L'art de la Conversation chez Molière
Commentaire d'oeuvre : L'art de la Conversation chez Molière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mana8586 • 9 Septembre 2017 • Commentaire d'oeuvre • 1 978 Mots (8 Pages) • 921 Vues
Question II
L'art de la conversation chez Molière
Dans de nombreuses scènes de ses pièces de théâtre, Molière fait intervenir de véritables conversations telles qu'elles se déroulaient dans les salons mondains parisiens du XVIIème siècle. A travers Le Misanthrope et Les Femmes savantes, nous allons discuter des préceptes généraux mis en avant dans les textes de Bouhours et de Scudéry, afin de distinguer les notions et pratiques communes aux textes « théoriques » et aux comédies. Puis nous analyserons de quelle manière Molière traite ces conversations à l'aide de quelques scènes.
Des textes que nous appellerons plutôt « théoriques » de Bouhours et de Scudéry, ressortent différentes notions et pratiques quant au sujet de l'art de la conversation. C'est pourquoi, nous allons commencer par traiter les principes avancés par Madeleine de Scudéry, puis nous viendrons à ceux du père Bouhours, avant de voir ce que l'on peut retirer de commun à ces différents préceptes.
Tour d'abord, il est important de mentionner que Madeleine de Scudéry lie intimement l'art de la conversation à la technique, d'où la notion d'apprentissage, fort présent chez elle. Loin d'être un simple passe-temps, la conversation relève de l'art de plaire. La théorie de Scudéry s'axe sur l'éducation et l'apprentissage des bons usages. Toutefois, Madeleine de Scudéry insiste sur le fait que la technique acquise à travers l'éducation ne doit pas se faire sentir, afin de maintenir l'illusion du naturel. Au sein du cercle mondain, toutes les conversations ne sont pas adéquates, d'ailleurs les femmes ne doivent pas donner l'impression d'être trop savantes, sous peine de paraître ridicules. Il est essentiel, dans la conversation, de se conformer à un certain code afin que celle-ci soit plaisante, ainsi les femmes posent couramment des questions auxquelles les hommes peuvent apporter les réponses pour que l'harmonie de la conversation demeure.
Quant à Bouhours, il base sa morale sur la notion du bel esprit. Celui-ci attache une grande importance à l'aspect sincère du bel esprit; qui doit plaire par essence, en étant naturel, sans flatterie ni aucun déguisement. En effet, le père jésuite compare le bel esprit à un diamant, car il respecte les canons de la forme, mais également ceux du fond et tout cela uniquement grâce à l'inné et au naturel. Cette même notion d'inné oppose la théorie de Bouhours à celle de Faret, selon laquelle le courtisan, pour suivre les préceptes de l'honnêteté mondaine, est invité à masquer, du moins une partie, son vrai visage.
Dans sa théorie, Bouhours distingue trois types de bel esprit : le premier est l'esprit des lettres qui comporte les notions scientifiques et le discernement. Ensuite, vient l'esprit du poète, celui-ci sait plaire et manie habilement la forme et pour finir, l'esprit juridique qui gère les affaire politiques tout en faisant preuve de lucidité et de raison.
Dès lors, à travers certaines scènes choisies dans Les Femmes savantes et Le Misanthrope, nous allons voir comment et dans quels buts, Molière utilise ces préceptes généraux dans ses comédies.
Dans Les Femmes savantes, Molière place une scène de conversation tout à fait grotesque, dans laquelle Trissotin, un poète dont le talent laisse quelque peu à désirer et dont l'estime est pour le moins surdimensionnée, fait part de l'une de ses créations à une assemblée des femmes, qui se pâment à l'écoute de ses vers (Acte III, scène I et II). La composition de Trissotin ne présente absolument pas les critères de bel esprit que le père Bouhours avait énoncé. Le sonnet de ce piètre poète est pour le moins vide de sens et le style tout à fait ordinaire. Au vu du fond de ce poème, fort est de constater, que Trissotin est passablement dénué d'esprit; quant à la forme, le style est très peu élaboré et les mots plutôt mal choisis. Il est dès lors difficile de qualifier Trissotin de bel esprit. De plus, ce personnage ne semble absolument pas se rendre compte de son inconsistance et agit comme un maître dans l'art de disserter. Cela met encore en avant l'un des défauts de Trissotin qui est de se surestimer et donc de ne point être capable de discernement. A travers ce risible portrait de Trissotin, on constate que Molière nous incite à respecter les règles et les usages présentés par le père Bouhours, sous peine de ressembler au médiocre poète dont il se sert pour illustrer un parfait contre-exemple du bel esprit.
Le personnage caricatural de Trissotin n'est pas l'unique illustration des préceptes théoriques. En effet, l'assemblée de femmes qui se délecte des vers du médiocre poète, peut-elle aussi servir de comparaison avec les principes de Madeleine de Scudéry. Pour commencer, selon Mademoiselle de Scudéry, les femmes ne doivent point être trop savantes afin de demeurer plaisantes dans la conversation. Dans Les Femmes savantes, celles-ci vont tout à fait à l'encontre de cette notion, car elles vont jusqu'à se flatter d'être érudites. De plus, elles ne cessent de tenir des propos scientifiques, philosophiques sans constater que ceux-ci n'apportent rien, si ce n'est qu'ils renforcent leur ridicule. Déjà ici, on remarque que leur capacité de jugement est quasiment inexistante, mais cela est d'autant plus mis en valeur par l'ardeur qu'elles utilisent à flatter les tristes vers de Trissotin. En faisant pleuvoir les compliments à chaque vers du sonnet du mauvais poète, Molière exagère encore l'incapacité de ces femmes à discerner le beau du médiocre (« Lui seul des vers aisés possède le talent! »). Le ridicule du comportement de cette assemblée est clairement montré à travers les exclamations ( « Ah, le joli début! ») qu'elles profèrent à chaque vers, alors qu'il est évident que le poème n'a aucune valeur. A la suite de la lecture de Trissotin, les femmes continuent à débattre de science, de philosophie afin de mettre en avant leur propre savoir, chacune cherche à montrer son éducation, ce qui est contraire au bon usage présenté par Scudéry. Ici encore, on constate que les règles de la conversations comme on l'entendait à l'époque, dans les salons mondains, ne sont pas respectées. Molière, dans ces scènes, nous montre au travers de caricatures extrêmes où peut mener le refus d'appliquer les règles en vigueur pour la conversation.
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