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Dom Juan LE BAROQUE ET LE CLASSICISME

Fiche de lecture : Dom Juan LE BAROQUE ET LE CLASSICISME. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  28 Octobre 2020  •  Fiche de lecture  •  3 466 Mots (14 Pages)  •  1 872 Vues

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Étude d'ensemble n° 3 sur Dom Juan : LE BAROQUE ET LE CLASSICISME

La diversité dans Dom Juan

        Représenté pour la première fois en 1665, Dom Juan appartient à une époque où le théâtre classique s'était imposé ; on appréciait la rigueur et la régularité des spectacles qui se soumettaient à des règles définies pour respecter la vraisemblance (les apparences de la vérité, l'illusion du possible) et les bienséances (ce qui sied à la morale, à la religion, aux bonnes mœurs). L'idéal classique s'opposait au théâtre baroque qui avait été particulièrement apprécié jusqu'en 1630 ; le baroque aimait l'effet et l'extravagance qui devaient éblouir et pouvaient choquer les spectateurs ; il multipliait les aventures et les revirements sans souci de vraisemblance et de cohérence ; il recherchait l'extraordinaire en mêlant le surnaturel à la réalité quotidienne. La mise en scène baroque utilisait les truquages de la machinerie pour produire des métamorphoses, des feux d'artifice, des jets d'eau, des apparitions... tout ce qui pouvait s'opposer aux aspects figés de la vie. La recherche d'équilibre du classicisme et le besoin de démesure de l'art baroque semblent

de prime abord inconciliables, et Dom Juan, dans lequel Molière a osé associer des éléments empruntés à l'une et l'autre de ces tendances, fut longtemps considéré comme une pièce mal construite. C'est aujourd'hui l’œuvre dramatique française la plus étudiée et le plus souvent mise en scène. Le succès actuel de Dom Juan est peut-être partiellement lié à cette double dimension classique et baroque qui est source de lectures multiples, d'analyses jamais épuisées, de discussions passionnées et de spectacles variés.

I) Les éléments baroques

La diversité de ton et d'action :

        La diversité baroque s'oppose à l'unité du théâtre classique qui est représenté par la tragédie

d'une part, et la comédie d'autre part : celles-ci sont nettement différenciées, et selon la règle des trois unités, l'action unique qui les caractérise doit se dérouler en vingt-quatre heures et en un seul lieu.

        En l'occurrence, Molière intitule sa pièce « comédie », mais il y mêle différents genres ; Elvire, par exemple, a la dimension d'une héroïne de tragédie : elle appartient à la noblesse, elle inspire aux spectateurs un sentiment de pitié mêlé d'admiration, elle est la victime impuissante des contradictions entre ses sentiments et ses obligations religieuses. L'athéisme, le libertinage dans lesquels se complaît Dom Juan, s'imposent à elle comme une fatalité contre laquelle elle lutte en vain (voir, acte IV, scène 6). Dom Louis, quant à lui, ressemble aux pères que l'on rencontre dans les tragi-comédies : il est à la fois intransigeant et généreux (comme Don Diègue dans Le Cid de Corneille). D'autre part, l'acte II met en scène des paysans dont le travail devrait être rude, mais, comme les bergers d'une pastorale (pièce littéraire ou musicale ayant pour thème la vie pastorale), ils semblent consacrer une bonne partie de leur temps au jeu, au plaisir, à l'amour. Par ailleurs, Molière exploite la liberté et la diversité du théâtre baroque lorsqu'il étale la durée de sa pièce sur plus d'une journée (un jour entier plus la soirée du lendemain) et ne respecte pas l'unité d'action : l'intrigue de Dom Juan est formée d'une série de rencontres et d'événements souvent fortuits ; au premier acte, Dom Juan est poursuivi par Done Elvire ; au second acte, le libertin, après un naufrage, courtise deux paysannes, et le thème de la poursuite est seulement repris dans la dernière scène de l'acte ; l'affaire entre Elvire et Dom Juan occupe deux scènes sur cinq dans le troisième acte, une scène sur huit dans le quatrième acte et une scène sur six dans le cinquième acte. Quant à la rencontre avec la statue du Commandeur, elle se situe seulement au troisième acte, et ne présente aucun rapport avec l'abandon d'Elvire.

La variété des décors, la richesse des costumes :

        Pour les décors et les costumes de Dom Juan, Molière s'inspire également de la mise en scène baroque qui recherche l'ornement et la magnificence. Ainsi, chaque scène de la pièce se situe dans un cadre qui doit éblouir le spectateur ; un programme, publié après 1665, nous permet de relever les termes qui soulignent la splendeur de ces décors :

– premier acte : l'ouverture du théâtre se fait par un magnifique jardin ;

– deuxième acte : le théâtre de mer et de rochers succède au superbe palais du premier acte ;

– troisième acte : un bois ;

– quatrième acte : chambre aussi superbe qu'on puisse voir ;

– cinquième acte : théâtre de statues à perte de vue.

         l'habit de Sganarelle s'inspire du costume de Scaramouche, mais le noir qui caractérise le vêtement du valet italien est remplacé par un tissu de couleur flamme. Dom Juan est vêtu comme un prince : à l'acte I, scène 2, les propos de Sganarelle nous permettent d'apprécier l'importance que son maître accorde à la parure : « Pensez-vous que pour être de qualité, pour avoir une perruque blonde et bien frisée, des plumes à votre chapeau, un habit bien doré, et des rubans couleur de feu [...] vous en soyez plus habile homme ? » À l'acte II, scène 1, Pierrot dit à Charlotte en parlant du libertin : « Il faut que ce soit queuque gros, gros Monsieur, car il a du dor à son habit tout depis le haut jusqu'en bas ».

Le changement de costume de certains personnages est à plusieurs reprises indiqué ou suggéré. Par exemple, au début de l'acte III, Molière précise que Dom Juan est maintenant en habit de campagne (costume de voyage) et que Sganarelle est déguisé en médecin, et on peut supposer qu'à l'acte IV, Dom Juan, de retour chez lui, porte une tenue d'intérieur, et Sganarelle des vêtements de valet. À l'acte I, scène 3, Elvire apparaît en costume de voyage, et à l'acte IV, scène 6, elle se voile pour rendre visite à Dom Juan.

La métamorphose, l'illusion :

        Les truquages produits par la machinerie, les effets d'ombre et de lumière, tous les procédés qui donnent aux spectateurs l'illusion que le réel et le surnaturel se confondent, sont également des éléments baroques. Ainsi, à l'acte III, scène 5, nous pénétrons avec Sganarelle dans le tombeau du Commandeur que Dom Juan tua en duel quelques mois plus tôt ; à deux reprises, la statue qui représente le mort baisse la tête pour répondre à l'invitation à dîner de Dom Juan : « Demande-lui s'il veut venir souper avec moi », dit le libertin en s'adressant à son valet. « Ce serait être fou que d'aller parler à une statue », répond Sganarelle. « Fais ce que je te dis », ajoute Dom Juan. Sganarelle exécute l'ordre de son maître et l'homme en pierre acquiesce d'un signe de tête. Dès la découverte de la statue, Sganarelle avait déjà noté : « Il jette des regards sur nous qui me feraient peur, si j'étais tout seul. » La scène mêle le surnaturel à une plaisanterie : Dom Juan se promène et il invite une statue à souper ; le spectateur assiste en même temps que le libertin à la métamorphose de la statue ; l'illusion est renforcée par l'atmosphère macabre du tombeau ; l'homme en pierre se transforme, il bouge, mais en même temps, c'est un mort qui s'anime, qui ressuscite. Plus tard, à l'acte IV, scène 8, cette triple dimension baroque : métamorphose, illusion, confusion totale entre l'imaginaire et la réalité, sera renforcée : la statue du Commandeur viendra dîner chez Dom Juan ; elle entrera dans la maison, marchera, parlera, repartira. Enfin, à l'acte V, scène 6, la statue apparaît, parle, serre la main de Dom Juan, et disparaît avec le libertin ; l'intervention finale de la machinerie donne à la mort de Dom Juan un caractère magique : « Le tonnerre tombe avec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan ; la terre s'ouvre et l'abîme et il sort de grands feux de l'endroit où il est tombé. » (Molière souligne l'aspect extraordinaire du spectacle par la répétition de l'adjectif « grand »). Dès l'acte V, scène 5, cette mort est d'ailleurs annoncée par une apparition : un spectre en femme voilée apparaît, il s'exprime vraisemblablement avec la voix d'Elvire : « Je crois connaître cette voix », déclare Dom Juan ; le spectre se transforme ensuite pour représenter le Temps avec sa faux à la main ; puis il s'envole lorsque Dom Juan veut le frapper avec son épée.

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