Incipit de Bel Ami de Bel Ami
Commentaire de texte : Incipit de Bel Ami de Bel Ami. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ilu310 • 27 Février 2017 • Commentaire de texte • 1 451 Mots (6 Pages) • 1 417 Vues
Guy de Maupassant ,Bel-Ami 1885
Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant.
Comme il portait beau par nature et par pose d'ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d'un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui s'étendent comme des coups d'épervier.
Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d'un chapeau toujours poussiéreux et vêtue toujours d'une robe de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette gargote à prix fixe.
Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu'il allait faire. On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. C'était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette.
Il marchait ainsi qu'au temps où il portait l'uniforme des hussards, la poitrine bombée, les jambes un peu entrouvertes comme s'il venait de descendre de cheval ; et il avançait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les épaules, poussant les gens pour ne point se déranger de sa route. Il inclinait légèrement sur l'oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi, et battait le pavé de son talon. Il avait l'air de toujours défier quelqu'un, les passants, les maisons, la ville entière, par chic de beau soldat tombé dans le civil.
Quoique habillé d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse, un peu commune, réelle cependant. Grand, bien fait, blond, d'un blond châtain vaguement roussi, avec une moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d'une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne, il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires.
En quoi cet incipit réaliste remplit-il son rôle ?
Bel-Ami, publié en1885 est un roman d'apprentissage dans lequel Guy de Maupassant décrit d' une manière quasi naturaliste l'ascension sociale de Georges Duroy,un ambitieux qui réussit en séduisant les femmes. Cet extrait constitue l'ouverture du roman, passage très important dans lequel l'auteur introduit ses choix narratifs.
Le début de Bel Ami joue-t-il pleinement son rôle d' incipit réaliste ?
Dans une première partie, nous étudierons les éléments permettant de poser le cadre spatio-temporel et ,dans un second temps, nous observerons quelles informations Maupassant délivre sur un personnage central bien ambigu.
Les indications spatiales sont précises restaurant, gargote,puis trottoir, la rue Notre-Dame-de-Lorette :l'action se déroule donc à Paris.La date est également très précise : on était au 28 juin. On suppose en soirée,après le dîner ,les dîneurs attardés , en été donc,la belle saison pour la séduction...
C'est un début in medias res. Le lecteur est introduit d'emblée au cœur de l'action au sortir d' un restaurant qualifié de gargote (= mauvais ) et il progresse dans la ville en même temps que le personnage principal.
Le point de vue est omniscient :d'abord externe,le narrateur semble assister à la scène et décrit les actions du héros sortit, cambra, frisa sa moustache d'un geste militaire et familier.Puis dans le troisième et quatrième paragraphe, il fait découvrir au lecteur la brève indécision puis les pensées calculatrices de Duroy: se demandant ce qu'il allait faire, il réfléchit que .A la fin de l'extrait,le point de vue redevient externe : marchait, avançait, inclinait:Duroy passe à l'action .
Cet extrait présente donc une première caractéristique de l' incipit traditionnel en introduisant le cadre spatio-temporel et le personnage principal.Mais ce héros ne serait-il pas dépeint comme un anti-héros ?
C'est un homme séduisant,sûr de son charme sur les femmes et habile à se mettre en valeur malgré sa pauvreté, Il inclinait légèrement sur l'oreille son chapeau à haute forme assez défraîchi,/ Quoique habillé d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine élégance tapageuse. Et il obtient le résultat escompté :Les femmes avaient levé la tête vers lui.
Son passé militaire lui a laissé une certaine prestance ,[champ lexical = d'ancien sous-officier, d'un geste militaire ,il portait l'uniforme des hussards, descendre de cheval ; battait le pavé ,beau soldat, dans le civil] dont il joue sciemment non sans une certaine brutalité.
Et ce jeu de poses et postures il cambra sa taille, frisa sa moustache / la poitrine bombée, les jambes un peu entrouvertes (attitude « grossière qui met en valeur son entrejambe dans le but d'attirer l' intérêt des femmes) ajouté à son regard de joli garçon , constituent son atout de séduction, une arme ( c'est un ancien soldat,stratège dans la mise en place de son plan de séduction) dont il usera tout au long du roman et qui lui assurera plus que le boire , le manger et plus encore .
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