, le quatrième, c’est La Loreley qui lui répond, c’est magnifiquement orchestré. Cela donne une dynamique de lecture musicale avec les quatre fins de rimes suivies en « I » ce qui est propre au distique. À la cinquième, c’est toujours la Loreley qui a la parole et qui plaide, en sa défaveur, la trop grande indulgence qu’a le prélat à son encontre. Le point de vue semble interne avec un discours direct, comme si tour à tour Apollinaire était le juge et la sorcière. Cette double interprétation, faite de rimes masculines, va s’opposer alors ensuite dans la seconde partie avec des rimes féminines, celles où La Loreley va reprendre l’ascendant sur sa vie. L’irrégularité du mètre conduit les transitions entre les différentes séquences, de l’incipit à la première à la seconde séquence, spécialement avec le vers de seize pieds du distique 13. Dans le distique 11, la narration revient à une focalisation externe, l’intensité dramatique retombe, nous changeons de temps puisque nous sommes à nouveau dans le passé. Puis, d’autres personnages font leur apparition, ce sont les trois chevaliers au vers 21 : « L’évêque fit venir trois chevaliers », trois étant aussi un chiffre primordial dans de nombreux contes. On y retrouve aussi le champ lexical de la chevalerie : «  sorcière, chevaliers, leurs lances, couvent, château ». Une réelle menace commence à se faire sentir, les choses semblent accélérer, nous serons dans le lexique de la folie et de la démence. Le fait qu’au vers 23 l’évêque écorche le nom de la sorcière : « Va-t’en Lore en folie va Lore », cette décapitation du nom n’est pas sans rappeler évidemment « Salomé » et la tête de Jean Baptiste, cette peur qu’a Apollinaire de la guillotine.

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