L'Ecume des jours, Boris Vian

L’écume des jours, de Boris Vian

Introduction

Présentation du texte

20 mars 1947, date d’après-guerre, est publié « L’écume des jours » de Boris Vian. Ce roman, entre fiction et tragédie, est profondément imprégné du mouvement surréaliste, caractérisé par le rejet des règles d’écriture conventionnelle et la volonté d’imager la réalité.

L’écume des jours incarne de par les sujets abordés et la forme, le sentiment général de cette période de reconstruction ; il est l’envie de rire et l’envie de se révolter, l’envie de plaire et de critiquer.

Boris Vian utilise beaucoup de sa propre personne et de ses passions pour écrire ce roman ; étant musicien jazziste, auteur et poète, il incorpore au récit de nombreuses références à de véritables musicien tel que Duke Ellington, mais il fait aussi l’utilisation de mots valises afin de créer des situations comiques à la limite entre réel et fictif.

L’enjeu est d’ailleurs de comprendre comment l’auteur parvient-il à allier réel et fictif afin de critiquer la société qui l’entoure ?

Pour définir la réponse à cette problématique, il conviendra d’abord de montrer comment l’auteur représente le réel dans son récit, puis comment il y incorpore l’imaginaire, et enfin il sera montré comment l’auteur créer une synergie des deux notions afin de construire son propre univers.

Résumé 

Le roman s’ouvre sur la vie quotidienne de Colin, riche jeune homme qui vit en compagnie de son cuisinier, Nicolas. Son ami Chick lui rend visite pour dîner ; lui est plutôt pauvre et dilapide tout son argent dans sa passion pour le philosophe Jean Sol-Partre. Il lui raconte sa rencontre avec Alise, dont il est tombé amoureux et invite colin à leur prochain rendez-vous. Lors de celui-ci, ils rencontrent Isis, qui les invite à une soirée le lendemain. Colin y rencontre l’amour de sa vie, Chloé. Chick leur arrange alors un rendez-vous ; les deux vivent une vie paisible et idyllique.

Colin se marie avec Chloé, un mariage à l’organisation compliquée et au clergé grotesque. S’en suit leur nuit de noce, ou Chloé attrapa froid, c’est ici que commencera le calvaire de ce couple heureux.

En rentrant de leur Lune-de-Miel, Colin se rend compte du trou financier occasionné par le mariage. Il en vient malgré tout à donner de l’argent à Chick qui le lui en réclame pour sa passion envers Partre. Puis, Chloé fait un malaise, un médecin lui trouve un Nénuphar dans le poumon. Elle doit boire très peu d’eau et s’entourer de fleurs pour arrêter sa croissance. En parallèle, Alise veut épouser Chick mais ceux-ci n’ont pas les moyens à cause des dépenses excessives de celui-ci.

Colin ne trouve pas d’emploi. Il doit vendre ses biens pour survivre et soigner Chloé. Mais son état se dégrade brusquement, le nénuphar faisant faner les fleurs censées la soigner.

Il trouve alors un travail ; puisant sa chaleur et sa jeunesse. Alors qu’il eut un vieillissement accéléré, Alise décide d’assassiner tous ceux qu’elle juge coupable de l’addiction de Chick, elle brûle des librairies, tue leur libraire, et assassine Jean-Sol Partre. Chick meurt lors d’une intervention de la police pour récupérer ses impôts. Enfin, c’est au tour de Chloé de mourir, épuisée par le Nénuphar. Colin, pauvre et seul, n’a plus assez d’argent pour organiser un enterrement à Chloé. Une souris de l’appartement observe sa détresse, dépourvu de toute volonté de vivre. La souris place alors sa tête entre les dents d’un chat complaisant à qui elle raconta cette histoire, elle aussi prête à en finir.

I. Le réel dans le roman

1.  L’art et l’amour utilisés dans le roman comme un moyen de s’exprimer et de se révolter

- SUPERFICIALITÉ

Dans l’Écume des Jours, un des personnages fréquemment mentionnés est Jean-Sol Partre, contrepèterie évidente de Jean-Paul Sartre, grand philosophe du XXe siècle. Dans l’histoire, il est décrit tel le gourou d’une secte, idolâtré par des fidèles qui boivent ses paroles sans les écouter. Vian critique alors le monde intellectuel parisien à l’époque de la parution de « La Nausée », oeuvre la plus célèbre de Jean-Paul Sartre, où tout Paris semblait vouer un réel culte à ce livre.
Le personnage de Chick représente d’ailleurs un de ces fidèles qui vénère « Paradoxe du Dégueulis », parodie de "La Nausée" sans même comprendre l’oeuvre, comme le montre ce moment du récit:

« Chick ne peut réellement pas se passer de Partre, il n’aura pas l’idée de rechercher quoi que ce soit d’autre, […] Partre passe ses journées sans un débit, à boire et écrire […] cela remue les idées du fond et on en pèche une ou l’autre, [...] , on met un peu d’idées et un peu de superflu, on dilue. Les gens absorbent ces choses là plus facilement. »

- MUSIQUE et AMOUR

Ensuite, la musique et l’amour semblent être personnifiés par Chloé. En effet, Vian n’a pas manqué les occasions de rappeler au lecteur que Chloé est non seulement l’amante de Colin, mais aussi le titre d’une chanson de Duke Ellington, une figure importante du monde du jazz au XXe siècle.
Aussi, les sentiments de Colin envers Chloé semblaient superficiels, en tout cas au début de leur aventure. En effet, comme le souligne « Je voudrais être amoureux, dit Colin » l’amour n’est pas venu à Colin, mais Colin est venu à l’amour, par ennui dans son quotidien parfait et agréable. D’ailleurs, la raison pour laquelle Colin a choisi Chloé comme amante est pour son prénom.

2.  La critique du travail, de l’église et l’antimilitarisme dans le récit qui témoigne des injustices de la vie réelle

- RELIGION et AGENTS DE FORCE

Après le mariage de Colin et Chloé commencent les réels problèmes, et Vian profite de ce chaos pour critiquer la société et ses institutions. L’autorité publique et religieuse est décrite comme corrompue. En effet, comme le montre « Je vous avais invité à mon mariage, dit Colin.
- C'était réussi, dit Jésus, je me suis bien amusé. Pourquoi n'avez-vous pas donné plus d'argent, cette fois-ci?», dialogue entre Colin et Jésus dans un lieu sacré après le décès de Chloé, l’église, représentée par Jésus en personne, est montrée comme obnubilée par l’argent, sans égard pour les Hommes, et montre effectivement que l’église ne ressent pas une once de culpabilité lorsqu’elle laisse l’enterrement de Chloé se faire dans des conditions déplorables, en effet, son cercueil est vulgairement jeté par une fenêtre.

Les forces de l’ordres, dans le récit sont aussi impitoyables que l’église, puisque « Nous allons les piétiner, dit le sénéchal. Je pense que vous serez mort dans quelques minutes. » le démontre lorsque des policiers battent à mort Chick avec seul prétexte qu’il n’ait pas payé ses impôts. Vian souligne ici les abus de pouvoirs des forces de l’ordre survenus en masse après la guerre.
Par ailleurs, tous les policiers se nomment « Douglas », ce qui créé un sentiment de communauté impersonnelle, où, finalement, aucun officier n’est différent d’un autre.

- MONDE DU TRAVAIL

Finalement, au long de l’histoire, le travail est présenté par l’auteur en tant qu’une obligation absurde. Il utilise tous ses personnages en leur donnant le même avis que lui. Dans le livre, le travail est montré comme impersonnel, les salariés mourant sans réaction des autres et étant remplacés en un coup de fil. Puisque « S’ils avaient le temps de construire les machines, après ils n’auraient plus besoin de rien faire. Ce que je veux dire, c’est qu’ils travaillent pour vivre au lieu de travailler à construire des machines qui les feraient vivre sans travailler. » le souligne, l’auteur dénonce la société qui rythme sa vie sur le travail comme si c’était la chose la plus importante, au lieu de travailler dur, temporairement, afin de profiter pleinement de la vie par la suite. Le monde du travail, le monde adulte, fait peur aux personnages de Vian, jeunes adultes en pleine transition vers cet univers.

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