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L'ile des esclaves

Commentaire d'oeuvre : L'ile des esclaves. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  5 Mars 2019  •  Commentaire d'oeuvre  •  3 136 Mots (13 Pages)  •  1 007 Vues

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Marivaux est né en 1688 et est mort en 1763. Il appartient donc, à l’instar de Montesquieu (1689-1755), au « Siècle des Lumières », et l’on peut dire qu’il n’est pas étranger à ce mouvement littéraire et culturel qui traverse le siècle, sans qu’on puisse le réduire à cela, tout de même. Son œuvre théâtrale est construite toute entière sur la mise en cause des apparences. Le « masque » des personnages est souvent, chez Marivaux, une façon de parvenir à la vérité. Une vérité qui est approchée dans une grande liberté d’esprit, puisqu’il s’agit en effet de faire triompher, chaque fois que possible, une certaine liberté.

Cette liberté, il faut bien le rappeler, c’est avant tout la liberté du théâtre. Le théâtre est en effet chez Marivaux le lieu où cette liberté s’exprime, le lieu où l’on peut remettre en question une partie des fonctionnements habituels de la société. C’est en effet le cas dans L’île des esclaves, qui est une pièce écrite en 1725.

Le rideau vient de se lever, le spectateur attiré par le titre de cette pièce aux allures lointaines, ne sait pas trop à quoi s’attendre. Marivaux est connu pour être un dramaturge de comédies et son titre évoque au contraire une thématique des plus sérieuses. Il attend donc des informations que la scène d’exposition est supposée lui apporter.

I        Le cadre spatio-temporel

Traditionnellement, une exposition théâtrale fournit au lecteur, comme au spectateur, des indications relatives au cadre spatio-temporel de l'action. En ce sens, l'ouverture de L’île des esclaves reste en partie classique

A        Le cadre spatial

        1        Didascalie initiale

Dès la première phrase de la didascalie initiale, le lieu est posé « la scène est dans l’île des esclaves » « le théâtre représente une mer et des rochers d’un côté et de l’autre quelques arbres et des maisons ».

Le spectateur peut alors très rapidement se repérer d’après soit un décor cartonné représentant cet espace en arrière-plan, soit des éléments sonores rappelant le bruit des vagues. Tout est question de choix scéniques que fera le metteur en scène.

Dès le lever du rideau, avant même que les personnages n’apparaissent, le décor apparaît portant le spectateur vers un monde éloigné du sien, un monde exotique peut-être même paradisiaque puisqu’en bord de mer.

A noter la présence humaine de par « des maisons » au pluriel qui nous laisse entrevoir une communauté vivant sur cette île. Serait-ce de bons sauvages ?

                2        Paroles des personnages

L’île qui nous est présentée par les décors l’est très vite par la parole des personnages et notamment par celle d’Iphicrate. C’est une île apparemment connue étant donné que celui-ci dit : « nous sommes dans l’île des Esclaves ». L’article ainsi que le complément du nom marqué par la majuscule indique que ce n’est pas n’importe laquelle. Son nom est quelque peu inquiétant. (Aucune didascalie n’est présente si bien que toutes les interprétations tonales sont possibles pour rendre compte de la majuscule. On pourrait alors imaginer un Iphicrate insistant sur le début du mot ou encore faire une légère pause avant de prononcé ce terme). Les maisons seraient alors celles des esclaves. L’hypothèse du bon sauvage s’écarte ainsi de notre imaginaire. L’île ne serait plus le cadre idyllique pensé mais serait davantage une menace que son univers encerclé par l’eau et donc fermé laisse entendre. La fuite semble même difficile.

        B        Le cadre temporel

Le cadre temporel n’est pas explicitement présenté. Le spectateur demeure indécis. En effet, la réplique d’Iphicrate à savoir « des esclaves de la Grèce révoltés (…) à qui depuis 100 ans sont venus s’établir dans une île » nous laisse entendre que la scène se déroulerait à l’époque antique. D’ailleurs le nom Iphicrate conforterait cette thèse.

Cependant le lexique employé ne correspond guère à cette époque. Tout d’abord le nom d’Arlequin nous amène vers une époque plus moderne, nous rappelle la commedia dell’arte soit le 16e siècle.  Puis « badin » est un terme apparu à l’époque médiévale tout comme « patron ».

Nous pouvons alors penser que la scène se déroule à une époque atemporelle. Dès lors, les costumes, accessoires permettant de cibler l’époque dans laquelle se déroule l’action, sont muables en fonction des metteurs en scène et de leurs choix.

Certes les termes « esclaves » (x3) et « esclavage » arrêtent la temporalité en 1948, date de la déclaration universelle des droits de l’homme. Néanmoins, comme Arlequin emploie le terme « patron » au lieu de « maître » pour désigner Iphicrate en ce début de passage, il est facilement possible de présenter l’action de cette pièce à une époque contemporaine.

II        Les personnages

        A        Identité

Comme il est d’usage les personnages sont également présentés et ce très rapidement puisque la scène s’ouvre avec la première réplique « Arlequin ». Le spectateur averti, si le metteur en scène décide de l’habiller comme il est de coutume, peut facilement l’identifier de par son costume de losanges bariolés. Pour le second personnage, il lui faudra attendre quelques minutes pour enfin entendre « Monsieur Iphicrate » et l’identifier alors pleinement.

Les personnages s’identifient au public = double énonciation.

        B        Relation entre les personnages

Dès la seconde réplique, nous savons qu’Arlequin est le valet d’Iphicrate étant donné que celui-ci répond « mon patron ». Les relations entre les personnages sont donc très rapidement mises en place et nous situe dans un cadre comique classique.

Effectivement, comme il est de coutume, le maître comme pour affirmer sa supériorité tutoie son valet. Les répliques à savoir : « cela ne te suffit-il pas ? », « que veux-tu dire ? » ou encore « as-tu perdu l’esprit » le confirment. Le valet au contraire vouvoie son maître (« je vous plains », « je vous donnerai le reste »..). Comme tout maître classique, celui-ci n’hésite pas à donner des ordres à son valet. L’usage de l’impératif est conventionnellement présent comme dans : « Parle donc », « cherchons », « avançons » et « dis-moi » lui confère une intonation catégorique, propre au maître. Le nom lui-même d’Iphicrate nous rappelle d’ailleurs qu’il est le dominant tout comme le fait que ce soit lui qui apparaisse en premier dans la didascalie « Iphicrate avance». Par cette didascalie, le metteur en scène comprend qu’il doit amener le spectateur à regarder le maître en premier, à avoir son regard porté vers lui dès le lever du rideau.  Ce n’est donc pas anodin que ce soit lui qui prenne en premier la parole. Néanmoins nous verrons par la suite que cette relation est très rapidement controversée.

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