Enterrement du père Goriot
Fiche de lecture : Enterrement du père Goriot. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar alphabetdu32 • 18 Juin 2019 • Fiche de lecture • 2 706 Mots (11 Pages) • 989 Vues
Texte 6: G. L’enterrement de Goriot
Plan :
I/ L’ENTERREMENT DE GORIOT : L’ENTERREMENT D’UN PAUVRE
a) Le parti pris du réalisme
b) Le caractère sordide de l’enterrement
c) Une satire des conventions sociales
II/ LA FIN DE L’INITIATION DE RASTIGNAC
a) Evolution psychologique du personnage
b) La volonté exacerbée de conquête
Introduction :
Honoré de Balzac est considéré comme un des plus grands écrivains français de la première moitié du XIXe siècle, et comme le maître incontesté du roman réaliste. Le Père Goriot connut dès sa parution, en 1835, un immense succès. Il est un des romans clé de la grande entreprise littéraire de Balzac, La comédie humaine ; dont l'ambition est de décrire la société française de son temps.
Cet extrait ce situe à la fin du roman et cette fin est originale car elle est à la fois une fin fermée car Goriot meurt, mais aussi une fin ouverte avec la naissance de Rastignac. Le père Goriot est depuis le début passionné par ses filles et il se sacrifie pour elles. Mais celles-ci refusent de le voir et il en meurt de chagrin. Dans ce passage, le convoi arrive au Père-Lachaise. Il a agonisé tout seul dans des conditions misérables à la fois moralement et physiquement. La prière était très courte car il n'avait pas d'argent.
LECTURE
En quoi cet extrait marque t’il la fin de l’initiation de Rastignac ?
Nous verrons dans un premier temps que l’enterrement de Goriot est l’enterrement d’un pauvre, puis dans un second temps, nous verrons que cet enterrement marque la fin de l’initiation de Rastignac.
I/ L’ENTERREMENT DE GORIOT : L’ENTERREMENT D’UN PAUVRE
L’expression « le pauvre homme » (5) est à prendre dans deux sens : l’adjectif « pauvre peut évoquer à la fois la misère matérielle à laquelle Goriot est réduit, mais peut être pris aussi comme une marque de compassion à l’égard d’un homme mort de chagrin.
a) Le parti pris du réalisme
- Balzac évoque avec une précision scrupuleuse le déroulement des obsèques de Goriot.
- Il relate minutieusement :
- La mise en bière : L.1 à 4
- Le convoi jusqu’à la chapelle : L.4 à 13
- L’office funèbre : L. 14 à 20
- Le convoi jusqu’au Père-Lachaise : L.21 à 23
- L’inhumation : L. 23 à 28
- Il précise l’itinéraire suivi :
- De la rue Neuve-Sainte-Geneviève à Saint-Etienne-du-Mont (5-6)
- De Saint-Etienne-du-Mont au Père-Lachaise (23)
- Il précise même le titre des psaumes lus pendant l’office religieux : « le Libera, le De profundis » (16)
- Il décrit une réalité froide et crue, celle de l’enterrement, en ayant recours à un vocabulaire réaliste :
- Il choisit des termes conventionnels, liés aux pompes funèbres : « la bière », « les croque-morts », « le char », « voiture de deuil », « le corbillard », « les fossoyeurs ».
- Il choisit des images rappelant la dure réalité de l’ensevelissement : celle de « la fosse » (24) et des « quelques pelletées de terre sur la bière » (26), « la tombe » (30).
- Cette froideur est aussi sensible dans la désignation du Père Goriot qui n’est plus qu’un « corps » (6 ; 21 ; 23) > déshumanisation du personnage.
TR A/B : le récit des obsèques de Goriot est donc mené avec précision et sans enjolivement, ce qui permet à l’auteur d’en révéler le caractère sordide.
b) Le caractère sordide de l’enterrement
- Le choix des lieux et du moment accentue le misérabilisme de la scène :
- L’office funèbre a lieu « à Saint Étienne-du-Mont, église peu distante de la rue Neuve-Sainte-Geneviève » (5-6) c’est-à-dire dans le même quartier miséreux que celui où Goriot à passer sa vie et finit ses jours. L’office n’a pas lieu dans l’église mais dans une « chapelle » de cette église, elle-même caractérisée négativement : elle est « petite », « basse et sombre » (6-7).
- Le moment choisi, « un humide crépuscule » (30) est symbolique du passage de la vie à la mort et est propice à la mélancolie : il « agac[e] les nerfs » (30) de Rastignac.
- La cérémonie est bâclée, expédiée le plus rapidement possible.
- Toutes les interventions du clergé sont précisément chronométrées et la cérémonie dure en tout et pour tout une cinquantaine de minutes
- L.16-17 : « Le service dura vingt minutes »
- L.20 : le prêtre veut « aller vite, afin de ne pas [s’]attarder », arguant qu’ « il est cinq heure et demie »
- L.23 : « A six heures, le corps du Père Goriot fut descendu dans sa fosse. »
- L’assistance n’attend même pas que le cercueil soit recouvert pour s’éclipser :
- L.23 à 25 : « A six heures, le corps du père Goriot fut descendu dans sa fosse autour de laquelle étaient les gens de ses filles, qui disparurent avec le clergé aussitôt que fut dite la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant. »
- Les fossoyeurs ne finissent même pas leur travail avant de demander leur pourboire :
- L. 25 à 27 : « Quand les deux fossoyeurs eurent jeté quelques pelletées de terre sur la bière pour la cacher […], l’un deux, s’adressant à Rastignac, lui demanda leur pourboire. »
- La rapidité avec laquelle on expédie la cérémonie renforce l’idée d’abandon de Goriot : même mort, il est abandonné, précipité dans l’oubli.
- Abandon du père par ses filles qui n’assistent pas à l’enterrement mais envoient leurs « gens » et leurs « deux voitures armoriées, mais vides… » (21-22) : l’alliance des deux adjectifs, « armoriées » et « vides », le second étant mis en relief grâce à la virgule et par la conj. de coord. « mais », marquant l’opposition, évoque symboliquement l’opposition entre le prestige de la position sociale élevée des deux filles et le vide de leur cœur, leur absence d’humanité/ Elles sont indignes et inhumaines mais les apparences sont sauves.
TR B/C : Outre l’attitude des filles, d’autres éléments révèlent la volonté de l’auteur de se livrer à une satire des conventions sociales.
c) Une satire des conventions sociales
Certaines situations et attitudes conventionnelles prennent une tonalité odieuse :
- Christophe est le personnage qui représente la réalité conventionnelle de tout enterrement : Il fait l’éloge du défunt (12-13), mais on peut douter de sa sincérité, et le discours prononcé ressemble à une parodie de condoléances :
- L’éloge est stéréotypé, cliché, impersonnel.
- Le discours est plus une obligation morale que l’expression d’une réelle compassion :
- L. 8 : « [il] se croyait obligé de rendre les derniers devoirs »
- C’est la reconnaissance du ventre qui le fait agir ; il ne vient pas par amitié, mais parce que le père Goriot « lui avait fait gagner quelques bons pourboires » (9)
- Il se livre donc à une parodie de condoléances adressées à Rastignac comme le montre l’apostrophe « oui, monsieur Eugène… » (12). Ce qui ne fait que souligner l’absence des filles qui, elles, n’ont même pas cette reconnaissance du ventre.
- La satire sociale est aussi sensible dans l’attitude adoptée par les gens d’églises :
- On note l’omniprésence du thème de l’argent : « pourboires » (9, 27), « soixante-dix francs » (15), « l’argent » (25), « vingt sous » (28) : exprime l’idée que tout se monnaye, y compris la religion dont le narrateur dénonce ici le cynisme. Ainsi, les prestations sont tarifées :
- L. 14-15 : « Les deux prêtres […] donnèrent tout ce qu’on peut donner pour 70 francs. »
- L. 25 : « la courte prière due au bonhomme pour l’argent de l’étudiant »
- La critique est explicite dans la formule ironique « une époque où la religion n’est pas assez riche pour prier gratis » : remise en cause de la notion de charité chrétienne.
- Le clergé assure un service minimum : tout dans l’office funèbre est calculé en fonction du prix payé : « pour soixante-dix francs » on peut donc avoir « un psaume, le Libera, le De Profundis » et un « service [qui] dur[e] 20 minutes » (16-17) : dans ces deux phrases, la formulation lapidaire met en relief le caractère expéditif de l’office funèbre.
- La cérémonie est sans apparat :
- La cérémonie a lieu dans une « petite chapelle basse et sombre » (6-7) de l’Eglise Sainte-Etienne-du-Mont, Il n’y a « qu’une seule voiture de deuil pour un prêtre et un enfant de cœur. » (17)
- Au fur et à mesure de la cérémonie, le nombre de représentants du clergé s’amenuisent : à l’église sont présents « deux prêtres, l’enfant de cœur et le bedeau » mais pour accompagner Goriot au Père-Lachaise, il n’y a plus qu’« un prêtre et un enfant de cœur » lesquels s’éclipsent qui « disparurent aussitôt après que fut dite la courte prière » autour de la fosse de Goriot.
Quant à la famille, elle est absente, les filles se sont tout simplement fait représenter par « leurs gens ».
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